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Le coefficient de réflexion caractérise la condition limite

3.2 Conditions limites d’impédance dans le domaine temporel et admissibilité physique 69

3.2.2 Le coefficient de réflexion caractérise la condition limite

Les conditions limites dans le domaine temporel les plus couramment utilisées sont basées sur l’impédance ou l’admittance, alors que le coefficient de réflexion est plus rarement utilisé dans la littérature [121, 63], en dépit des recommandations de [83, 81, 82] ; une raison possible est que le coefficient de réflexion ne relie pas directement les variables primitives des équations de propagation et peut donc apparaître comme une quantité moins tangible.

On s’est en effet contenté jusqu’ici de rappeler les conditions fondamentales sur Z, Y et R pour obtenir un modèle physiquement admissible dans le domaine temporel pour des fonctions de transfert rationnelles. Ces conditions fondamentales sont des conditions générales pour des systèmes monovariables, à une entrée et une sortie, qui ne présument en rien de la pertinence

Z Y R vˆn= 0 p = 0ˆ non-réflexion Z =1/Y ρ0c1 + R 1 − R ∞ 0 ρ0c Y = 1/Z1 ρ0c 1 − R 1 + R 01/ρ0c R = Z − ρ0c Z + ρ0c 1 − ρ0c Y 1 + ρ0c Y — 1 −1 0

Tab. 3.1 : Rappel des relations entre l’impédance Z, l’admittance Y et le coefficient de réflexion

R, dans le cadre de la réaction locale. Quelques conditions limites simples sont indiquées : les conditions ˆvn= 0 et ˆp = 0 correspondent à des réflections totales (respectivement, conditions rigide et de relâchement de pression) ; la condition de non-réflexion (locale, ou pour des ondes à incidence normale) implique ˆp = ρ0c ˆvn.

physique desdites variables d’entrée et de sortie. Alors que l’impédance, l’admittance et le coefficient de réflexion sont des quantités tout aussi adéquates pour étudier les propriétés d’un matériau absorbant, il n’en va pas nécessairement de même dès lors qu’il s’agit d’imposer des conditions limites. Le formalisme présenté dans la section 3.2.1 pour Z ou Y , bien que mathématiquement valide, présente en effet une faille : la pression et la vitesse normale ne sont pas indépendantes mais dépendent l’une de l’autre [82]. Leur représentation comme des fonctions de transfert est donc sujette à caution puisque la réponse du système influence la perturbation d’entrée. Comme observé par Cosnefroy [48] et, plus récemment, prédit par Monteghetti et al. [154], le coefficient de réflexion semble en effet être numériquement la quantité pertinente pour ces applications.

Cette sous-section a pour objectif de justifier l’intérêt du coefficient de réflexion par rapport à l’impédance et l’admittance, sous l’angle original de l’analyse des systèmes dynamiques.

Schéma fonctionnel du coefficient de réflexion

Physiquement, un matériau réagit à une perturbation incidente et génère une réflexion. Cette onde réfléchie est la conséquence de l’onde incidente, et, pour l’acoustique linéaire, l’onde incidente est indépendante de l’onde réfléchie [82]. Le coefficient de réflexion R caractérise localement ce processus et est la fonction de transfert du système physique : il permet de déterminer la réponse ˆg( ˆf ) à une onde incidente arbitraire ˆf, où ˆf est indépendante de ˆg. Autrement dit, R correspond à un système en boucle ouverte, et la réflexion d’une onde à la surface d’un matériau peut se représenter par le schéma fonctionnel de la figure 3.2.

ˆ

f R gˆ

Fig. 3.2: Schéma fonctionnel du coefficient de réflexion.

Il est maintenant révélateur de considérer le coefficient de réflexion R(s) comme une fonction de Z(s) et Y (s) pour mieux illustrer le rôle de l’impédance et de l’admittance sur la dynamique

de ce système. En utilisant les relations du tableau 3.1, le coefficient de réflexion peut s’exprimer comme

R(s) = Z(s)

Z(s) + ρ0cY (s)

Y (s) + 1/ρ0c. (3.19) Le schéma fonctionnel 3.2 est donc équivalent à l’association de deux blocs en parallèle faisant intervenir l’impédance ou l’admittance, comme illustré sur la figure 3.3.

Z/ρ0c ˆ f gˆ ρ0c Y + + ρ0c ˆvn ˆ p ˆ p ρ0c ˆvn − − + −

Fig. 3.3: Schéma fonctionnel du coefficient de réflexion à partir de Z et Y .

L’impédance et l’admittance ne sont en effet que des sous-systèmes du coefficient de réflexion. La réponse de Z(s) et de Y (s) traduit certes les propriétés du matériau absorbant, mais ne suffit pas à caractériser l’ensemble du processus de réflexion : elle interagit également avec le fluide environnant d’impédance caractéristique ρ0c. Ce couplage se manifeste par une boucle de rétroaction (négative) ayant pour effet de stabiliser la réponse des deux sous-systèmes, qui correspondent à des systèmes en boucle fermée.

Considérons par exemple une condition rigide pour laquelle ˆvn= 0. Dans ce cas, l’admittance est nulle est ne contribue pas à la réponse du système alors que l’impédance est infinie. Le sous-système associé à l’impédance (voir figure 3.4) est donc instable puisque la sortie ˆp n’est pas bornée. Le couplage avec le fluide a cependant un effet stabilisateur de telle sorte que la fonction de transfert du système complet vaut R(s) = 1.

ρ0c ˆvn Z/ρ0c pˆ

Fig. 3.4: Schéma fonctionnel de l’impédance.

De la même manière, la condition ˆp = 0 conduit à une instabilité du sous-système associé à l’admittance (figure 3.5) mais la réponse du système complet est bornée et correspond à

R(s) = −1.

ˆ

p ρ0c Y ρ0c ˆvn

Fig. 3.5: Schéma fonctionnel de l’admittance.

En résumé, l’impédance et l’admittance caractérisent les propriétés acoustiques intrinsèques d’un matériau pris de façon isolée, alors que le coefficient de réflexion rend également compte de l’influence du fluide dans lequel ce matériau est immergé.

Implications

Une première conséquence de cette interprétation est que la causalité et la stabilité d’un système ne sont pas directement définies par son impédance ou son admittance, et donc que les conditions d’analycité (3.14c) et (3.17c) sur Z ou Y ne sont pas applicables ; la causalité et la stabilité dépendent du coefficient de réflexion, qui caractérise le système complet. Les deux exemples suivants, tirés de [48], illustrent cette incompatibilité.

Exemple 1 Le modèle d’impédance

Z(s) = −s (3.20)

vérifie la condition (3.14c), et semble stable et causal puisque sa réponse impulsionnelle vérifie

z(t) = −d

dtδ(t) . (3.21)

Cependant, son coefficient de réflexion, donné par

R(s) = 1 + 2

s − 1, (3.22)

indique que ce modèle n’est pas physiquement admissible. En effet, la condition (3.18c) n’est pas vérifiée et la réponse impulsionnelle du système vaut

r(t) = δ(t) + 2 etH(t) , (3.23) ce qui indique un système instable.

Exemple 2 En guise de deuxième exemple, on considère une impédance de la forme

Z(s) = 1

s − 1, (3.24)

qui correspond à première vue à un système instable, puisque la réponse impulsionnelle de l’impédance tend vers l’infini :

z(t) = etH(t) . (3.25) Ce système est malgré tout physiquement admissible car son coefficient de réflexion est donné par

R(s) = −1 + 2

s, (3.26)

avec une réponse impulsionnelle causale et stable :

r(t) = −δ(t) + 2H(t) . (3.27) Ces deux cas particuliers, corroborés par des simulations numériques, prouvent l’inexactitude des conditions (3.14c) et (3.17c), qui ne coïncident pas toujours avec la condition d’analycité (3.18c) du coefficient de réflexion. Il est intéressant de noter que cette dernière contraint la position des pôles du coefficient de réflexion, mais peut aussi se traduire de manière équivalente

par une contrainte sur les zéros de l’expression Z + ρ0c. La condition physique nécessaire et suffisante de causalité et de stabilité pour des modèles rationnels peut donc s’écrire en terme d’impédance comme

Z(s) 6= −ρ0c pour Re {s} > 0 . (3.28) On retrouve cette condition dans [82], qui diffère des conditions vérifiées par des systèmes linéaires et invariants dans le temps.

L’utilisation de l’impédance ou de l’admittance pour imposer des conditions limites dans un code temporel résulte également en plusieurs approximations numériques, peu documentées dans la littérature, ou du moins dont les origines sont mal comprises. La première est liée à la représentation d’un système en boucle fermée par un système en boucle ouverte, qui a pour conséquence la non prise en compte du couplage avec le fluide. Ceci explique par exemple les instabilités rencontrées avec l’impédance par Dragna [67, p. 26] pour des sols très rigides (soit pour Z proche de l’infini), puisque le sous-système correspondant n’est plus stabilisé par la boucle de rétroaction du fluide ; on s’attend à un comportement similaire avec l’admittance pour des sols aux caractéristiques proches d’une condition de relâchement de pression. De la même manière, ceci pourrait expliquer la contrainte sur le nombre de Courant maximal prédite par Monteghetti et al. [154] avec l’impédance, pour la méthode de Galerkine discontinue, qui n’est pas présente avec le coefficient de réflexion. La seconde approximation liée à l’utilisation de l’impédance et de l’admittance implique que ce deux quantités ne permettent un contrôle que sur la pression ou la vitesse normale, respectivement, alors que le coefficient de réflexion permet de contrôler les deux variables à la fois [154]. Par exemple, si l’impédance est utilisée, la condition limite consiste à déterminer la pression à partir de la vitesse normale, et cette dernière n’est pas mise à jour car elle correspond à l’entrée du sous-système (voir le schéma 3.4). La qualité de cette approximation dépend de l’influence relative de l’impédance et de l’admittance sur la réponse du système, ce qui peut expliquer les pertes de convergences observées dans [48] pour l’impédance dans certaines configurations, qui ne sont pas observées pour le coefficient de réflexion. La quantification des erreurs numériques liées aux limites de l’impédance et de l’admittance sort du cadre de ce travail et ne sera pas traitée, bien que ces erreurs restent à mieux documenter notamment vis-à-vis de la propagation en milieu extérieur.

L’admissibilité physique des conditions limites temporelles dépend des propriétés du coefficient de réflexion, qui est utilisé par la suite. D’un point de vue numérique, celui-ci est à privilégier car il n’induit pas à ce stade d’approximation sur la réponse du matériau poreux, dans le cadre de l’approximation locale. Ces considérations peuvent sembler très formelles mais ont des conséquences pratiques, concernant par exemple l’étude des propriétés de stabilité numérique. Les avantages du coefficient de réflexion pour la méthode multipolaire seront discutés dans la section 3.4.