• Aucun résultat trouvé

2.2 La didactique des mathématiques

2.2.3 L’apprentissage des mathématiques dans un paradigme

constructiviste soit présente depuis longtemps dans les programmes, peu d’études empiriques ont été effectuées sur les pratiques effectives. Par contre, quelques études répertoriées (Brousseau et Vázquez-Abad, 2003; Morin, 2008; Poellhuber et Boulanger, 2001) ont permis de déterminer les critères qu’une leçon doit satisfaire pour être considérée comme constructiviste. Retenons, comme le mentionnent Brousseau et Vázquez-Abad (2003) les points communs : le caractère non transmissif d’une connaissance, le caractère pratique du savoir « permettant de survivre, de résoudre des problèmes et de réaliser des projets » (idem, n.d.), les processus éducatifs sont centrés sur l’apprenant (l’élève au cœur de ses apprentissages) et doivent conduire à la construction de connaissances. Pour la présente étude doctorale, puisque les termes contrat didactique et dévolution (définis aux points 2.2.1 et 2.2.2) sont issus de la théorie des situations didactiques développée par Guy Brousseau (1998), que celle-ci est constructiviste et qu’elle tient compte des points communs mentionnés précédemment, c’est cette théorie des situations didactiques qui servira de référence.

En 1970, Guy Brousseau dans le but de fonder une didactique scientifique des mathématiques entreprend l’étude des conditions théoriques susceptibles de faire

évoluer les connaissances des élèves (Forget, 2008). C’est dans ce contexte qu’apparait la théorie des situations didactiques. Au début, celle-ci confronte l’élève à trois situations : d’action, de formulation et de validation. Ces situations sont entremêlées les unes aux autres et mettent « en scène une fonction du savoir (soutenir l’action/la dire/la justifier) » (Forget, 2008). Plus précisément, Brousseau (1998) définit la situation d’action comme une situation où la connaissance de l’élève se manifeste par des décisions, par des actions régulières et efficaces sur le milieu. La situation de formulation comme une situation où le seul moyen d’action de l’élève est de formuler ses connaissances mises en jeu pour résoudre le problème et la situation de validation, comme étant une situation qui exige que les élèves établissent la validité de la connaissance caractéristique de la situation (reconnaissance d’une conformité). Brousseau qualifie ces trois situations d’apprentissage d’« adidactiques » où l’élève n’est soumis à aucune intervention didactique de la part de l’enseignant, « où le maître a réussi à faire disparaitre sa volonté, ses interventions » (Brousseau, 1998, p.311), où s’opère le processus de dévolution. À l’intérieur d’une situation didactique (donc organisée par le maitre pour un certain enseignement), le terme de situation adidactique désigne toute situation (finalisée par un résultat) qui d’une part ne peut être maitrisée de façon satisfaisante sans la mise en œuvre des connaissances ou du savoir visé et qui d’autre part sanctionne, sous le mode de l’évidence pour l’élève, les décisions qu’il prend (bonnes ou mauvaises), sans intervention du maitre relativement au savoir à mettre en œuvre.

Par contre, Brousseau (1997) ironisera lui-même sur sa théorie en disant qu’il « a commis l’erreur de croire en la possibilité d’une didactique “constructiviste” » (p.9). C’est ainsi que dans son effort de systématisation, il a dû rajouter une quatrième situation à sa théorie, la situation d’institutionnalisation. À propos de cette dernière, Brousseau rajoutera : « Les faits […] ont montré la vanité de cet espoir et la nécessité de la phase d’institutionnalisation qui donnent à certaines connaissances le statut culturel indispensable de « savoirs » (idem, p.9). Certains qualifieront la situation

d’institutionnalisation comme étant l’inverse de la dévolution (Forget, 2008; Margolinas, 1995) parlant également de paradoxe. En effet, dans la dévolution, la tâche de l’enseignant est d’amener les élèves à prendre la responsabilité de la situation, de chercher à résoudre la situation en elle-même; alors que dans l’institutionnalisation, l’enseignant dénoue celle-ci en reprenant la responsabilité de

la situation, reconnaissant ce que les élèves ont fait, donnant un statut aux

évènements qui se sont réalisés dans la classe : « la prise en compte “officielle” par l’élève de l’objet de la connaissance et par le maître, de l’apprentissage de l’élève […] cette double reconnaissance est l’objet de l’institutionnalisation (Brousseau, 1998, p. 311) ». Brousseau (1998) dira même que les situations classiques d’enseignement sont des situations d’institutionnalisation : « on dit ce que l’on veut que l’enfant sache, on lui explique et on vérifie qu’il l’a appris » (p.311), on pourrait réduire l’enseignement à de l’institutionnalisation.

Parce que la théorie des situations mathématiques n’a pas cessé d’évoluer, ce qui était au départ une situation d’institutionnalisation est maintenant considéré comme un processus (Margolinas, 1993), voire même comme un processus complémentaire à celui de dévolution (Laparra et Margolinas, 2008). En effet, « la dévolution d’une situation adidactique n’a de sens, dans le cadre de la théorie des situations, que si préexiste une intention d’enseigner des savoirs et des connaissances, dont le processus d’institutionnalisation gère la finalité didactique » (idem, p.7). Si l’institutionnalisation ne s’est pas produite à travers l’une des trois situations (action, formulation, validation) l’enseignant doit, au minimum, l’imposer à la fin. Selon moi, on peut même envisager que l’enseignant puisse exercer un processus de dévolution dans celui de l’institutionnalisation. L’élève peut prendre la responsabilité, à tout le moins une partie de la responsabilité, du processus d’institutionnalisation. En effet, on peut partager la responsabilité de l’enseignant dans l’établissement d’un nouveau rôle de la connaissance, dans l’établissement d’une référence pour des situations futures. Margolinas (1995) précisera tout de même que dans une situation adidactique

où s’exerce le processus de dévolution, l’enseignant « choisit de se “retirer” (du point de vue d’un savoir donné, mais pas en ce qui concerne l’autorité ni la responsabilité de la classe) » (p. 342). Est-ce qu’il serait possible pour l’enseignant de le faire, de « se retirer » également en ce qui concerne l’autorité et la responsabilité de la classe? Dans quel type de gestion de la classe une leçon respectant les critères constructivistes, encourageant la responsabilisation, est-elle possible? Au prochain point, la gestion de la classe sera abordée en présentant les différents choix qui s’offrent aux enseignants et expliquant si certains climats de gestion de la classe seraient plus cohérents avec une leçon constructiviste et favorisant ainsi le processus de dévolution.