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6. CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES

6.1. P RÉSENTATION DU DISPOSITIF DE LA RECHERCHE

Pour répondre aux questions de recherche émises au chapitre 4, je suis inévitablement amené à questionner la transmission des compétences, la relation entre tuteur et élève en situation et le développement des compétences dans une formation en alternance.

En d’autre termes, avec mon dispositif de recherche, je dois pourvoir observer comment le prescrit est traduit dans le réel et ‘’conduit en « milieu ordinaire »’’ (Clot, 2006).

J’ai organisé mon étude sur l’épistémologie de la co-analyse du travail (Clot, 2006) de sorte à rendre visible et à interroger des aspects de la formation qui souvent restent opaques à savoir : la transmission et le développement de compétences.

Pour comprendre la place du référentiel de formation HES-SO dans le réel de l’activité (Clot, 2006) j’ai fait appel aux entretiens d’autoconfrontation simple et à la clinique de l’activité (Clot, Faïta, Fernandez, & Scheller, 2001). Ainsi, dans cette perspective de co-analyse en milieu naturel (Clot et al., 2001), la discussion des traces de l’activité avec le praticien formateur et avec l’étudiant permet de comprendre les genres et les styles véhiculés et donc de faire des liens avec la transmission du référentiel de compétences.

Avec ce cadre d’analyse, dont l’objet est d’accéder à l’aspect subjectif de l’action, il me fallait trouver un moment suffisamment significatif de la formation pratique (significatif au sens qu’il soit constitutif de l’identité professionnelle de l’étudiant) pour récolter le matériel. De plus, ce moment devait être transversal et commun à tous les terrains de formation et in fine, accessible avec la technique de l’enregistrement vidéo.

Le choix du terrain pour la récolte des données, s’est naturellement porté sur les rencontres hebdomadaires entre praticien formateur et étudiant car elles me permettaient d’avoir une certaine homogénéité des traces récoltées, c’était un terrain facile d’accès pour moi et ce moment est commun à tous les terrains institutionnels de formation pratique HES.

En effet, ces rencontres hebdomadaires font partie du dispositif standard demandé par la HES-SO pour garantir le processus d’alternance et l’acquisition des compétences décrites dans le référentiel HES-SO. Toutes les institutions homologuées qui accueillent des étudiants sont tenues à la mise en place d’une rencontre hebdomadaire d’au minimum une heure entre le praticien formateur (tuteur) et l’étudiant. Ces rencontres servent à réguler le processus d’apprentissage et marquent l’avancement de l’étudiant.

La structure de l’étude s’appuie sur l’analyse de sept entretiens hebdomadaires avec un focus particulier sur l’autoconfrontation de quatre praticiens formateurs et de quatre étudiants à leurs propres traces audiovisuelles. Les praticiens formateurs et les étudiants sont engagés dans des orientations différentes et avec un degré de pratique de l’accompagnement similaire. A ce propos je souhaitais avoir des praticiens formateurs qui n’étaient pas à leur première expérience d’accompagnement d’un étudiant. De plus, les personnes qui participaient à la recherche ne devaient pas suivre des étudiants dont j’étais le référent pour l’école.

De ce fait, j’ai décidé de faire un appel à candidature sans tri préalable à l’ensemble des praticiens formateurs qui s’apprêtaient à suivre les étudiants. Cet appel à candidature fait de manière ‘’large’’, était dicté par trois critères, à savoir :

1. d’avoir dans le corpus des données une représentation, même minime, des trois orientations du travail social (animateurs socio-culturels - ASC, assistants sociaux - AS et éducateurs sociaux - ES) ;

2. d’avoir suffisamment de personnes pour pouvoir exclure du processus les éventuels étudiants (et les praticiens formateurs) que j’aurais suivi avec la casquette d’enseignant représentant de l’école ;

3. d’avoir dans l’échantillon des praticiens formateurs qui disposent d’une certaine expérience dans le suivi d’étudiants (au moins trois suivis certifiés).

Ces trois précautions m’ont permis d’avoir un petit échantillon qui gardait une certaine distance épistémologique, une cohérence en termes de variété, un certain degré d’expérience de tutorat et une certaine neutralité relationnelle.

A partir de ces divers constats, j’ai organisé le dispositif de recherche en tenant compte de cinq phases distinctes qui se suivaient temporellement et de manière invariante.

Voici les cinq phases du dispositif de recherche : 1. la récolte des traces vidéo

2. le visionnement du matériel brut et choix des macro-séquences 3. la 1ère autoconfrontation simple avec le PF

4. la 2ème autoconfrontation simple avec l’étudiant 5. le traitement des données

Cette suite chronologique de la récolte et du traitement des données a respecté une logique et une cohérence interne que je vais expliciter ci-après.

Comme signalé, la présente recherche s’inscrit dans une logique « qualitative » avec une finalité exploratoire qui s’appuie sur des traces vidéo de sept rencontres différentes de praticiens formateurs et étudiants selon le protocole suivant en cinq phases.

1. La récolte des traces vidéo. Durant cette phase le praticien formateur et l’étudiant se filment durant une rencontre de régulation. Les images sont récoltées sur le lieu de la formation pratique en mon absence. L’enregistrement se fait avec une caméra digitale fournie. Le cadrage est large afin de voir les deux personnes qui échangent. A la fin de la séquence, les acteurs décident s’ils souhaitent soumettre, ou non, la vidéo au chercheur, ceci pour des questions de confidentialité.

2. Le visionnement du matériel brut et choix des macro-séquences. Le matériel audiovisuel, choisi par les praticiens formateurs et les étudiants, m’est transmis sur une carte SD. Dans une optique de clinique interprétative « qui repose sur des processus interprétatifs à la fois subtils et singuliers » (Durand, 2009, p. 847) je visionne l’ensemble de l’enregistrement et je repère les macro-séquences choisis sur la base d’événements remarquables (Leutenegger, 2005).

3. La 1ère autoconfrontation simple avec le praticien formateur débute avec une première question standard sur la teneur de l’entretien. Cette question vise à vérifier l’homogénéité du matériau. C’est-à-dire si l’entretien soumis est généralisable, dans ses grandes lignes, à ce qui se passe d’habitude lors de ces rencontres ou s’il est influencé par des éléments exceptionnels. Ensuite, le sujet visionne quelques minutes de son entretien pour qu’il puisse se (re)mettre en situation et se remémorer les faits et c’est lui qui me dit quand on peut visionner la première séquence. A partir de ce moment, je commence l’autoconfrontation des passages choisis en fonction des macro-séquences. Le praticien formateur à partir des traces audiovisuelles, explicite son action et ses attentes. Durant le visionnement des séquences, je questionne et je relance le praticien formateur pour « ponctuer le discours du sujet adressé au chercheur ».

(Clot et al., 2001). Le praticien formateur et moi-même pouvons interrompre à tout moment le déroulement des images pour les questionner ou pour faire un commentaire. La séquence d’autoconfrontation fait l’objet d’un enregistrement vidéo.

4. La 2ème autoconfrontation simple avec l’étudiant suit toujours celle du praticien formateur car elle fait office de contrepoint aux propos du praticien formateur sur comment l’étudiant lit et perçoit les compétences relevées (ou souhaitées) par son tuteur. Ce protocole invariant, me permet de garder une cohérence dans la manière de mener les deux autoconfrontations.

L’autoconfrontation de l’étudiant commence donc, comme avec celle avec le praticien formateur, par la question qui vérifie si l’entretien avait ou non un caractère exceptionnel. Par la suite, les mêmes séquences choisies pour

l’autoconfrontation avec le praticien formateur sont visionnées avec l’étudiant et celui-ci les commente. Lors de l’autoconfrontation, l’étudiant et moi-même pouvons interrompre le visionnement pour faire une relance ou un commentaire.

L’autoconfrontation fait l’objet d’un enregistrement vidéo.

5. Le traitement des données se fait en trois étapes après l’autoconfrontation de l’étudiant et à partir de l’ensemble des données enregistrées. La première étape consiste à sélectionner les vidéos qui feront l’objet d’une analyse détaillée.

Ensuite, les macro-séquences de ces vidéos, qui ont été soumises à l’autoconfrontation, font l’objet d’une première analyse pour repérer si les compétences sont explicitement présentes ou non. La deuxième étape consiste à analyser la structure significative de ce même passage et à déterminer les événements remarquables (Leutenegger, 2005). A partir de cette base, la troisième étape consiste à reprendre l’autoconfrontation du praticien formateur et de l’étudiant et de vérifier comment le praticien formateur et l’étudiant parlent (ou font allusion) aux compétences HES-SO. In fine, j’analyse la compréhension de l’étudiant par rapport aux intentions du praticien formateur.