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Que reste-t-il du projet de quartier de gare à Perpignan ? The (mis)fortunes of the High-Speed Train railway station area

in a mid-size city, Perpignan (France)

Aurélie DELAGE

Maître de Conférences en aménagement et urbanisme Université de Perpignan Via Domitia

UMR 5281 Art-Dev aurelie.delage@univ-perp.fr

RESUME :

Cette communication propose d’interroger un type de projet urbain qui a connu un fort engouement il y a une dizaine d’années : les projets de régénération urbaine autour des gares centrales, en lien avec l’arrivée du Train à Grande Vitesse (que la ligne soit à grande vitesse ou non). Apanage des principales métropoles, ce type de projet a également été prisé des villes plus modestes qui voyaient dans le projet le moyen sinon d’accéder au statut de métropole, du moins d’en acquérir les attributs. Le cas de Perpignan, dernière ville méditerranéenne avant la frontière espagnole illustre ces espoirs, en partie déçus. En effet, la crise immobilière de 2008, mais aussi des déconvenues locales, ont déstabilisé de manière durable le projet initialement envisagé. Dix ans plus tard, qu’est-il advenu de ce projet partiellement réalisé ? dans quelle mesure cela nous renseigne-t-il sur la dimension itérative d’un projet manifestement sur-dimensionné ?

Mots-clés : projet urbain, gare TGV, ville moyenne, crise immobilière de 2008, réajustement de projet.

ABSTRACT:

Urban regeneration projects around High-speed train stations used to be in the fashion ten years ago. Many large and mid-size cities implemented such projects, hoping, for the latter, that it would help them to climb up the ladder of urban hierarchy – or at least help them pretend they would become major cities. Analyzing Perpignan – the southernmost French city before the Spanish Border on the Mediterranean Sea – as a case study puts into the light the misfortune of a mid-size city, which project was struck by the 2008 crisis but also by local disappointments. Ten years later, this presentation aims at understanding to which extent the original – obviously over-sized – project was altered. What was actually implemented and abandoned, what lessons do the local authorities draw from this experience?

Cette communication propose de faire retour sur un type de projet urbain qui a connu un fort engouement il y a une dizaine d’années : les projets de régénération urbaine autour des gares centrales, en lien avec l’arrivée du Train à Grande Vitesse (que la ligne soit à grande vitesse ou non). Apanage des principales métropoles européennes (phénomène largement documenté, cf. Terrin, 2011), ce type de projet a également été prisé des villes plus modestes (Roudier, 2015) qui y voyaient le moyen sinon d’accéder au statut de métropole, du moins d’en acquérir les principaux attributs. Ces « équipements-projets » (Ménerault, dir., 2006) ont en effet le mérite d’offrir un fort potentiel mobilisateur auprès des acteurs publics comme privés (Offner, 2001), qui y cherchent une valeur assurantielle – qualité

particulièrement prisée dans les espaces en difficultés (Delage, 2016).

Le cas de Perpignan, ville intermédiaire aux prétentions métropolitaines, illustre ces espoirs placés dans un projet urbain comme levier de développement urbain, et permet de mettre en tension un mode opératoire dont la programmation initiale n’a pu être totalement mise en œuvre en raison d’un retournement de conjoncture imprévu (la crise immobilière de 2008) et de déconvenues locales.

Dernière ville méditerranéenne avant la frontière espagnole, Perpignan compte 120 000 habitants (315 000 habitants dans l’aire urbaine). Elle possède des fonctions dencommandement réduites dans un département essentiellement rural qui a longtemps vécu de la rente foncière. Son centre-ville, « hyper-paupérisé » (Giband, Lefèvre, 2014) estndégradé, largement répulsif pour les ménages solvables qui préfèrent s’installer en périphérie. Il y a donc une longue tradition d’abandon – par les habitants, par les politiques publiques – des espaces centraux.

Comme dans de nombreuses villes, le maire a saisi au début des années 2000 l’arrivée annoncée du TGV (ligne à grande vitesse de la vallée du Rhône vers Barcelone) pour amorcer une politique de projets d’envergure afin d’asseoir le statut de sa ville dans un archipel métropolitain catalan (Barcelone est à moins de 200 km). L’autre enjeu est également de reconquérir des espaces centraux dégradés. Collant à tous les standards du genre, c’est une nouvelle gare qui est envisagée, accolée à l’ancienne (celle surnommée « le Centre du Monde » par Dali qui y acheminaient ses toiles), et surmontée d’un centre tertiaire (commerces et bureaux). Plusieurs ZAC sont envisagées à proximité plus ou moins immédiate dans le but de créer une nouvelle polarité urbaine dotée de logements de qualité, de commerces et de services. L’objectif est aussi de gommer la barrière urbaine traditionnelle que constitue la voie ferrée. Enfin, la construction de la nouvelle gare TGV est l’occasion de remettre à plat le système de transports collectifs et de constituer un pôle d’échange multimodal.

A l’instar de ce qui s’observe ailleurs, le projet fait consensus et divers moyens opérationnels sont rapidement mis en œuvre pour mener à bien le projet – dont l’enjeu n’est pas seulement la régénération d’un quartier mais bien la requalification de l’image de la ville, et la redéfinition d’un projet de territoire. Les discours déployés à l’époque par les élus notamment indiquent qu’en se dotant d’attributs métropolitains (outre la gare TGV, un projet de théâtre signé par un starchitecte est notamment lancé), Perpignan sera l’égale ou la ville complémentaire de Barcelone.

Mais la crise immobilière de 2008, qui touche plus durement encore l’Espagne voisine, porte un coup sérieux au projet. La construction du nouveau centre d’affaires n’est pas remise en question, en revanche son taux de remplissage devient un sujet épineux (fort turn over des commerces, fort taux de vacance). En 2015, le propriétaire espagnol menace de fermer purement et simplement le centre, en partie vide, au risque de créer une immense friche urbaine de locaux jamais aménagés juste au-dessus de la nouvelle gare TGV, soit un emplacement pourtant généralement considéré comme prime par les investisseurs. En 2016, un repreneur local change de stratégie et tente actuellement d’attirer des usagers finaux.

Néanmoins, des éléments de programmation sont abandonnés ou repoussés dans le temps faute de clients : lots immobiliers face à la gare (temporairement aménagé en stationnementaérien), bâtiment jamais achevé. Le projet transport est également revu à la baisse (pas de tramway). Nous proposons d’analyser, dix ans après la crise, ce qu’il est advenu de ce projet partiellement réalisé, afin de questionner le projet comme mode opératoire. Si, dans le projet, le cheminement, la méthode, est aussi important que le résultat, le morceau de ville concrètement produit (Pinson, 2009), et dans la mesure où ici le résultat est pour le moins éloigné des intentions initiales, quelles leçons tirent les acteurs locaux de ce projet, qui se devait initialement être un projet peu risqué si l’on en croyait les mises en œuvre dans d’autres métropoles ?

Nous avons deux principales questions de travail. D’une part, dans quelle mesure ce projet était-il surdimensionné pour la ville ? Bien que des éléments d’alerte aient été donnés, par une équipe de chercheurs locaux notamment, le projet s’est fortifié sur la base de discours confinant à la prophétie autoréalisatrice sur la vocation métropolitaine de Perpignan dans l’arc méditerranéen. D’autre part, dans quelle mesure un jeu d’acteurs spécifique a permis à ce type de discours de prospérer, contribuant à alimenter ce qui pourrait s’apparenter à une bulle spéculative ? Dans quelle mesure n’y a-t-il pas eu la constitution – pas forcément volontaire ni consciente – d’une coalition de mal-développement pour reprendre et adapter la notion de coalition de croissance de Logan et Molotch (1987)

Enfin, que reste-t-il du projet – d’un point de vue actoriel et opérationnel – une fois un tel revers essuyé, a fortiori quand, un an plus tard, le principal porteur du projet politique, le maire, quitte ses fonctions pour accéder à la présidence de la communauté urbaine naissante ? Dans quelle mesure le projet urbain autour de la gare a été un temps nécessaire (et peut-être excessif) pour impulser (forcer ?) un renouveau à la ville, une opportunité à saisir dans un processus plus long de reconversion urbaine ?

Pour répondre à ces questions, nous mettons en œuvre les moyens classiques de la méthodologie qualitative et inductive : outre la recherche documentaire préalable, nous menons un travail de terrain par observation et entretiens semi-directifs auprès des acteurs locaux. Ce travail est actuellement en cours, et sera achevé en juin 2018. Cette communication visera donc à présenter et discuter de premiers résultats de recherche.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

DELAGE A. (2016) « “Give me a high-speed rail station, or nothing!” How private stakeholders consider investing in the high-speed rail station’s area in shrinking cities », Belgeo [En ligne], 3 | 2016, mis en ligne le 30 septembre 2016, consulté le 22 janvier 2018. GIBAND D., LEFEVRE M.-A. (2014), « Les « nouveaux maîtres du Sud » ? Déclin des systèmes géopolitiques et recompositions du paysage électoral à Béziers et Perpignan », in Hérodote vol. 154, no. 3, 2014, pp. 107-119.

LOGAN J., MOLOTCH H., 1987, Urban Fortunes, The Political Economy of Place, Berkeley, University of California Press, 1987.

MENERAULT Ph. (dir.), (2006), Les pôles d’échange en France. État des connaissances, enjeux et outils d'analyse, CERTU, Lyon, 180 p.

OFFNER J.-M. (2001), « Raisons politiques et grands projets », in Annales des Ponts et Chaussées n°99, juillet-septembre 2001, pp. 55-59

PINSON G. (2009), Gouverner la ville par projet. Urbanisme et gouvernance des villes européennes, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Paris, 420 p. ROUDIER E. (2015), « Les “Grandes Gares” : des projets adaptés aux villes moyennes ? », Métropolitiques, 14 décembre 2015. URL :

http://www.metropolitiques.eu/Les-Grandes-Gares-des-projets.html

TERRIN J.-J. (dir.). 2011. Gares et dynamiques urbaines. Les enjeux de la grande vitesse, Marseille : Parenthèses, coll. « La ville en train de se faire ».

Projets du Lac de Tunis et processus d’évolution :

temporalité et résistance aux perturbations

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