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2.3 La gestion de la classe

2.3.2 Les orientations en gestion de la classe

Les façons d’établir la gestion de la classe peuvent être répertoriées de différentes manières. À titre d’exemple celles d’Artaud (1989), de Weber (1986) et de Wolfgang (2005) seront explicitées afin d’exposer une certaine représentativité des façons de faire. Tout d’abord, pour Weber (1986) l’établissement de la gestion de la classe des enseignants dépend de l’importance que ceux-ci accordent à chacune des composantes suivantes : autorité, préoccupations relatives au système social, accent sur la pédagogie, socio émotivité, recours aux trucs et aux recettes, modifications du comportement, intimidation et permissivité.

Pour sa part, Artaud (1989), propose le positionnement de la gestion de la classe selon trois climats, se caractérisant par la posture de l’adulte face à lui-même et à l’apprenant. Premièrement, le climat autoritaire dépeint un adulte qui refuse l’invitation à grandir adressée par l’élève. Refusant toute remise en question, l’adulte se campe dans les habitudes de penser, de sentir et d’agir de son propre modèle humain (qu’il croit le meilleur possible) et refusant par le fait même de laisser l’élève élaborer son propre modèle. C’est donc un adulte qui veut transmettre, façonner, contrôler voire imposer sa façon de faire. Anderson et Brewer (1945; 1946) nommeront cet adulte en situation de classe « enseignant dominateur ». Ce climat autoritaire où l’objet d’apprentissage domine le sujet qui apprend induit un élève

dépendant, passif et soumis. Ce climat respecte donc l’idée de l’enseignement traditionnel de la transmission des connaissances en lien avec la conception magistrocentrée (Kember 1997).

Deuxièmement, le climat permissif, quant à lui, se retrouve aux antipodes du climat autoritaire. En effet, il dépeint un adulte qui est submergé par les remises en question. Ne voulant pas reproduire un climat autoritaire et désirant impérativement laisser l’élève élaborer son propre modèle humain, l’adulte permissif aura tendance à laisser l’enfant prendre les décisions qui lui conviennent et évoluer au gré de celles-ci. Il s’agit donc d’un climat où le sujet qui apprend domine l’objet d’apprentissage. Les deux premiers climats se retrouvent dans un rapport au pouvoir hiérarchique où l’un domine l’autre. Comme le mentionne Perrenoud (1996) « il est impossible de travailler ensemble sans être confronté au pouvoir », mais est-il possible de le faire sans être dans un rapport hiérarchique?

Artaud (1989) propose un troisième climat, entre l’autoritarisme du premier climat et le laisser-faire du deuxième : le climat coopératif, dans lequel l’adulte adopte une position de réconciliation face à lui-même. En effet, celui-ci ne se conforte pas dans un modèle ou au contraire le rejetant fermement. L’adulte coopératif a travaillé à l’élaboration des nouvelles normes de son modèle humain. Il va assumer, contrairement au permissif, la responsabilité de transmettre des valeurs, mais tout en laissant à l’élève, contrairement à l’autoritaire, la possibilité de découvrir de nouvelles modalités d’adaptation à la réalité, établissant avec l’élève « un équilibre entre des cadres de référence solidement éprouvés et une possibilité constante de remise en question des solutions précédemment adoptées » (Artaud, 1989, p.54). On peut donc dire que le sujet et l’objet sont en interaction, où le pouvoir, mais également les responsabilités qui en découlent sont partagés.

Quant à Wolfgang (2005), il répertorie les choix en gestion de la classe à travers trois approches idéologiques, soit l’approche interventionniste, non interventionniste et interactionniste. Il serait facile de penser que les climats d’Artaud (1989) et les approches idéologiques de Wolfgang (2005) sont des synonymes ou encore, comme l’écrivent Nault et Raby (2007, p.5), qu’Artaud (1989) abonde dans le même sens que Wolfgang (2005). Pourtant, selon moi, une distinction s’impose. En effet, les approches idéologiques de Wolfgang (2005) se situent sur un continuum de degrés de pouvoir de l’enseignant dans la relation enseignant-élève. Si l’approche interactionniste peut être vue comme pouvant évoluer dans un climat coopératif et l’approche interventionniste comme évoluant dans un climat autoritaire, le lien n’est pas si facilement envisageable pour l’autre extrémité du continuum, soit l’approche non interventionniste et le climat permissif. En effet, selon moi, le positionnement de l’adulte n’est pas compatible entre le climat permissif d’Artaud (1989) et l’approche non interventionniste de Wolfgang (2005). Artaud (1989), dans son climat permissif, dépeint un adulte qui est submergé par les remises en question, laissant l’enfant prendre les décisions qui lui conviennent et évoluer au gré de celles-ci parce qu’il a peur de couper l’enfant de lui-même. L’adulte intervient au gré de ses propres besoins oscillant entre différentes méthodes d’intervention. Par contre, dans l’approche non interventionniste de Wolfgang, on retrouve des modèles comme celui de Thomas Gordon (2005) où l’enseignant doit apprendre à se connaitre lui-même s’il veut pouvoir aider l’élève à en faire autant; basé sur la communication et la résolution de problèmes afin de développer l’autonomie et la responsabilisation de l’élève lui permettant ainsi d’atteindre la maitrise de soi. Cette idée de l’adulte qui se connait lui-même afin d’aider l’élève à se connaitre, l’idée d’un adulte qui s’assume, mais laisse la totale possibilité à l’élève de se découvrir fait davantage référence au climat coopératif d’Artaud (1989) qu’au climat permissif.

Pour la présente recherche doctorale, les références aux choix en gestion de la classe se feront à travers les climats d’Artaud (1989). Comme indiqué dans la

problématique, dans le climat autoritaire on retrouve les pédagogies normatives où l’objet d’apprentissage domine le sujet qui apprend, dans le climat permissif se situent les pédagogies permissives où le sujet domine l’objet et il y a le climat coopératif qui va au-delà de la non-directivité, où le sujet et l’objet sont en interaction. À travers ces trois climats, on peut également positionner les différents modèles pratiques proposés aux enseignants. Chaque modèle donne des orientations et suggère des stratégies de gestion de la classe; certains modèles sont d’inspiration autoritaire et d’autres d’inspiration coopérative. Étant donné que le climat permissif introduit le laisser-faire, il serait difficile de trouver un modèle cohérent à présenter. Avant de décrire quelques modèles en gestion de la classe, il importe de décrire le concept du pouvoir puisque Wolfgang (2005) y fait référence pour distinguer ses différentes approches idéologiques et Artaud (1989) ses différents climats.

2.3.2.1 Les types de pouvoir

Tout d’abord, selon St-Arnaud (2003) le pouvoir fait référence à la possibilité d’influencer une situation, d’agir sur celle-ci. Pour ce faire, St-Arnaud (2003) propose trois façons d’exercer le pouvoir. Premièrement, il y a le pouvoir d’autorité (St- Arnaud, 2003), qu’on pourrait aussi qualifier de pouvoir de statut. Il fait référence à une autorité reçue soit naturellement (celle des parents), soit par un mandat (celle reçue par élection ou par nomination) ou par statut (celle associée à un poste, par exemple : les policiers, les juges, les enseignants). Ce pouvoir d’autorité/de statut fait référence à la possibilité d’influencer la situation ou l’interlocuteur par le fait que la personne est en position d’autorité par rapport à l’autre. La personne qui exerce ce pouvoir peut imposer celui-ci. Par exemple, l’enfant face à ses parents, l’élève face à son enseignant ou le citoyen face à un policier.

Deuxièmement, il y a le pouvoir d’expert (St-Arnaud, 2003) qui fait référence à l’influence exercée sur une situation ou sur un interlocuteur par l’expertise (expérience ou habiletés reconnues) de la personne. Par exemple, le comptable n’a pas de pouvoir de statut sur son client, mais pourra influencer les décisions de celui-ci par son pouvoir d’expertise au sujet de ses impôts ou encore, le pharmacien lorsqu’il conseille un client sur l’utilisation de certains médicaments.

Troisièmement, le pouvoir personnel (St-Arnaud, 2003) fait référence à l’influence que peut exercer une personne sur une situation ou sur son interlocuteur par ses choix personnels, sa personnalité, son charisme, son leadership naturel. On peut donner en exemple, une relation amicale où un ami influence nos choix par le simple fait des propres choix qu’elle a elle-même fait ou encore, les leaders qui peuvent rallier toute une population autour d’une cause par leur charisme et leur leadership naturel.

Dans la pratique, un enseignant devrait être en mesure d’exercer son pouvoir selon les différentes façons en fonction des situations qui se présentent à lui et des interlocuteurs. Certains modèles en gestion de la classe, à travers certains climats (Artaud, 1989) font intervenir le pouvoir de différentes façons.

2.3.2.2 Quelques modèles en gestion de la classe

Tout d’abord, à l’intérieur du climat autoritaire, on retrouve le modèle de Canter et Canter (1976). Ce modèle, issu du courant béhavioriste et à travers lequel l’enseignant et les élèves ont des droits, prône la modification du comportement par le renforcement positif ou négatif et la punition positive ou négative. Dans cette approche interventionniste, la gestion de la classe repose sur l’enseignant et lui seul détient le pouvoir dans la classe (Lusignan, 2001). Ensuite, à l’intérieur du climat coopératif, issu de ce que nomment Archambault et Chouinard (2009) comme le

« néohumanisme », on retrouve les modèles de William Glasser (1996) et celui de Rudolf Dreikurs (1968). Le modèle de Glasser (1996) propose à l’enseignant, à travers la création d’un lien avec l’élève, d’agir comme médiateur afin d’aider celui- ci à comprendre ses comportements. Il s’agit de l’amener à évaluer ses comportements, réviser ses priorités et prendre des décisions au regard de celles-ci. Ce modèle d’intervention favorise l’autonomie, la responsabilisation, mais également l’engagement de l’élève (Dumouchel, 2003). Le modèle de Dreikurs (1968), quant à lui, tente d’amener l’élève à se donner des limites, à s’autodiscipliner à travers une classe démocratique. L’enseignant n’est ni autoritaire ni permissif, il est démocratique. Il joue un rôle d’accompagnement, de leadership dans l’apprentissage de la démocratisation, mais également dans l’apprentissage des limites de l’élève (Dreikurs, 1968, Dreikurs, Grunwald et Pepper, 1971; Charles, 1997). Toujours dans le climat coopératif, on retrouve le modèle de Thomas Gordon (2005) qu’Archambault et Chouinard (2009) associent au courant humaniste. Dans ce modèle, la discipline à l’école peut se résumer à amener l’élève à exercer la maitrise de soi. Celui-ci se base sur la communication et la résolution de problèmes afin de développer la responsabilisation de l’élève lui permettant ainsi d’atteindre la maitrise de soi. L’enseignant doit apprendre à se connaitre lui-même s’il veut pouvoir aider l’élève à en faire autant. Ainsi, la gestion de la classe repose sur une relation efficace entre l’enseignant et l’élève basée sur la franchise, le souci des autres, la solidarité, la diversité et le respect des besoins des autres (Gordon, 2005). L’enseignant est donc confronté à une grande diversité de choix possibles pour positionner la gestion de sa classe : plusieurs climats, plusieurs modèles, plusieurs besoins.

2.3.3 La responsabilisation : une notion à l’intersection de la gestion de la