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3.3 Opérationnalisation et instrumentation

3.3.4 Deuxième étape : entretien d’autoconfrontation

Avant de choisir l’entretien d’autoconfrontation comme instrument de collecte de données qualitatives, l’observation non participante avait été envisagée, mais celle-ci restreint le regard du chercheur (Martineau, 2005), si employé seule, en plus de faire place à une certaine subjectivité (Laperrière, 2009). La vidéoscopie a ensuite été considérée, croyant que celle-ci permettrait de réduire les limites de l’observation. Tout en étant consciente que, du fait qu’ils sont enregistrés, les enseignants peuvent changer leur comportement, et ce, par désirabilité sociale (Laperrière, 2009). Par contre, la vidéoscopie permet de revoir l’enregistrement et de remarquer des éléments qui auraient pu échapper au chercheur lors du premier visionnement ou encore lors d’une observation directe (Donnay et Charlier, 2002). L’entretien d’autoconfrontation

à partir de la vidéoscopie semblait alors tout désigné pour tenter de dépasser l’effet de désirabilité dans le comportement des enseignants et s’assurer de comprendre ce dernier en interrogeant la réalité établie avec l’acteur principal de celle-ci.

Dans un premier temps, il avait donc été pensé de demander aux enseignants de se filmer durant deux leçons complètes de mathématiques qu’ils jugeaient les plus constructivistes. Par contre, étant donné les circonstances hors du contrôle de l’étudiante chercheuse énumérées précédemment (période de négociation syndicale), il a été décidé d’éprouver le terrain. J’ai ainsi demandé à cinq enseignants parmi les treize enseignants retenus s’ils acceptaient de se filmer. Une enseignante a refusé de participer à la deuxième étape évoquant clairement des raisons syndicales et les quatre autres ne voulaient pas être filmés; évoquant le contexte, mais également le malaise face à la gestion de la classe. En effet, tel que mentionné dans la problématique, les recherches indiquent que la gestion de la classe représente un défi pour plusieurs enseignants, constituant la principale source des difficultés liées à l’acte d’enseigner (Johnson, 1993, 1994; Neale et Johnson, 1994; Lessard et Schmidt, 2011; Léveillé et Dufour, 1999; Reynolds, 1995) pouvant peut-être ainsi expliquer leur malaise face à la vidéoscopie en lien avec la gestion de la classe. De plus, toujours en considérant les difficultés rencontrées pour trouver 28 enseignants répondant aux critères et acceptant de répondre au questionnaire, le refus des cinq enseignants de poursuivre pour la deuxième étape et le climat qui régnait dans le milieu de l’enseignement, il a été décidé d’abandonner la vidéoscopie et d’élaborer un plan permettant d’atteindre les objectifs de recherche. Le devis méthodologique a donc été revu.

Le but de la vidéoscopie suivie de l’entretien d’autoconfrontation était d’amener les enseignants à s’interroger sur leur action; chaque enseignant pourra « défai [re] et refai [re] les liens entre ce qu’il se voit faire, ce qu’il y a à faire, ce qu’il voudrait faire, ce qu’il aurait pu faire ou encore ce qui serait à faire » (Duboscq et Clot, 2010,

p. 265). Pour tenter de respecter cette idée, mais également de maintenir les visées de l’entretien d’autoconfrontation, j’allais « confronter » chacun des neuf enseignants aux résultats de leur questionnaire.

Ainsi, le but étant de connaitre leurs interprétations pour les résultats (élevés ou écarts) qu’ils ont obtenus pour chacune des situations de Brousseau (1998) en lien avec le constructivisme, qui apparaissent dans son portrait descriptif du

questionnaire des participants (exemple en appendice E). Le tout en laissant

suffisamment de temps aux enseignants pour réagir et trouver le sens de ces résultats élevés et les écarts selon leur interprétation personnelle et leur expérience vécue. Voici quelques exemples de questions posées : Qu’est-ce que ces résultats évoquent pour vous? Est-ce qu’ils vous surprennent? À partir de ces résultats, que devons-nous comprendre de votre enseignement des mathématiques? Que devons-nous comprendre du rôle de l’élève? Du rôle de l’enseignant? Du rôle du groupe? Y a-t-il des éléments qui vous surprennent? Comment se vit votre gestion de la classe à travers ces différentes situations? Est-ce qu’elle change à travers vos différents enseignements? Ensuite, je leur demandais de me décrire une situation d’enseignement apprentissage en mathématiques (les enseignants pouvaient choisir une parmi les planifications qu’ils me remettaient ou une autre) et de me décrire également leur gestion de la classe à travers celle-ci. Les enseignants planifient généralement leur situation d’enseignement apprentissage selon trois phases : préparation, action et rétroaction. Ainsi, tout au long de la description de la situation, je questionnais l’enseignant plus spécifiquement sur le rôle de l’élève, le rôle de l’enseignant, le rôle du groupe et la résolution de conflits en classe à travers chacune des phases (guide d’entretien, appendice F). À la fin de la description de la situation d’enseignement apprentissage et de la gestion de la classe, la question suivante leur était posée : Est-ce que la gestion de la classe décrite ici est spécifique à votre enseignement des mathématiques ou est-elle générale? De plus, à la fin des questions directes sur les liens possibles entre la didactique des mathématiques et la gestion de

la classe et les conditions qui facilitent la mise en relation entre ces deux dimensions étaient posées.

De ce fait, les thèmes du guide d’entretien (appendice F), choisis en lien avec le cadre théorique (constructivisme, enseignement des mathématiques, gestion de la classe et responsabilisation) ont été maintenus : organisation du contenu enseigné en lien avec le programme et la présence du constructivisme; responsabilisation de l’élève à travers la distribution des tâches (tant sur le plan de l’enseignement des mathématiques que de la gestion de la classe), rôle de l’enseignant et de l’élève, difficultés rencontrées, résolution de conflits, etc. En effet, l’organisation du contenu dans l’enseignement des mathématiques, la distribution des tâches aux élèves, le rôle de l’enseignant et de l’élève et la résolution de conflits font référence à la présence du constructivisme dans l’enseignement des mathématiques, mais aussi au type de climat instauré par l’enseignant et au positionnement de l’adulte à travers celui-ci. Le thème de la responsabilisation est directement en lien avec les notions élaborées au sujet de la responsabilisation dans le cadre théorique.

L’entretien ainsi élaboré a permis de dégager les liens que les enseignants établissent entre l’enseignement des mathématiques selon le paradigme constructiviste au primaire et la gestion de la classe. De plus, les enseignants ont été appelés à identifier les conditions qui facilitent la mise en relation entre l’enseignement des mathématiques en respectant le paradigme constructiviste et la gestion de la classe et à identifier le type de gestion de la classe qui favoriserait l’enseignement des mathématiques au primaire.