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Cette section introduit quelques avantages pratiques de l’utilisation du coefficient de réflexion par rapport à l’impédance ou l’admittance, dans le cadre de la méthode multipolaire. Toutes ces propriétés découlent directement du raisonnement présenté dans la section 3.2.1.

3.4.1 Identification des coefficients de l’approximation rationelle

Le premier intérêt du coefficient de réflexion concerne la détermination des coefficients R0, Cj

et λk du modèle pôle-résidu (3.31) ayant des propriétés similaires au sol à modéliser. Cette étape s’effectue ici à l’aide de la méthode de Vector Fitting (VFIT), utilisée par exemple par Reymen et al. [173], dont le code source est disponible sur internet [98, 97, 58].

La méthode VFIT est une méthode itérative qui permet d’estimer les coefficients susmention-nés pour une réponse en fréquence « cible » arbitraire, au sein d’une plage de fréquence donnée. À partir d’une distribution initialement connue de N pôles réels ou complexes (pour des modèles de sol, ces pôles sont typiquement choisis espacés logarithmiquement le long de l’axe réel), l’algorithme optimise la position des pôles avec la méthode des moindres carrés et détermine les résidus associés, ainsi que le terme direct. Cette procédure peut être répétée en choisissant comme pôles de départ le jeu de pôles obtenu à l’itération précédente, jusqu’à ce que l’erreur entre la réponse en fréquence R( ω) et R?( ω)converge. Des taux d’erreurs très satisfaisants sont généralement obtenus en quelques itérations pour les modèles de sol, qui requièrent tout au plus une dizaine de pôles selon l’étendue de la plage fréquentielle considérée (voir la section 3.6.2).

La méthode impose des pôles « stables », au sens admis pour des systèmes linéaires et invariants dans le temps. Ces pôles sont ainsi placés dans la moitié gauche du plan complexe, ce qui permet de s’assurer automatiquement de l’admissibilité physique des pôles du coefficient de réflexion. Ce n’est en revanche pas le cas pour l’impédance et l’admittance, puisque, d’après la relation (3.28), leur propriété de stabilité dépend uniquement des zéros de Z + ρ0c et de

Y + 1/ρ0c, respectivement. De ce point de vue, le coefficient de réflexion simplifie l’identification des coefficients de l’approximation rationnelle, sauf à développer des algorithmes spécifiques à l’impédance et à l’admittance. Il est vrai que pour des modèles pôle-résidu simples, avec peu de termes, des pôles « stables » pour l’impédance ou l’admittance peuvent généralement impliquer un coefficient de réflexion stable. Cette correspondance semble néanmoins restreinte aux modèles

passifs, ce qui pourrait par ailleurs expliquer l’intérêt particulier porté à cette propriété dans la littérature ; à l’inverse, un modèle non passif avec le coefficient de réflexion n’est pas forcément problématique d’un point de vue numérique, comme illustré dans la section 3.5.3.

On peut également s’attendre à de meilleurs ajustements de courbe pour le coefficient de réflexion puisque celui-ci est borné et que l’imposition de pôles « stables » coïncide avec la stabilité physique de la condition limite, ce qui n’est pas le cas pour l’impédance et l’admittance. Ce point est cependant difficile à démontrer dans le cas général étant donné la sensibilité des résultats à la position des pôles de départ, et qu’il faudrait davantage raisonner en terme d’incertitude sur la prédiction des signaux acoustiques à longue distance.

Enfin, des méthodes autres que VFIT ont été développées pour l’identification des coefficients, basées par exemple sur un approximant de Padé [161, 67] ou sur une approche d’optimisation dans le domaine fréquentiel. Dans cette dernière catégorie, on peut citer la méthode proposée par Cotté et al. [49] qui a pour avantage de pouvoir contrôler la valeur maximale du module des pôles obtenus. Il est en effet admis dans la littérature que les constantes de temps associées aux pôles (en particulier, aux pôles de l’impédance) doivent être petites devant le pas de temps ∆t utilisé dans les simulations numériques ; ce point sera réévalué un peu plus loin.

3.4.2 Solution semi-analytique temporelle en incidence normale

Un autre intérêt du coefficient de réflexion est qu’il permet d’obtenir une solution analytique en incidence normale dans le domaine temporel sous une forme fermée, ce qui implique entre autres que chaque terme de son modèle pôle-résidu peut s’interpréter physiquement.

On considère à titre d’illustration l’équation des ondes en une dimension

2p ∂x21

c2

2p

∂t2 = 0 , (3.37)

vérifiée pour x ≤ 0. Une frontière est située en x = 0, définie par la réponse impulsionnelle d’un coefficient de réflexion rationnel r?(t), donnée par l’équation (3.32). La solution de ce problème correspond à la superposition de deux ondes contra-propagatives f(t − x/c) et g(t + x/c). Après imposition de la condition limite, le champ de pression s’écrit comme

p(x, t) = f (t − x/c) +

Z t+x/c

−∞

f (τ ) r?(t + x/c − τ ) dτ . (3.38) On suppose sans perte de généralité que l’onde incidente correspond à la distribution de Dirac

f (t) = δ(t), afin d’alléger les notations. En remplaçant r?(t) dans l’équation (3.38), l’évolution de la pression peut alors s’écrire sous la forme

p(x, t) = δ(t − x/c) + R0δ(t + x/c) + N X j=1 |Cj| e−αj(t+x/c)cos[βj(t + x/c) + Ψj]H(t + x/c) , (3.39) avec Ψj =tan−1 Bj/Aj .

La distinction entre les pôles réels et les pôles complexes précédemment utilisée n’a ici pas lieu d’être, puisque qu’elle n’avait pour seul objectif que d’économiser des ressources de calcul. On considère ici que les pôles réels sont des cas particuliers de pôles complexes, avec βj = Bj = 0.

L’équation (3.39) fait explicitement apparaître la contribution de chaque pôle à l’évolution temporelle des grandeurs acoustiques, qui peut s’interpréter comme la réponse d’un oscillateur harmonique à un degré de liberté avec amortissement. Cette analogie permet de donner un sens physique à la position des pôles et des résidus dans le plan complexe. Le module du pôle k| de chaque sous-système correspond ainsi à la pulsation propre, la partie imaginaire βj à la pseudo-pulsation propre, et la partie réelle αj quantifie le taux d’amortissement (voir par exemple [207]). Le module des résidus |Cj| définit l’amplitude des oscillations, alors que leur argument Ψj traduit le déphasage de chaque sous-système. Le terme direct R0 correspond quant à lui à la réponse instantanée du système complet.

Cette interprétation permet d’anticiper la forme des solutions attendues selon les paramètres du modèle pôle-résidu du coefficient de réflexion, tel qu’illustré sur la figure 3.7. Ceci tient au fait que la réponse de chaque pôle est indépendante des autres pôles. À l’inverse, l’impédance ne vérifie pas cette propriété puisque la solution sur la pression ou la vitesse ne s’exprime pas sous forme fermée (voir par exemple [177]) : la réponse des sous-systèmes est alors couplée, ce qui ne facilite pas leur interprétation sur des bases physiques. Cet avantage peut en soi sembler anecdotique, mais sert notamment de base à l’étude des propriétés de stabilité numérique de la prochaine sous-section. Il permettra également l’analyse de convergence de la section 3.5.3.

Re

λj (s−1) Im

λj (s−1)

Fig. 3.7 : Contribution des pôles du coefficient de réflexion à la réponse temporelle du système en fonction de leur position dans le plan complexe. De gauche à droite : régime périodique (avec Re{λj} = 0), pseudo-périodique, et apériodique (avec Im{λj} = 0).

3.4.3 Position des pôles et stabilité numérique

De même que pour les PMLs, les propriétés de stabilité numérique des conditions limites basées sur le coefficient de réflexion peuvent être prédites à partir du facteur d’amplification du schéma d’intégration temporel utilisé dans les simulations (voir section 2.2).

Considérons à nouveau la solution semi-analytique (3.39) pour x = 0. On peut tout d’abord supposer que la version discrète de l’onde incidente f(t) est bien résolue par le schéma temporel, puisque celle-ci s’est a priori propagée sans encombre jusqu’à la condition limite. De la même manière, la réponse instantanée liée à R0 n’a pas d’influence sur la stabilité numérique puisque

ce terme se contente de réfléchir l’onde incidente avec un facteur d’amplitude. La solution pertinente pour étudier la stabilité est donc de la forme

p(t) =

N X

j=1

pj(t)H(t) , pj(t) = |Cj| e−αjtcos[βjt + Ψj] . (3.40) La pression p(t) s’exprime comme une combinaison linéaire de la contribution des pôles. Le traitement de la condition limite sera donc numériquement stable si chaque solution élémentaire

pj(t) est stable. En réécrivant pj(t) comme

pj(t) =Ren

P0,je−λjto , (3.41)

avec la constante complexe P0,j = |Cj| exp(−iΨj), on se ramène à une solution très similaire à la relation (2.20) obtenue pour la stabilité des PMLs. On peut donc estimer de la même manière les valeurs admissibles de λj à partir du facteur d’amplification numérique : tous les pôles du coefficient de réflexion doivent être inclus dans la région de stabilité du schéma d’intégration temporel pour que les simulations soient stables, indépendamment de la valeur des autres paramètres.

Cette condition s’avère très précise tant pour des pôles réels que complexes. On considère à titre d’exemple un coefficient de réflexion rationnel avec une paire de pôles complexes

R?(s) = 1 + C1

s + λ1 + C1

s + λ1 , (3.42) avec λ1 ' (4 + i2) × 104s−1 et C1 = −1 s−1. Deux simulations FDTD sont réalisées en trois dimensions avec un pas spatial ∆ = 5 × 10−2m et différents nombres de Courant (CFL), où une source gaussienne émet au-dessus d’un plan d’impédance défini par la relation (3.42). La figure 3.8 montre une tranche verticale du champ de pression simulé à différents instants, pour CFL = 0.6 (en bleu) et CFL = 0.7 (en rouge). Dans le premier cas, l’onde incidente est réfléchie par la condition limite et la simulation reste stable jusqu’à (au moins) t = 500∆t ; les pôles complexes n’induisent ici pas d’effets physiquement significatifs puisque leur résidu a une très faible amplitude, et la condition limite est alors essentiellement déterminée par le terme direct. Dans le second cas, une instabilité apparaît et finit par contaminer l’ensemble du domaine de calcul. Une troisième simulation est réalisée avec cette fois un sol rigide et un nombre de Courant identique au cas précédent (en noir) : la solution est maintenant stable, ce qui suggère que l’instabilité rencontrée avait pour origine le traitement de la condition limite. La figure 3.9 montre en effet que dans le second cas la paire de pôles est en dehors de la région de stabilité du schéma d’intégration temporel, alors qu’elle est incluse dans celle-ci pour la première simulation. Pour le schéma temporel utilisé ici, les conditions Re{λj} > 0 et |λj∆t|< 3 permettent par exemple de s’assurer de la stabilité de la solution vis-à-vis du sol.

Il a été observé par Cosnefroy [48] que la stabilité numérique dépend des pôles du coefficient de réflexion même lorsque l’impédance ou l’admittance sont utilisées. Les propriétés des conditions limites semblent donc intégralement déterminées par le coefficient de réflexion. Il en résulte que la contrainte sur la valeur maximale des pôles de l’impédance utilisée par exemple par Cotté et al. [49] n’a pas d’intérêt direct, puisque les conditions doivent être imposées sur pôles du coefficient de réflexion ; des pôles de faible amplitude pour l’impédance ne se traduisent pas nécessairement par des pôles de faible amplitude pour le coefficient de réflexion.

t = 100∆t 200∆t 300∆t 500∆t

Fig. 3.8 : Tranches verticales à différents instants du champ de pression simulé au-dessus d’un plan d’impédance. Ligne du haut : simulation avec un nombre de Courant CFL = 0.6. Ligne du milieu : même simulation avec CFL = 0.7. Ligne du bas : simulation avec un sol rigide et CFL = 0.7.

La prédiction de la stabilité numérique pour un coefficient de réflexion donné sera mise à profit dans la section 3.6.2 pour estimer l’ordre optimal des modèles pôle-résidu.