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En référence aux questions de départ, la présente recherche dégage des pistes intéressantes qui illustrent d’une part la richesse des échanges entre les praticiens formateurs et les étudiants et d’autre part la difficulté à saisir au cours de l’action les compétences préalablement définies par le référentiel de l’école. Toutefois, lors d’une analyse plus fine il est possible de révéler que ces compétences, à priori muettes, sont mobilisées par une dynamique réflexive qui trouve naissance durant les échanges hebdomadaires entre l’étudiant et son tuteur.

Aussi, à l’aune des constats émergés dans les précédents chapitres, je souhaite ici porter ma discussion sur les limites de cette étude (8.1), et dégager des possibles pistes pour la suite (8.2).

8.1. Limites de la présente recherche

La présente étude s’appuie sur un matériel vidéo certes important mais qui n’a pas pu être traité de manière exhaustive. Donc, certains résultats restent à confirmer et à approfondir. En effet, les passages soumis aux autoconfrontations entre les étudiants et les praticiens formateurs ne couvraient de loin pas l’ensemble des entretiens. De ce fait, il n’a pas été possible de décrire dans le détail quelles sont les pratiques d’accompagnement de tous les tuteurs interrogés. Par exemple j’ai pu observer l’émergence de dynamiques argumentatives qui étayent la posture réflexive et professionnelle de l’étudiant, mais mes explorations ne me permettent pas d’en faire une typologie précise qui s’appuierait sur une analyse complète et détaillée. La présente étude s’appuie donc sur des perceptions certes intéressantes mais qui restent insuffisantes pour me permettre d’affirmer de manière consolidée que par exemple la recherche du vécu émotionnel de l’étudiant est une pratique récurrente et typique de l’encadrement tutoral en travail social.

Une autre difficulté que j’ai rencontrée a été celle de ne pas disposer d’un matériel totalement homogène, car il s’appuie sur des extraits d’accompagnement choisis par les praticiens formateurs, donc subjectifs et présélectionnés. En effet, je dispose d’un et d’un seul extrait vidéo d’encadrement tutoral par dyade. Ceci fait que je ne dispose pas d’un matériel vidéo longitudinal qui me permettrait de suivre les dyades sur deux ou trois séances et de dire si certains phénomènes sont uniques ou représentatifs d’une réalité tutorale spécifique.

Pour avoir des séquences plus ‘’neutres’’ il aurait fallu pousser la recherche plus loin en constituant un matériel vidéo longitudinal avec plusieurs séquences qui auraient permis de consolider mes observations.

Un autre aspect à signaler est lié au fait que cette recherche s’inscrit dans ma pratique quotidienne d’enseignant qui collabore régulièrement avec les institutions pour

l’organisation des périodes de formation pratique. Cette familiarité doit être considérée comme un facteur qui a facilité la récolte des données mais aussi qui colore l’analyse car certains terrains et certains acteurs me sont connus. En effet, cette proximité avec les terrains a pu par moments influencer ma manière de choisir et de lire le matériel fourni. Malgré les précautions prises pour disposer d’un dispositif de recherche suffisamment précis pour diminuer ce biais, je dois reconnaître que je n’avais pas une neutralité totale avec tous les terrains et que cette proximité a sans doute influencé mes données.

Je pense aussi que ma double casquette de chercheur et d’enseignant a par moments limité l’expression des participants à la recherche et plus spécifiquement celle des étudiants. En effet, dans un cas particulier, une étudiante était très préoccupée par la lecture que je pouvais faire d’elle en tant qu’enseignant. C’est comme si elle se sentait dans une dynamique d’examen et qu’elle cherchait à me dire ce qu’elle pensait que je souhaitais entendre. J’ai eu un phénomène semblable lors d’une autocofrontation avec un praticien formateur.

Si ces deux autoconfrontations n’ont pas été retenues pour l’analyse, elles mettent toutefois en lumière un biais possible inhérent à ma difficulté à ne pas entrer dans des discussions parallèles et étranges à la posture souhaitée pour mener une autoconfrontation. A ce sujet, il me semble que pour dépasser ce frein d’enseignant impliqué dans la recherche, une possibilité qui aurait pu être celle de pondérer mes perceptions par une double lecture du matériel vidéo et par un codage croisé des retranscriptions. Ces précautions méthodologiques n’ont pas pu être faites pour un manque patent de temps et surtout de moyens.

Pour toutes ces raisons il me semble que la limite la plus importante de la présente recherche est qu’elle garde un aspect exploratoire et qu’elle doit être reprise par un renforcement du corpus des données, un étayage plus important des observations et de l’analyse.

8.2. Des suites à donner

L’intérêt de ce travail de recherche réside dans le fait qu’il contribue à mieux comprendre comment s’articule l’accompagnement et le développement des compétences des étudiants en travail social dans un dispositif en alternance. Or, la connaissance de cet aspect reste incomplète. D’ailleurs dans le cadre de l’actuelle révision9 du PEC de l’HES-SO les milieux politiques et académiques souhaitent disposer de données plus explicites sur l’accompagnement des praticiens formateurs et sur l’impact qu’ils ont dans le développement des compétences des étudiants. Pour ces raisons il me semble que cette étude peut trouver une suite avec une recherche-action qui porterait plus spécifiquement sur l’axe compétence. Cette recherche devrait permettre d’approfondir comment les étudiants organisent l’articulation école-terrain et

voir comment les compétences acquises à l’école s’appliquent ou non en situation de travail. Ce travail permettrait aussi de comprendre si les étudiants reconnaissent dans leurs gestes une compétence transversale qui regrouperait celles qui semblent émerger de manière dominante dans la présente rechercher à savoir les compétences 2 ; 5 ; 6 et la 7 du référentiel HES-SO.

De plus, il serait intéressant de poursuivre la recherche pour voir dans quelle mesure ce qui est développé et discuté durant les entretiens hebdomadaires est un moment de synthèse des pratiques attendues par les praticiens formateurs ou une nouvelle réalité de co-construction génératrice de nouvelles compétences.

Une autre piste possible en prolongement à ce travail est la possibilité de récolter plusieurs vidéos d’entretiens pour faire une analyse plus détaillée de sa structure et voir si l’organisation à quatre temps est un élément typique de l’accompagnement des travailleurs sociaux.

In fine, il me semble que cette étude pourrait donner lieu à des recherches ultérieures sur la fonction du vécu émotionnel dans la pratique du travail social et de quelle-s compétence-s s’y associe-ent.