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Dans le cas général, les modèles de sol peuvent ne pas être directement applicables au domaine temporel [64] puisqu’ils ne vérifient pas nécessairement les critères d’admissibilité physique (voir section 3.2). Leur transformée de Fourier inverse peut de plus ne pas avoir de solution analytique, ou peut ne pas permettre une implémentation numérique efficace des

intégrales de convolution (3.13). Ceci est d’autant plus vrai pour le coefficient de réflexion puisque ces modèles sont le plus souvent définis pour l’impédance.

La méthode multipolaire [82, 173, 137, 155] est une approche alternative qui consiste à représenter la réponse en fréquence R( ω) d’un matériau à partir d’une fonction rationnelle

R?(s) afin de simplifier le traitement des conditions limites. Le système R? a une réponse en fréquence similaire à R au sein de la plage de fréquence d’intérêt, mais est construit de telle sorte à vérifier les conditions fondamentales et à permettre une résolution itérative d’ordre élevé du produit de convolution entre sa réponse impulsionnelle r?(t) et une perturbation d’entrée arbitraire f(t). Cette approche est très générale et présente l’avantage de ne pas être spécifique à un modèle de sol. Elle peut en outre permettre la prise en compte de réponses en fréquence mesurées expérimentalement.

3.3.1 Approximation rationnelle et réponse impulsionnelle

La fonction de transfert R? est définie telle que R?( ω) ' R( ω) au sein d’une plage fréquen-tielle donnée. Un choix possible consiste à représenter ce système par une fonction rationnelle de la forme [163] R?(s) = M X m=0 bmsm , N X n=0 ansn, (3.29)

où an et bm sont des coefficients réels, et M et N sont respectivement l’ordre du numérateur et du dénominateur. Cette expression peut être réécrite par décomposition en fractions partielles comme R?(s) = M −N X j=0 sjRj+ N X j=1 Cj s + λj . (3.30) Les coefficients −λj correspondent aux pôles complexes de R? et sont solutions de l’équation

PN

n=0an(−λn)n = 0; la figure 3.6 illustre la contribution d’un pôle sur la partie réelle, la partie imaginaire et le module de R?(s). À chaque pôle est associé un résidu complexe Cj qui module leur influence relative, et les coefficients Rj sont réels. La première somme est parfois appelée « terme direct » et intervient si l’ordre du numérateur est plus élevé que l’ordre du dénominateur, soit M ≥ N.

La plupart des modèles de la littérature sont des cas particuliers de ces deux représentations, tel que le modèle à trois paramètres de Tam et Auriault [200]. La méthode multipolaire est cependant une méthode « large bande », étant donné qu’elle peut rendre compte des propriétés du sol sur une grande plage de fréquences — sous réserve que la réponse en fréquence à modéliser puisse être représentée correctement par une fonction rationnelle (ce qui est généralement le cas), et que la méthode d’identification des coefficients soit suffisamment robuste (voir la section 3.4.1). On considère par la suite la représentation en modèle pôle-résidu de l’équation (3.30), qui permet de s’assurer plus facilement du respect des conditions fondamentales (3.18) pour le coefficient de réflexion. Ces dernières permettent en effet de contraindre cette expression :

• la condition de réalité (3.18a) implique que chaque paire complexe (Cj, λj) est associée à une paire complexe conjuguée (C

j , λj);

• la condition de passivité (3.18b) se traduit par M ≤ N et |R0| ≤ 1 (ces conditions sont nécessaires mais pas suffisantes) ;

Fig. 3.6: Allure de la contribution d’un pôle dans le plan complexe.

• la condition de causalité et de stabilité (3.18c) contraint la position des pôles −λj, qui doivent se trouver dans la moitié gauche du plan complexe, soit Ren

λjo≥ 0. L’équation (3.30) peut donc être réécrite sous la forme

R?(s) = R0+ P X j=1 Cj s + λj + P +Q X j=P +1 Cj s + λj + Cj s + λj , (3.31)

où les paires complexes conjuguées apparaissent explicitement, avec P le nombre de pôles réels et Q le nombre de paires de pôles complexes (N = P + 2Q). La transformée de Laplace inverse de l’équation (3.31) permet d’obtenir la réponse impulsionnelle du système comme une superposition de fonctions exponentielles décroissantes

(3.32) r?(t) = R0δ(t) + P X j=1 Cje−λjtH(t) + 2 P +Q X j=P +1 e−αjth Ajcos(βjt) + Bjsin(βjt)iH(t) , où les pôles et résidus complexes sont donnés par Cj = Aj + iBj et λj = αj + iβj.

La variable de temps est ici implicitement supposée continue ; ceci permet d’interpréter physiquement ce système comme l’association en parallèle de systèmes masse-ressort avec

amortissement (voir, par exemple, les analogies mécaniques de Sakamoto et al. [186]). Dans le cas discret (la transformée de Laplace inverse est remplacée par la transformée en Z inverse), le coefficient de réflexion peut être considéré comme un filtre numérique à réponse impulsionnelle infinie [195, 163].

La détermination des coefficients du modèle pôle-résidu à partir d’une réponse en fréquence « physique » ainsi qu’une interprétation plus détaillée de la réponse impulsionnelle (3.32) sont

données dans la section 3.4.

3.3.2 Résolution par équations différentielles auxiliaires (ADE)

L’approximation de la réponse impulsionnelle du système étant connue, la réponse à une onde incidente arbitraire est donnée d’après l’équation (3.13) par le produit de convolution

g(t) '

Z t

−∞

f (τ ) r?(t − τ ) dτ . (3.33) La résolution directe de cette intégrale n’est pas envisageable dans un code de propagation en trois dimensions puisque tout l’historique de f(t) doit alors être gardé en mémoire (voir Özyörük et Long [164]).

Diverses approches pour traiter les produits de convolution de façon itérative existent dans la littérature. La méthode des équations différentielles auxiliaires (ADE, pour auxiliary differential

equations) est utilisée ici. Cette approche, déjà été introduite dans la section 2.1, consiste à

définir des variables supplémentaires de telle sorte que le produit de convolution n’apparaisse pas explicitement [85]. Ces variables vérifient des équations différentielles ordinaires qui peuvent être résolues numériquement avec un schéma temporel d’ordre élevé.

En remplaçant l’expression (3.32) de r?(t) dans l’équation (3.33), on obtient en effet

g(t) ' R0f (t) + P X j=1 Cjϕj(t) + 2 P +Q X j=P +1 h AjψRj (t) + BjψIj(t)i , (3.34) où ϕj, ψR j et ψI

j sont des variables auxiliaires données par

ϕj(t) = Z t −∞f (τ ) e−λj(t−τ )dτ , (3.35a) ψRj (t) = Z t −∞ f (τ ) e−αj(t−τ )cos[βj(t − τ )] dτ , (3.35b) ψjI(t) = Z t −∞f (τ ) e−αj(t−τ )sin[βj(t − τ )] dτ . (3.35c) La dérivée temporelle de ces équations conduit aux équations différentielles [66] :

j dt + λjϕj(t) = f (t) , (3.36a) R j dt + αjψ R j (t) + βjψjI(t) = f (t) , (3.36b) I j dt + αjψ I j(t) − βjψjR(t) = 0 . (3.36c)

Ces dernières sont résolues itérativement par intégration temporelle classique. Les solutions ϕj,

ψjR et ψI

j sont ensuite utilisées dans l’équation (3.34) pour déterminer la réponse temporelle du système. L’équation (3.36a) est très similaire aux équations résolues pour les PMLs ; le traitement des conditions limites est cependant un peu plus complexe car il nécessite un couplage avec les équations de propagation. Ce point est détaillé dans la section 3.5.

On insistera encore sur le fait que la méthode ADE permet une représentation exacte de l’intégrale de convolution (3.33), et que le choix des variables auxiliaires n’est pas unique. Cette méthode présente de plus un grand avantage par rapport aux autres approches : le même schéma d’intégration que pour les équations de propagation peut être utilisé pour résoudre les équations auxiliaires. Le traitement des conditions limites vérifie alors des propriétés numériques similaires en terme d’ordre des erreurs et de stabilité, comme discuté dans la prochaine section.