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4.2 Caractérisation de l’environnement et des sources

4.2.1 Mesures d’impédance in situ

Méthode de la fonction de transfert

La détermination expérimentale des propriétés acoustiques de matériaux absorbants peut dans le cas général s’effectuer en laboratoire à partir d’échantillons (voir par exemple [56] ou [30, chap. 26]). Il est cependant largement admis dans la littérature que cette approche destructive est moins pratique et moins fiable pour mesurer l’impédance de sols que les approches in situ [132], telle que la méthode de la fonction de transfert (par exemple, [132, 95]). Cette dernière est utilisée pour caractériser le sol herbeux du site de l’expérience, et consiste dans un premier temps à mesurer le rapport des réponses en fréquence Texp = ˆp2( ω)/ˆp1( ω) entre deux microphones séparés verticalement au-dessus du sol, où ˆp1 et ˆp2 correspondent au signal enregistré par chacun des microphones dans le domaine de Fourier. Cette fonction de transfert est ensuite modélisée analytiquement à partir de la géométrie du problème et pour un modèle d’impédance de surface donné, afin de déduire les paramètres du sol qui permettent de reproduire les résultats expérimentaux.

Deux sessions dédiées à la mesure de Texp ont été réalisées le 19 et le 20 octobre à deux emplacements différents, à partir de sinus glissants émis par le haut-parleur omnidirectionnel dont la tête est située à 1.75 m de hauteur. Pour la première session, une distance horizontale

D = 7.5 m sépare la source des deux microphones placés respectivement à z1 = 0.1 m et

z2 = 0.7 m de haut ; la session du 20 octobre est définie par la géométrie D = 10 m, z1 = 0.2 m et z2 = 1 m(voir figure 4.9). Ces grandes dimensions diffèrent de celles habituellement utilisées dans la littérature (voir par exemple [132, 95]) et se justifient par le manque d’une source spécifiquement dédiée à ce type de mesures : la tête du haut-parleur ne peut en effet pas descendre sous 1.75 m, et il a de plus été jugé utile de choisir une distance D suffisamment grande devant le diamètre de la tête afin de pouvoir s’assurer du caractère ponctuel de la source, pour faciliter la modélisation du problème.

La figure 4.10 montre le module de la fonction de transfert mesurée pour les deux sessions, ainsi que le module des fonctions de transfert estimées analytiquement à partir de l’équation (3.49) pour un sol plan et une atmosphère homogène, avec deux modèles d’impédance de sol différents.

Fig. 4.8: Mise en place du dispositif de mesure d’impédance du 20 octobre.

Fig. 4.9 : Géométrie du dispositif de mesure d’impédance du 19 octobre (gauche) et du 20 octobre (droite).

Le premier modèle correspond à une couche d’épaisseur e = 2.5 cm du modèle de relaxation (3.5) avec un fond rigide et une résistance σg = 200 kPa s m−2; le second correspond au modèle à porosité variable (3.7), avec une résistance σg = 25 kPa s m−2 et un taux de décroissance de la porosité αg = 50 m−1. Ces paramètres ont été déterminés manuellement3, à l’aide d’une interface graphique développée pour l’occasion, de telle sorte à bien représenter le premier creux d’interférence (du 19 octobre, en particulier). Ces valeurs sont très proches si ce n’est similaires à celles obtenues par Attenborough [9] et Dragna et al. [68] pour un sol d’« herbe longue » avec des modèles équivalents.

On constate un accord raisonnable pour les mesures du 19 octobre avec les deux modèles d’impédance, tant sur le module de la fonction de transfert que sur sa phase (non montrée) ; des modèles à trois paramètres ont également été considérés, mais ceux-ci n’ont que marginalement amélioré l’ajustement de courbe aux prix de paramètres de sols non physiques (par exemple, une porosité supérieure à 1 et/ou une tortuosité inférieure à 1) ou d’une non-unicité de la solution. Les mesures du 20 octobre semblent cependant poser problème puisque le premier creux d’interférence apparaît bruité et que l’accord avec les deux modèles analytiques est plutôt

3. Une procédure automatique basée sur la méthode d’optimisation de Guillaume et al. [95] a initialement été utilisée, mais des difficultés concernant la définition d’une norme suffisamment robuste ont été rencontrées, conduisant à une grande variabilité des signatures temporelles propagées, selon la norme choisie.

Fig. 4.10 : Module de la fonction de transfert entre les deux microphones mesurée le 19 octobre (gauche) et le 20 octobre (droite), et estimée analytiquement avec le modèle de relaxation avec fond rigide et le modèle à porosité variable. La fonction de transfert correspondant à l’impédance de surface obtenue avec la méthode de Newton-Raphson (NR) est également indiquée ; celle-ci est en majeure partie confondue avec les mesures.

médiocre. Une hypothèse éventuelle pourrait être la présence d’une inhomogénéité locale du sol pour cette session (voir la figure 4.8), puisque la surface contribuant au champ acoustique dans cette configuration n’excède pas quelques mètres carrés [61], l’humidité du sol liée à la pluie dans la nuit du 19 au 20 octobre, ou encore une géométrie imprécise (la surface du sol n’est par exemple par toujours bien définie) voire non adaptée [132, 95]. Les erreurs en basses fréquences peuvent également laisser penser à un problème de calibration des microphones.

Contraintes dans les basses fréquences

L’article dédié à l’expérience (reproduit en annexe) ne mentionne que le modèle de relaxation quant à la représentation de la fonction de transfert observée, puisque ce modèle d’impédance a donné lieu à des comparaisons très favorables entre les résultats expérimentaux et les prévisions FDTD pour de faibles distances de propagation (inférieures à 100 m). Des comparaisons ulté-rieures à plus longue distance ont cependant mis en évidence une forte amplification des basses fréquences qui ne s’observe pas expérimentalement : ce phénomène est attribué à une mauvaise prédiction des propriétés de l’onde de sol (voir annexe A.2). En effet, les mesures d’impédance avec de tels procédés sont notoirement peu fiables en basses fréquences [132, 95] de par la géométrie du dispositif expérimental. Les fonctions de transfert de la figure 4.10 sont ainsi très peu sensibles aux propriétés du sol sous 250 Hz, ce qui implique que les effets de sol dans cette bande de fréquences ne sont déterminés que par extrapolation du modèle d’impédance utilisé. Différents modèles de sol ont alors été testés pour tenter de reproduire à la fois la fonction de transfert expérimentale en champ proche et les observations à longue distance (en prenant en compte les effets atmosphériques) : comme illustré dans ce chapitre, le modèle à porosité variable satisfait aux deux critères.

La méthode de la fonction de transfert est une méthode inverse qui permet de remonter aux propriétés du sol à partir d’un modèle d’impédance défini au préalable. Une autre approche,

qui permet d’estimer directement l’impédance de surface du sol [197, 131], consiste à résoudre l’équation

T (Z, ω) − Texp(ω) = 0 , (4.1) où T (Z , ω) est l’expression analytique de la fonction de transfert du problème, fonction de l’impédance de surface arbitraire Z( ω). Le zéro de l’équation (4.1) pour une fréquence donnée permet donc de déduire la valeur de Z correspondante. Cette méthode est utilisée ici pour compléter les résultats précédents et pour proposer une tentative d’explication aux limites du modèle de relaxation sur fond rigide en basses fréquences. La figure 4.11 montre les parties réelle et imaginaire de l’impédance de surface correspondant aux deux modèles de sol définis précédemment, ainsi que la solution « directe » obtenue à partir des deux fonctions de transfert observées. Pour cette dernière, la recherche des zéros dans le plan complexe est effectuée avec l’algorithme de Newton-Raphson. On peut tout d’abord constater le bon accord entre les courbes au-dessus 400 Hz, malgré la sensibilité au bruit de l’approche directe (pour la session du 20 octobre, notamment). Des différences apparaissent pour les basses fréquences, essentiellement sur la partie réelle de l’impédance : le modèle à porosité variable semble suivre le comportement de la solution directe du 19 octobre, alors que le modèle de relaxation à un paramètre sur fond rigide tend à minorer cette composante. D’après la condition d’existence de l’onde de sol (3.56), ce rapport différent entre les parties réelle et imaginaire de l’impédance peut suffire à expliquer la différence de comportement de la contribution de l’onde de sol à longue distance.

Il est vrai que la mesure directe de l’impédance de surface n’est pas beaucoup plus fiable que la méthode de la fonction de transfert pour les basses fréquences. Le bon accord entre le modèle à porosité variable et la solution directe du 19 octobre pourrait donc être fortuit sans la comparaison favorable entre les prédictions FDTD et les résultats expérimentaux à longue distance. Dans le cas où de telles mesures ne sont pas disponibles, une autre approche pour obtenir une meilleure estimation de l’impédance dans les basses fréquences pourrait consister à moyenner des fonctions de transfert mesurées à différents emplacements (voire à différents instants) et d’en déduire une impédance de surface moyenne avec la méthode de Newton-Raphson, comme proposé (entre autres) par Kruse [131].

Fig. 4.11 : Parties réelle et imaginaire de l’impédance de surface obtenue à partir de la méthode de la fonction de transfert pour le modèle de relaxation sur fond rigide et le modèle à porosité variable, et obtenue à partir des zéros de l’équation (4.1) avec la méthode de Newton-Raphson (NR) pour les deux sessions de mesures.