• Aucun résultat trouvé

Cette recherche puise son origine d’une réflexion sur l’acte d’enseigner et sa complexité. Amoureuse des mathématiques et passionnée par la gestion de la classe, une tension a fait son apparition lorsque j’ai voulu combiner ces deux intérêts; cela m’a amenée dans la grande aventure de la recherche doctorale. L’orientation de la didactique des mathématiques au Québec est clairement et pleinement constructiviste : plaçant l’élève au cœur de ses apprentissages, le responsabilisant face à ceux-ci, l’enseignant est ainsi appelé à avoir une conception pédocentrée de l’enseignement des mathématiques. Par contre, en ce qui concerne la gestion de la classe, les programmes ne fournissent pas d’orientations claires à l’enseignant quant aux conditions nécessaires à mettre en place afin d’atteindre les visées constructives

du programme. De plus, le modèle de gestion de la classe qui semble demeurer dominant dans l’enseignement au Québec est le béhaviorisme, qui place l’élève dans une position de subordination à travers des pratiques principalement magistrocentrées. Même si, à ma connaissance, il n’y a pas eu de recherche empirique à cet effet, mon expérience d’enseignante, d’agente de stage, de superviseure et d’assistante de recherche me permet d’arriver à ce constat, puisque les systèmes d’émulation sont très populaires dans les classes du primaire que j’ai visitées et auprès des enseignants que j’ai rencontrés. Ces systèmes de gestion de la classe, que ce soit des épingles, des points, des dollars, des thermomètres ou des fleurs réfèrent tous à une vision béhavioriste, se positionnant à l’opposé d’une gestion de la classe responsabilisante et qui placerait l’élève au cœur de ses apprentissages scolaires, sociaux et autres. Est-ce que les enseignants sont conscients de ces deux dimensions, de leurs différences de positionnement? Est-ce que les deux dimensions ne devraient- elles pas être sous un même paradigme visant la responsabilisation en tout temps?

D’autres avant moi ont relevé des aspects de la dualité entre la didactique et la gestion de la classe dans l’acte d’enseigner. En effet, Freinet (1994) évoque le fait que la didactique et la gestion de la classe ne doivent pas être traitées séparément. Garcion- Vautor (2002) témoigne de l’existence d’un lien entre les deux dimensions lors d’une recherche en classe de maternelle. Butlen et coll. (2011) constatent que la réussite d’une des deux dimensions se fait au détriment de l’autre et qu’une façon d’optimiser l’enseignement serait de considérer les deux simultanément. Deblois et Larivière (2012) quant à elles, en se centrant sur l’élève, abordent les problématiques qui peuvent exister relativement aux liens entre les choix didactiques et ceux en gestion de la classe. Finalement, bien que Vanhulle (1999) se soit intéressée au lien entre les deux dimensions dans la perspective de la didactique du français et dans une gestion de la classe interactionniste, ses conclusions sont intéressantes pour la présente recherche. En effet, cette chercheuse précise que les deux dimensions sont inséparables et met en évidence le rôle du rapport au savoir de l’enseignant dans

l’articulation du lien. Selon Vanhulle (1999), une conception du savoir comme étant de l’ordre du transmissible, se traduisant par un enseignement magistrocentré amène une gestion de la classe plus circonscrite à des considérations d’ordre et de discipline, donc de gestion des comportements. Alors qu’une conception du savoir plus constructiviste, donc davantage pédocentrée, oriente la gestion de la classe vers un espace de développements multiples. Un espace qui, comme présenté dans la problématique, se veut un espace éducatif à part entière, un espace de construction de savoir, de négociation de sens et de dépassement à travers des dynamiques individuelles et de groupe et dans lequel l’élève peut être mené vers la responsabilisation (Vanhulle, 1999).

À travers ces recherches qui laissent entrevoir la pertinence d’un lien entre la gestion de la classe et le paradigme constructiviste, la question de la cohérence entre les choix en gestion de la classe et la didactique des mathématiques dans un paradigme constructiviste s’est retrouvée au cœur de mes préoccupations de recherche. En fait, puisqu’au Québec, en enseignement des mathématiques l’orientation constructiviste est évidente, il est pertinent de supposer que la gestion de la classe devrait elle aussi être constructiviste et permettre de créer dans une classe un espace de développements multiples. C’est ainsi que la problématique de la recherche a été dessinée pour aboutir aux questions suivantes : Est-ce que des enseignants du primaire au Québec établissent dans leur enseignement un lien entre la didactique des mathématiques selon le paradigme constructiviste et la gestion de la classe? Quelles sont les conditions, selon des enseignants du primaire au Québec, facilitant la mise en relation cohérente entre l’enseignement des mathématiques selon le paradigme constructiviste et la gestion de la classe?

Pour répondre à ces questions, le cadre théorique a été articulé autour des notions du constructivisme, de la didactique des mathématiques, de la dévolution, de la gestion de la classe et de la responsabilisation. Par la suite une démarche méthodologique

qualitative et exploratoire a permis de choisir des cas d’enseignants qui intentionnellement se définissent comme étant constructivistes. L’analyse des données a mené vers une modélisation de l’articulation du lien entre la didactique des mathématiques selon le paradigme constructiviste et la gestion de la classe. Avant d’aller plus loin dans la discussion et d’aborder le thème du lien entre les deux dimensions et le partage du pouvoir, une redéfinition de certains concepts, à la lumière de l’analyse des données, s’impose.