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Propagation jusqu’à 50 mètres en atmosphère supposée homogène

4.3 Comparaisons à courtes et moyennes distances

4.3.1 Propagation jusqu’à 50 mètres en atmosphère supposée homogène

Les configurations 20A et 20B correspondent à des configurations en ligne où les barres de microphones sont placées jusqu’à 50 m du haut-parleur omnidirectionnel ou du canon à gaz (voir figure 4.16). Cette distance n’est pas suffisante pour observer des effets significatifs de l’atmosphère, d’autant plus que le vent est plus faible que pour les autres configurations (voir tableau 4.2). On suppose donc des conditions de propagation homogènes (sans effets thermiques ni aérodynamiques), ce qui permettra dans un premier temps de valider la démarche numérique concernant la modélisation du sol et le traitement des sources, avant de considérer des distances de propagation plus importantes.

Fig. 4.16: Mesures acoustiques lors de la configuration 20A.

Haut-parleur omnidirectionnel

On s’intéresse tout d’abord aux mesures avec le haut-parleur. Les figures 4.17 et 4.18 montrent la moyenne des signaux de pression plus ou moins deux écart-types pour 100 tirs de la source, enregistrés après une propagation de 10 et 50 m par les trois microphones de chacune des deux barres. On peut d’ores et déjà constater la très faible variabilité de tir à tir des signaux à 10 m, liée à la parfaite reproductibilité de la source et à la quasi-absence d’effets atmosphériques. Ces derniers se manifestent ici après une propagation de 50 m essentiellement par une fluctuation des temps d’arrivée (le wander) de l’ordre de 0.2 ms, qui suffit à expliquer le plus grand écart-type observé. Par ailleurs, les signaux moyens enregistrés par les trois microphones d’une même barre sont indissociables à 50 m, alors qu’on observe quelques différences à l’arrière des signaux en champ proche, à partir de 30 ms ; ce temps correspond approximativement au temps d’arrivée de l’onde réfléchie par le sol. Ce phénomène peut alors s’expliquer par l’inhomogénéité des propriétés du sol pour des échelles spatiales inférieures au mètre, qui a moins d’influence sur les signaux à plus longue distance de la source puisque le diamètre apparent des barres diminue. On note enfin des différences de temps d’arrivée inférieures à la milliseconde entre les microphones d’une même barre (qui ne sont pas espacés régulièrement), liées au fait que les barres ne sont pas parfaitement orientées face à la source. Ce décalage est en accord avec la position des microphones sur chacune des barres, et est ici compensé pour mieux interpréter la forme des signaux et faciliter la comparaison avec les prédictions numériques.

Fig. 4.17 : Signaux de pression expérimentaux resynchronisés à la source enregistrés par les 3 microphones (notés « 1 », « 2 » et « 3 ») de la barre située à 10 mètres du haut-parleur, et comparaison avec les résultats FDTD pour le sol herbeux et un sol rigide. La partie supérieure montre la moyenne (non cohérente) des mesures plus ou moins deux écart-types (pour 100 tirs) ; les écart-types affichés pour les simulations correspondent à l’incertitude sur le signal source liée à la directivité du haut-parleur, en considérant 8 sources équivalentes (voir section 4.2.3). Dans la partie inférieure, les moyennes expérimentales sont superposées aux calculs FDTD. Les flèches en haut à gauche indiquent le décalage temporel appliqué aux mesures pour les faire correspondre avec les résultats numériques : celui-ci correspond à une erreur de positionnement des microphones d’au plus une quinzaine de centimètres.

Deux simulations FDTD sont maintenant réalisées avec un pas spatial ∆ = 2.5 × 10−2m et un nombre de Courant de 0.7 (comme l’ensemble des simulations de ce chapitre), ce qui permet une bonne résolution des signaux jusqu’à 2 kHz, avec le modèle d’herbe à porosité variable issu des mesures d’impédance de la section 4.2.1 et un sol rigide. Le domaine de calcul ne comprend que 250 × 100 × 200 points, grâce à la technique de la fenêtre glissante (voir section 1.3.1). Une distribution gaussienne de pression est définie au temps initial à 1.75 m du sol, et le calcul est réalisé pour 4000 itérations temporelles. Le champ de pression est enregistré au cours du temps à la position estimée des microphones de l’expérience (c’est-à-dire, à la position estimée du centre des barres de microphones, le long de l’axe x), puis les résultats sont déconvolués pour estimer les fonctions de Green (tronquées en fréquence) du problème. Ces dernières sont ensuite convoluées avec les 8 sources équivalentes qs(t) du haut-parleur mesurées précédemment. L’absorption atmosphérique liée au phénomène de relaxation moléculaire est également prise en compte par filtrage des signaux temporels simulés (voir, par exemple, Van Renterghem

Fig. 4.18 : Signaux de pression expérimentaux resynchronisés à la source enregistrés par les 3 microphones (notés « 1 », « 2 » et « 3 ») de la barre située à 50 mètres du haut-parleur, et comparaison avec les résultats FDTD pour le sol herbeux et un sol rigide (voir la légende complémentaire de la figure 4.17).

[208]), bien que ce phénomène n’ait que très peu d’influence en dessous de 2 kHz pour de telles distances de propagation [13, 14, 157, 158].

Les signaux FDTD moyens plus ou moins deux écart-types, correspondant aux 8 orientations du haut-parleur, sont affichés sur les figures 4.17 et 4.18. On peut constater un accord raisonnable avec les résultats expérimentaux à 10 m pour le modèle d’herbe, avec des erreurs légèrement plus importantes que les différences observées entre les microphones, et un très bon accord avec les mesures à 50 m. Les résultats numériques à 10 m pour l’herbe et le sol rigide sont de plus superposés jusqu’à 30 ms, puisque cette partie du signal correspond à l’onde directe, puis des divergences commencent à apparaître : ceci confirme l’influence de l’hétérogénéité du sol sur les différences observées entre microphones d’une même barre. À plus longue distance, le sol rigide conduit à une surestimation de l’amplitude des oscillations sur l’ensemble du signal et ne permet pas de retrouver la forme des signaux de l’expérience. L’incertitude sur le signal source liée à la directivité du haut-parleur, quantifiée par les 8 sources équivalentes, se traduit par de légères différences sur l’amplitude de la première dépression des signaux simulés, notamment.

La figure 4.19 compare les résultats numériques et expérimentaux dans le domaine fréquentiel à plusieurs distances de la source : on observe dans tous les cas un très bon accord avec le modèle d’herbe, mis à part quelques différences autour de 300 Hz qui pourraient s’expliquer par la modélisation du sol et/ou par la non prise en compte des effets atmosphériques. La simulation avec sol rigide présente enfin des creux d’interférence très marqués, qui ne sont pas présents

sur les signaux observés in situ (notons que ces creux n’auraient le cas échéant pas été aussi prononcés, de par les effets de turbulence atmosphérique et de rugosité du sol).

Fig. 4.19 : Niveaux de pression expérimentaux (ADVISE) et numériques, pour différents sols, à différentes distances de la source. La zone bleue correspond au maximum et au minimum des niveaux moyens mesurés pour les trois microphones de chaque barre, plus ou moins deux écart-types (pour 100 tirs). La zone verte correspond à la moyenne plus ou moins deux écart-écart-types des 8 sources équivalentes du haut-parleur utilisées dans la simulation.

Canon à gaz

Cette configuration est similaire à la configuration précédente si ce n’est l’utilisation cette fois du canon à gaz. Une simulation FDTD est effectuée en changeant seulement la hauteur de la distribution initiale de pression par rapport au sol (1.58 m), et les fonctions de Green du problème sont convoluées avec les 29 sources équivalentes du canon (ce qui permet de quantifier l’influence de sa variabilité de tir à tir sur les signatures propagées, voir section 4.2.3).

La figure 4.20 montre 50 tirs mesurés lors de la configuration 20A par un des microphones de la barre placée à 50 m de la source, ainsi que les 29 signaux simulés. Les signaux expérimentaux

ont cette fois été resynchronisés au temps d’arrivée moyen afin de compenser le wander ; en effet, le signal du canon fait intervenir des échelles temporelles plus courtes que le signal du haut-parleur, et le signal moyen des signaux non resynchronisés se traduit par une sous-estimation de l’amplitude des oscillations du début du signal (voir un peu plus loin). Un décalage de 0.5 ms est également appliqué pour faciliter la comparaison avec les prédictions numériques. Ce décalage correspond à une erreur de 15 cm sur la position de la barre ou encore à une incertitude de moins de 1 % sur la vitesse du son.

On constate un accord excellent pour la première moitié des signaux temporels. De légères différences apparaissent cependant après 153 ms, et semblent dues à un problème d’estimation du signal source ; ce problème pourrait s’expliquer par le « filtrage » de l’onde réfléchie utilisé pour estimer le signal du canon en champ libre (voir figure 4.15), ou par l’influence des conditions météorologiques (vent et température) sur la réponse de la source ou de la quantité de gaz restant dans la bouteille de gaz. Les résultats dans le domaine fréquentiel montrent en effet des différences moyennes autour de 400 Hz plus grandes qu’avec le haut-parleur, inférieures à 10 dB, en plus d’une variabilité liée à la source très importante. Ces comparaisons en conditions homogènes sont néanmoins très encourageantes.

Fig. 4.20 : Gauche : signaux de pression expérimentaux à 50 m du canon à gaz resynchronisés au temps d’arrivée moyen (50 tirs), et prédictions FDTD avec le sol herbeux pour les 29 sources équivalentes. Droite : niveaux sonores correspondants ; les traits épais indiquent le niveau de la moyenne des signaux temporels resynchronisés au temps d’arrivée moyen (c’est-à-dire, la moyenne cohérente).

Note sur la comparaison expérimentale avec une approche déterministe

On s’intéresse par la suite à des confrontations expérimentales à plus longue distance, ce qui nécessite la prise en compte dans le modèle numérique du profil de vent moyen. Les signaux expérimentaux présentent toutefois de plus faibles rapports signal sur bruit, puisque les niveaux sonores sont moins importants de par l’atténuation géométrique, mais aussi des fluctuations liées à la turbulence plus marquées (le wander et le spread, voir la section 4.1.1). La comparaison entre les mesures et des simulations purement déterministes n’est alors pas totalement triviale, puisque ces dernières ne permettent de prédire que la forme générale des signaux (en supposant qu’il n’y a pas d’effets de propagation spécifiquement liés à la turbulence ; on verra par exemple dans la

section 4.4.2 que ce n’est pas toujours vrai en zone d’ombre). On considère donc la moyenne dite cohérente des signaux expérimentaux [181, 182, 115], telle qu’utilisée juste avant, qui s’obtient en moyennant les différentes réalisations après resynchronisation au temps d’arrivée5. Cette terminologie ne doit ici pas être confondue avec un terme similaire parfois employé en acoustique environnementale dans le contexte de signaux monochromatiques (voir, par exemple, [38]).

Le moyennage cohérent a pour objectif [181] :

• d’améliorer le rapport signal sur bruit, puisque la moyenne du bruit lié (entre autres) au vent devrait tendre vers zéro pour un nombre suffisant de réalisations (c’est aussi vrai pour la moyenne non cohérente), et

• d’estimer la partie cohérente et invariable des signaux expérimentaux par correction des fluctuations aléatoires de phase liées au wander (c’est-à-dire, en appliquant pour chaque réalisation une correction de phase proportionnelle à la fréquence).

Les figures 14 et 15 de l’annexe A.1 permettent d’illustrer les différences entre la moyenne cohérente et la moyenne non cohérente pour la prédiction des niveaux moyens ; dans le second cas, les niveaux sont d’une manière générale fortement sous-estimés de par le caractère aléatoire de la phase à longue distance.

La correction du wander ne permet cependant qu’une estimation de la partie cohérente des signaux, puisque la correction des temps d’arrivée présente nécessairement un certain degré d’incertitude, et le spread peut lui-même se traduire par des fluctuations de phase [140]. La figure 4.21 illustre l’effet du moyennage cohérent sur différentes réalisations d’un même signal temporel avec une resynchronisation imparfaite : on peut constater un lissage du signal moyen, qui se traduit généralement par une sous-estimation des plus hautes fréquences [182]. Ce point est à garder à l’esprit pour les comparaisons entre les résultats de simulation et les mesures des sections suivantes.

Fig. 4.21 : Moyenne cohérente ˆy(t) de N réalisations d’un signal temporel yi(t) présentant des fluctuations de temps d’arrivée θi. Figure extraite de Rompelman et Ros [182].

On note enfin qu’on ne considère par la suite qu’un seul microphone par barre, étant donné que les différences entre microphones observées à longue distance sont avant tout liées aux effets

5. D’un point de vue métrologique, le temps d’arrivée n’est pas toujours facile à définir avec de faibles rapports signal sur bruit. On peut dans ce cas privilégier d’autres grandeurs pour la resynchronisation des signaux, telle que la position du minimum ou du maximum d’amplitude (voir, par exemple, [115]).

stochastiques de turbulence. Une approche complémentaire au moyennage temporel cohérent aurait éventuellement pu consister à moyenner spatialement les signaux mesurés par les 3 microphones de chaque barre, après compensation des différences de temps d’arrivée liées à l’orientation des barres.