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Keywords: wealth, favela, Acaba Mundo, Belo Horizonte, Brazil.

Les vilas et favelas, phénomènes d'occupation informelle de terres en milieu urbain qui caractérisent les principales villes brésiliennes, sont souvent considérés comme des lieux négatifs, des lieux d'absence - sociale, formelle et légale. Dans l'imaginaire collectif ces lieux sont assimilés à des espaces de pauvreté, de chaos et de violence : espaces dénués d’infrastructure urbaine – eaux, lumière, réseau d’égouts – sans desserte routière, généralement misérables, sans ordre, sans loi, sans règles, sans morale (Silva, 2009, p. 16). Cette vision, très courante, oriente la relation entre la ville formelle et informelle et influence, les politiques publiques et les projets, souvent imposés de l’extérieur, qui visent modifier cette réalité complexe, sans toujours bien la comprendre. Le stéréotype de la favela la réduit à un espace pauvre, tant d’un point de vue économique – elle ne s'adapte pas au modèle économique dominant – qu’urbain, social, culturel et symbolique. La non-conformité des favelas aux normes urbaines et économiques a fait que la précarité des occupations initiales et le profil socioculturel de ses habitants, sont souvent synonymes de stérilité humaine et sociale, et d'inactivité économique. Ce sont des espaces urbains spatialement contiguës à la ville formelle, mais socialement séparés et stigmatisés.

Le mot richesse qui provient du latin richìtia, dérivé à son tour de rícus (riche), se retrouve dans l’ancien français - puissant, valent - (rîchan signifiait prévaloir, dominer) et dans l'allemand rich, juridiction. Le concept de richesse a évolué dans le temps, et a acquis une connotation plus strictement économique. Ainsi, son utilisation renvoie à la disponibilité de « quantités significatives de biens matériaux ou d'argent » dans les siècles XII et XIV en Italie, et à la « possession de quelque chose plus désirée par des autres que par son possesseur » dans l'essai « De la monnaie » de Ferdinando Galiani, en 1750. (Scazzieri, 1997). Avec l'ouvrage Principes d'Économie Politique (1820), Malthus amplifie la définition de richesse donné par les physiocrates – la richesse liée à la terre - en intégrant des produits qui viennent de l'industrie. De la même que le PIB et le taux de croissance ne sont pas des indicateurs capables de mesurer la totalité de la richesse d'un pays, le concept de richesse uniquement lié à l’économie ne peut plus être le principe directeur dans la société actuelle. Les concepts de monétisation, de désir et d'utilité ont caractérisé la société contemporaine, mais ils ne sont plus suffisants pour décrire sa richesse. A partir des années soixante-dix on assiste à une prise de conscience de l'importance des facteurs humains, sociaux et environnementaux en matière de richesse. Dans les années 1990 apparaissent les Indicateurs du Développement Humain (IDH). Le principe qui guide la construction de ces nouveaux indicateurs est que la croissance économique est un moyen – et non plus un objectif – pour atteindre le développement humain. L'homme et l'éthique font donc leur retour dans le panorama des réflexions sur la croissance et la richesse. D’autres indicateurs ont été élaborés dans la même décennie, comme par exemple l’indicateur sexospécifique de développement humain ou l'Indicateur de la Participation des Femmes (IPF), qui considèrent les inégalités entre sexes, ou encore l'Indicateur de Pauvreté Humaine (IPH). L'apparition de ces indicateurs a redonné une place significative au capital humain et naturel, ou comme les définit Viveret (2002), aux richesses écologiques et anthropologiques.

En laissant, pendant un temps, de côté les paramètres classiques d'évaluation de l'espace urbain, il nous semble important de nous demander à quel point les favelas sont des lieux vides et pauvres.

Est-il possible de trouver de la richesse dans une favela ? Et dans ce cas, quelles richesses sont cachées dans ces espaces ? Ce travail, basé sur des études et des travaux de terrain effectués en 2016 et en 2017 interroge la notion de richesse, ainsi que la vision des favelas à travers un prisme différent, non pas regardés comme des lieux de pauvreté et d'absence, mais comme lieu de différences. A travers l’expérience de la Vila Acaba Mundo nous cherchons ici à identifier des richesses – économiques, mais aussi humaines, culturales et écologiques – et, avec ces éléments nous tentons de construire une vision plus complète de cet espace fortement stigmatisé et qui fait souvent l’objet de politiques et de projets de renouvellement urbain.

La vila Acaba Mundo est une communauté localisée dans la région centre-sud de Belo Horizonte, entre les quartiers Sion, Comiteco, Mangabeiras e Belvedere, qui sont parmi les plus riches de la capitale du Minas Gerais. La vila couvre une surface de 35 mille mètres carrés, elle héberge 371 familles, soit plus de 1.300 habitants (CMBH, 2016). L’occupation de la vila a commencé dans la décennie 1930, avec les activités de l'entreprise d'exploitation minière Lagoa Seca. Le toponyme Acaba mundo (le bout (ou la fin) du monde) renvoie à la difficulté d’accès à cette zone au début de l'occupation, quand l'entreprise a coçu un projet de construction de maisons pour travailleurs, lesquels travailleurs provenaient principalement de l’intérieur de l'état du Minas Gerais. Dans la décennie 1950, l'entreprise décide d'effectuer le lotissement de la partie du terrain adjacente à la rue Corrêas, dans le quartier Sion, et de donner les lots aux employés. Ces derniers construiront des habitations précaires. A la suite de fortes précipitations, le mur de contention de la rue Corrêas s'est effondré, piégeant plusieurs maisons et obligeant des travailleurs de la mine à changer de terrain.

Cet épisode a déclenché le processus d'occupation irrégulière de la partie inférieure de la rue Correâs, plus distante du site d'exploitation minière, processus qui s'est intensifié avec l'arrivée de nouveaux habitants sans lien avec l'entreprise (Cyrillo, 2011 et PBH, 2016). Actuellement la zone de la vila est un exemple emblématique des inégalités socio spatiales de la Région Métropolitaine de Belo Horizonte (RMBH). Différentes réalités cohabitent étroitement dans cet espace. D’un côté les infrastructures urbaines et les conditions d'habitation sont précaires à Acaba Mundo et de l'autre on y trouve des quartiers parmi les plus riches de Belo Horizonte (Sion, Mangabeiras et Belvedere), caractérisés par des aménités urbaines et par des standards d'édification extrêmement élevés. A cause de cette proximité, les habitants de la vila ont subi de fortes pressions de la part des spéculateurs fonciers, qui eux aussi insérés et engagés dans cet espace revendiquent le droit de le fréquenter et de l’habiter (Polos de Cidadania, 2016). Des experts de l'URBEL (Compagnie d'Urbanisation et de l'Habitation de Belo Horizonte), qui souhaite la régularisation foncière de la favela, ont proposé l'expropriation forcé du terrain avec indemnisation des propriétaires.

Le concept classique de richesse, qui renvoie à la capacité d’accéder à des biens et des services, apparait insuffisant pour comprendre les richesses cachées dans l'apparente pauvreté de cet espace. Si nous ne prenons en considération que des indicateurs classiques de richesse - comme le revenu mensuel moyen - l'Indicateur de Développement Humain (IDH-M), ou le standard de construction des immeubles, l’image révélée est proche de celle de la favela - lieu pauvre, misérable, sans ordre - décrite par Silva (2009). Dans ce sens, cette favela présente des conditions de vie bien moindre que celles de la ville de Belo Horizonte, la RMBH, l'état de Minas Gerais ou le Brésil.

De telles conditions sont pointées par l'indicateur de Développement Humain Municipal (IDH-M), et par chaque composant du celui-ci : revenu, longévité et taux de scolarisation. Mais, comme le remarque Viveret (2002), les indicateurs économiques ne sont pas capables de capter toutes les richesses humaines et écologiques, dont celles qui ressortent de l’analyse d’Acaba Mundo. Le bien-être des habitants et la qualité de l'environnement, par exemple, sont des valeurs qui ne sont pas directement mesurables, mais il nous savons qu'ils ont un grand impact sur la qualité de vie des habitants, et ils sont certainement une forme de richesse. Le temps disponible est aussi un bien précieux dans un monde urbain au rythme de vie frénétique et bien sûr la culture et ses formes d'expression sont une forme de richesse considérable.

A Acaba Mundo les richesses ne servent pas vraiment à manger, elles ne sont pas liés à la propriété de la terre, et ne sont pas forcément des marchandises. Mais dans cet espace il existe une grande richesse ethnique, sa population regroupe des noirs, des blancs, des asiatiques et des métis, elle recèle une richesse de traditions, de langues, de formes d'expression et de connaissances qui ont tendance à se perdent dans la ville formelle. Les anciens savoir-faire et les vieux métiers ne sont pas étouffés par la nécessité de rentabilité induite par l'économie capitaliste. Par exemple la recherche d’herbes et de racines médicinales prend place dans

l’espace et dans le temps de la journée de certains habitants de l'Acaba Mundo. Les expressions culturelles sont variées et nombreuses - arts plastiques, danse, cirque, mosaïque, peinture, graffitis, théâtre, etc. - et constituent le patrimoine de la vila. Le milieu associatif est très actif, d’un côté il répond aux nécessités quotidiennes des habitants - crèche, suivi des adolescents, organisation et régulation interne, par exemple – d’un l'autre côté il stimule l’interaction avec les habitants des quartiers contiguës. La proximité de la Serra du Curral l’accès à ses sources à ses cours d'eau et à sa végétation riche, marquent un contraste important avec la ville formelle, qui est très minérale et pauvre en espaces verts, les richesses écologiques sont abondantes, Il est donc, important de prendre en compte la diversité de ces espaces, et d’élargir la notion de richesse quand on regarde ces communautés.

Pour cela, nous proposons ici une réflexion sur différentes typologies de richesses : économiques, mais aussi écologiques, anthropologiques et culturelles, dans le but de contribuer à la construction d’une vision plus large des favelas et d’alimenter les débats sur les principes d’interventions dans ces espaces et en particulier la prise en compte des différentes facettes de la réalité sociale dans les projets partagés.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Cyrillo, Gustavo Barreto. Mercado Imobiliário Informal e Seus Mecanismos de Operação: Vila Acaba Mundo, Belo Horizonte. Dissertação de mestrado. Curso de Arquitetura e Urbanismo. Escola de Arquitetura da UFMG. 147 f.

Polos de Cidadania. Vila Acaba Mundo. Disponíble en

http://polosdecidadania.com.br/equipes/acaba-mundo/. Acesso em abril de 2016.

SCAZZIERI, R., 1997. voce : Ricchezza, en Enciclopedia delle Scienze Sociali. Instituto dell'enciclopedia italiana, Roma, 1997, vol. VII. Disponible online <http://www.treccani.it/enciclopedia/ricchezza_%28Enciclopedia-delle-scienze-sociali%29/>

SILVA, J. de S. (dir.). 2009. O que é favela, afinal? Rio de Janeiro. Observatório das Favelas do Rio de Janeiro, 2009. 104 p.

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VIVERET, P., 2001. Reconsidérer la richesse. Rapport d’étape de la mission “nouveaux facteurs

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L’intégration du projet urbain dans un tissu ancien en décroissance : le cas du

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