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Une synthèse du constructivisme est difficile à réaliser puisqu’il n’y a pas de définition commune à tous les acteurs du milieu scolaire (Baker et Piburn, 1997). De plus, « pour l’heure, toute synthèse sur les différents constructivismes est impossible à réaliser tant cette vision d’un monde où se construit la connaissance est… en pleine construction » (Vellas, 2007, p.67). Les prochaines sections du texte en exposeront tout de même les grandes lignes.

2.1.1 Origine et évolution du paradigme

Selon Le Moigne (1995), on peut retracer les bases des origines du constructivisme chez les sophistes grecs. En effet, l’enfant grec est promené, déplacé d’un lieu à un autre pour être éduqué. Il est ainsi exposé au pluralisme des idées, des types d’enseignement et des cultures (scientifiques, littéraire, artistique, etc.). La société grecque est considérée comme étant la première à rompre avec les sociétés traditionnelles, autoritaires et hiérarchiques laissant place à un modèle qui met l’accent sur l’initiative et l’autonomie de l’être humain (Gauthier et Tardif, 2012; Vellas, 2003). C’est donc dire que depuis aussi loin qu’il est possible de retracer l’origine du constructivisme celui-ci est en rupture, en opposition avec l’autoritarisme et avec le rôle de l’apprenant dans une posture hiérarchique. Bien qu’on reconnaisse habituellement, comme l’évoque Riopel (2005), la paternité du constructivisme à Brouwer (1881-1966), ce courant, en tant que fondement de la connaissance scientifique ou théorie générale de la connaissance, apparait vers le début des

années 1900 sous la plume de Kronecker et Brouwer (Keucheyan, 2007) tous deux mathématiciens.

Le constructivisme réapparait ensuite avec, entre autres, Jean Piaget (1963) qui en demeure la figure de proue (Glasersfeld, 1994). Selon Fourez, Englebert-Lecomte et Mathy (1997), le constructivisme correspond à la notion de paradigme disciplinaire; ils font référence à Kuhn (1983) pour la définition du terme paradigme. Ce dernier définit un paradigme comme un modèle cohérent de représentation du monde et d’interprétation de la réalité largement accepté dans un domaine particulier. C’est une manière de voir les choses qui repose sur une base définie, sur un modèle théorique ou sur un courant de pensée donnant « naissance à des traditions particulières de recherche » (1983, p.30). On peut donc dire que le constructivisme correspond à un paradigme. C’est une manière de voir le monde, d’interpréter la réalité qui repose sur une base définie (comme il sera expliqué au point suivant). À la suite de Piaget (1963), les auteurs Glasersfeld (1981) et Watzlawick (1981) introduisent le concept du constructivisme notamment dans les sciences de l’éducation. Avant de positionner le constructivisme en lien avec les concepts de la présente recherche soit la didactique des mathématiques et la gestion de la classe, il semble nécessaire de définir ce concept.

2.1.2 Définition du constructivisme

Qu’est-ce que le paradigme constructiviste? Bien que le constructivisme puisse avoir des implications dans l’enseignement, il s’agit avant tout d’une théorie de l’apprentissage, une posture épistémologique (Proulx, 2006; Vellas, 2008). Piaget (1963) a rompu avec les idées conventionnelles sur l’acquisition des connaissances, se demandant : « comment un enfant peut-il arriver à la connaissance? » au lieu de chercher à savoir ce qu’est la connaissance (Glasersfeld, 1994). C’est donc dire qu’il

s’est intéressé au processus de l’apprentissage et non plus seulement au produit qu’est la connaissance. Le postulat du constructivisme est que la connaissance est construite, l’apprenant construit ses propres connaissances et elles n’ont pas de sens à l’extérieur de celui-ci (Jonnaert et Vander Borght, 2009). Ainsi, le constructivisme

reconnait le rôle joué par le sujet qui construit les connaissances. […] toute connaissance est liée aux sujets qui connaissent. De ce point de vue, elles sont donc subjectives, sans qu’on donne à ce terme, appliqué aux connaissances, aucune connotation péjorative (Fourrez, Englebert- Lecomte et Mathy, 1997, p.23).

Pour définir le constructivisme, je considère Proulx (2006), qui relate les distinctions faites par Glasersfeld (1995), et propose un résumé en deux points. Le premier point, c’est la définition de l’apprentissage comme un phénomène actif. Les connaissances ne sont pas reçues, transmises ou transférées par le monde extérieur de façon passive, mais bien activement construites par l’apprenant lui-même en se basant sur ses connaissances antérieures. Cette vision de l’apprentissage contraste alors avec l’une « des croyances les plus vigoureuses en éducation et qui consiste en l’affirmation du caractère transmissible des connaissances et de l’efficacité visuelle et langagière en la matière » (Larochelle et Bednarz, 1994, p.9). Pour ce paradigme de l’apprentissage, l’apprenant est donc défini comme premier responsable dans le processus de construction des connaissances. Le constructivisme introduit la notion de responsabilité de ses actions (Larochelle et Berdnarz, 1994). Le sujet en prenant une part active dans la construction de ses connaissances accepte également la responsabilité de cette construction. Gréco (1985) va jusqu’à écrire que « l’enfant se construit en quelque sorte en grimpant sur ses propres épaules » (p.28). Ensuite, le deuxième élément amené par Proulx (2006) est la précision que notre monde d’expérience est tout ce qui nous est accessible. Glaserfeld (1994) précise cette connaissance extraite de ce monde d’expérience comme étant toutes structures

conceptuelles, actions et opérations jugées viables, soient compatibles avec les expériences vécues dont nous sommes conscients.

Il importe de préciser, que selon Jonnaert (2007) Piaget, à qui est attribuée la renaissance du constructivisme, aurait peu insisté sur les dimensions sociales des constructions par les personnes, mais le considère tout de même. Comme le déclare Gréco (1985) et tel que repris par Glasersfeld (2004) et Jonnaert (2007), Piaget ne conteste pas l’existence de la dimension sociale, du milieu, reconnaissant une intervention de l’environnement social sur le développement de la personne. En effet, pour Piaget « la vie est une création continue de formes de plus en plus complexes et une mise en équilibre progressive entre ces formes et le milieu » (Piaget 1963, p.10). Gréco (1985) précisera que Piaget a répondu à Riegel (1975) et à d’autres auteurs de la revue Human Development, qui affirmaient qu’il était « contre nature » d’écrire une théorie du développement sans tenir compte que celui-ci s’inscrit dans une dimension sociale, que si ces influences du social sont « assimilées par le sujet […] il faut alors définir les conditions de l’assimilation, ce qui renvoie aux structures » (Gréco, 1985, p.26). Pour le constructivisme, quels que soient l’environnement ou les évènements extérieurs qui jouent un rôle dans la construction des connaissances, la construction est un processus intérieur à la personne. Les dimensions sociales de l’apprentissage sont considérées comme des constructions de la personne (Gréco, 1985; Jonnaert, 2007), donc le social est considéré dans le constructivisme. La prise en compte du paradigme constructiviste, avec la notion de responsabilisation de l’élève, induit des façons de faire en didactique et en gestion de la classe, comme il sera avancé dans les points suivants.