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Pour un lien cohérent entre les deux dimensions de l’enseignement

L’enseignant devrait arriver à poser des gestes cohérents pour éviter d’envoyer un message contradictoire à l’élève en ce qui concerne sa place dans ses apprentissages. Quand il y a cohérence, les élèves cheminent vers le constructivisme, apprennent à trouver leur place dans la construction des connaissances et dans le fonctionnement de la classe. La responsabilisation dans l’enseignement des mathématiques nourrit celle en gestion de la classe et vice-versa. À la suite des analyses, j’ai voulu repositionner les enseignants, mais en modélisant cette fois-ci, sur l’axe de la gestion de la classe (l’axe horizontal) : Obéissance et sur l’axe de l’enseignement des mathématiques (l’axe vertical) : Transmission. Est-ce qu’il y aurait eu plus d’enseignants dans le quadrant I, donc une cohérence entre un enseignement magistrocentré et une gestion de la classe amenant vers l’obéissance? J’ai résisté, car cette perspective parait sans issue, puisque le programme qui est prescriptif oriente une des dimensions, l’enseignement des mathématiques, dans un paradigme constructiviste. Donc, même s’il y avait un lien cohérent en termes de la « cohérence interne » de l’enseignant entre « Obéissance – Transmission », ce positionnement manquerait de cohérence « externe » avec l’orientation de l’enseignement des mathématiques donnée dans les programmes. J’aborderai maintenant les conditions qui pourraient être mises en place afin de favoriser la cohérence entre les deux dimensions dans un contexte de responsabilisation.

5.3.1 Conditions pour l’établissement d’un lien cohérent dans un contexte de responsabilisation

L’analyse des données a clairement indiqué que les enseignants participant à cette recherche peinent à mettre en place une gestion de la classe qui serait cohérente avec un enseignement constructiviste des mathématiques, même s’ils se considèrent « constructivistes » dans leurs réponses au questionnaire effectué en début de recherche. Stella, la seule enseignante qui voit les deux dimensions comme étant indissociables, est celle qui s’inscrit le plus dans la responsabilisation tant dans son enseignement des mathématiques que dans la gestion de sa classe. C’est pourquoi, dans ce point, il serait important de présenter davantage ce cas, puisque le lien entre la gestion de la classe semble être présent pour cette enseignante. Partant de son expérience personnelle, Stella évoque une insatisfaction, une incohérence ressentie entre son enseignement des mathématiques et la gestion de la classe. Tout a commencé lorsque Stella a vécu un malaise entre sa posture praxéologique et épistémologique au niveau de l’enseignement des mathématiques. En effet, sa maitrise en didactique des mathématiques l’a amenée à réfléchir sur son acte d’enseigner, à connaitre la théorie de Brousseau (1998) et le processus de dévolution. Ensuite, après avoir choisi de modifier son enseignement des mathématiques, Stella a constaté des lacunes en ce qui concerne la responsabilisation de ses élèves et a ressenti une certaine incohérence entre ces deux dimensions de l’acte d’enseigner. À la suite du développement de nouvelles connaissances sur l’enseignement des mathématiques, Stella a été amenée à se questionner sur le type de gestion de la classe qu’elle aimerait instaurer dans sa classe. Un nouveau savoir pourrait donc être un élément déclencheur menant l’enseignant vers le constat d’une incohérence entre les deux dimensions et ensuite, vers l’appropriation du lien qui les unit. Ce qui nous ramène aux propos de Vanhulle (1999) qui met en évidence que pour réussir l’appropriation du lien qui unit la gestion de la classe et la didactique, il faudrait questionner le rapport au savoir que l’enseignant entretient. En effet, Stella, qui tente

délibérément de s’approprier ce lien entre les deux dimensions entretient un rapport différent des autres enseignants au savoir mathématique. Ce que le cas de Stella amène de nouveau est le passage (obligé) par le constat de l’incohérence, comme nous le verrons aussi dans les paragraphes suivants.

Un autre cas intéressant qui semble confirmer ce changement de rapport au savoir comme un des éléments déclencheurs menant vers un constat d’incohérence entre les deux dimensions, est celui de Simon qui est à la croisée des chemins. La formation PRIMES semble avoir provoqué un changement dans sa posture praxéologique d’enseignement des mathématiques. Simon est donc au début d’un processus de changement qui pourrait le mener éventuellement à se questionner sur la cohérence entre les deux. Ce qui m’amène à me demander : quand l’enseignant est à la croisée des chemins, entre le magistrocentré et le pédocentré, qu’est-ce qui devrait être mis en place pour lui permettre d’effectuer le passage entre un ancien et un nouveau paradigme? Simon doit vivre des succès, apprendre à se faire confiance; une démarche de formation continue serait appropriée pour l’amener à passer vers une étape d’engagement dans le processus de changement de sa pratique (Ouellet et Pellerin, 1996). Ensuite, il pourrait se questionner au regard de l’incohérence entre sa nouvelle façon d’enseigner et sa gestion de la classe. En me référant à l’analyse des données, je peux indiquer que le rapport au savoir mathématique de Simon semble également avoir été modifié. Est-ce donc dire que le changement en didactique pourrait être la porte d’entrée pour amorcer un changement en gestion de la classe? Dans le cas de Simon certes, par contre, est-ce que commencer par induire un changement en gestion de la classe pourrait également mener à un changement en didactique; cela pourrait certainement être une piste pour une future recherche. Par contre, je demeure convaincue qu’une démarche de formation continue, d’analyse réflexive, un lieu d’échange avec les enseignants sur la cohérence entre les deux dimensions permettrait d’accompagner les enseignants dans leur cheminement, à partir d’où ils se situent dans leur cheminement.

En effet, les enseignants ne sont pas tous rendus au même niveau face à l’établissement d’un lien entre les deux dimensions, comme en témoigne d’ailleurs la figure 2 qui les positionne. Christian est un cas intéressant pour expliquer le besoin de formation continue, mais également le passage (obligé) par le constat de l’incohérence entre les deux dimensions pour s’approprier le lien entre les deux dimensions. Christian semble être en mesure d’identifier les éléments qui devraient être mis en place afin d’instaurer une gestion de la classe plus responsabilisante. Il en a déjà mis une en place avec un autre groupe plus difficile et cela a eu les effets recherchés (élèves plus responsables, plus investis dans la gestion de la classe et les apprentissages). Par contre, Christian fonctionne tout de même avec un système d’émulation plus béhavioriste. Ce qui nous ramène au besoin de constat d’incohérence, à l’analyse réflexive. Christian a tout en main pour être cohérent et ne le fait pas. Il n’a pas constaté l’incohérence entre les deux dimensions. Certes, il justifie son choix par le fait qu’une gestion de la classe par système d’émulation demande moins d’investissement pour l’enseignant. Donc, au moment de l’entrevue, c’est comme si un système d’émulation était suffisant pour « contrôler » les élèves qu’il avait dans sa classe, alors pourquoi investir dans une gestion plus responsabilisante. Est-ce que la mise en place d’une telle gestion de la classe demanderait autant d’investissement avec un groupe moins difficile? En fait, est-ce la mise en place de ce type de gestion de la classe qui est exigeante ou la nature du groupe? On revient à l’importance de la formation continue, les échanges, l’analyse réflexive pour amener les enseignants vers un changement.

Les résultats de cette recherche indiquent que la plupart des enseignants y participant s’inscrivent dans un modèle de gestion de la classe à tendance davantage béhavioriste malgré le fait que tous adhèrent, selon le questionnaire proposé, à un minimum de 79 % (puisque j’exclus Stella) au paradigme constructiviste comme paradigme d’apprentissage pour leurs élèves. Un constat important de la recherche est qu’il

semble y avoir une incohérence entre les choix en didactique des mathématiques et leur positionnement quant à leur gestion de la classe. Stella semble celle qui est le plus près d’atteindre la cohérence entre les deux dimensions toutefois, il me semble que ce qui lui manque pour l’atteindre demeure le partage du pouvoir; cet aspect sera développé dans le point suivant.

5.4 Le partage du pouvoir, un élément indissociable de la responsabilisation