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Progression du montant des créances douteuses

Dans le document La bulle foncière au Japon (Page 146-149)

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IX.2. Progression du montant des créances douteuses

Le retournement de l’immobilier a frappé de plein fouet les établissements financiers. Le crédit au secteur à risque (immobilier et construction) est évalué à 130 000 milliards de yens (environ 6500 milliards de francs) dont les trois quarts sont portés directement par les banques et un quart en première ligne par les Non banks. La part des mauvaises créances est difficile à évaluer, car les banques multiplient les artifices pour limiter au maximum l'information à ce sujet. Par exemple, leurs prêts aux Non banks dont le taux a été ramené à zéro ou ceux consentis à leurs filiales ne sont pas comptabilisés dans les "créances douteuses". Les autorités se gardent pour leur part de fournir des explications précises afin de ne pas affaiblir la confiance dans les marchés.

En mars 1994, le ministère des Finances faisait état de 14 100 milliards de yens de créances douteuses (prêts non remboursés depuis plus de six mois et prêts aux entreprises en faillite) pour les 21 plus grandes banques japonaises. Ceci représentait une progression de plus de 100% sur les chiffres de 1992244. De source

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officieuse, ces chiffres étaient largement sous-évalués, la réalité étant plus proche de 40 000 milliards de créances douteuses au total (2 000 milliards de francs), dont 3000 milliards seraient irrécouvrables245.

Si les grandes banques ont en général comme garantie des actifs d'une valeur supérieure aux prêts consentis, elles peuvent être sérieusement touchées par ricochet par les Non banks. On estimait en 1992 les créances douteuses des 34 plus importantes d'entre elles à 5800 milliards de yens (232 millions de francs).

Sous la pression discrète des autorités de tutelle, les banques tentent de porter à bout de bras leurs filiales Non banks défaillantes. Les City banks peuvent opérer des transferts de fonds conséquents auprès de leurs filiales et réduire -voire annuler- les taux d’intérêts, mais ce n’est pas le cas des banques régionales ou locales qui ne disposent pas d’une surface financière suffisante. Certaines, telle la banque régionale Hyôgo basée à Kobe qui détient 10 filiales Non banks, doivent négocier auprès des banques et des compagnies d’assurances une réduction des taux d’intérêts sur les prêts consentis à leurs filiales246.

IX.2.3. Le casse-tête du ratio Cooke

La montée du risque du crédit n'est pas le seul problème auquel les grandes banques se trouvent confrontées. Elles ont également spéculé en Bourse pendant les années de “bulle” pour compenser la compression de leurs marges sur les dépôts déréglementés, et ont vu à partir de 1990 la valeur de leurs portefeuilles boursiers fondre comme neige au soleil247. Or, c’est précisément à ce moment-là que sont entrées en application des règles de réserve plus strictes imposées par le ratio Cooke.

Mis au point par la Banque des Règlements internationaux (BRI), ce ratio prudentiel oblige toutes les banques internationales à maintenir un niveau de fonds propres supérieur ou égal à 8% de leurs engagements à partir de la fin de l'exercice 1992 (31 mars 1993 au Japon). Une bonne partie des réserves des banques japonaises étant constituées par des plus-values escomptées sur leurs portefeuilles boursiers (les "plus-values latentes"), le ratio Cooke s'est contracté avec la chute des cours au Kabuto-chô248.

Pour satisfaire aux exigences de la BRI, les City banks ont dû mener une action vigoureuse de renforcement de leurs fonds propres avant la date fatidique du 31 mars 1993. Elles ont été amenées de ce fait à réduire leurs engagements sur les marchés internationaux et à opérer un repli de leurs activités vers le noyau dur de leur clientèle et de leur métier249 . La banque Sakura a été la dernière à atteindre un ratio supérieur à 8%, en

245Bureau français de la MFJ, Le Japon 1994, op.cit, p.58. 246Japan Economic Almanac 1993, p.81.

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Selon Christopher WOOD (1992, op.cit.), 42% des profits des City banks en 1989 provenaient des plus-values sur leurs portefeuilles boursiers.

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Le calcul des fonds propres pour les banques japonaises comprend deux catégories dites Tiers 1 et Tiers 2 : T1 comprend les fonds propres ; T2 les provisions pour risques, 45% de l’évaluation des plus-values non réalisées sur les portefeuilles boursiers (profits imputés entre la valeur d’achat inscrite au bilan et la valeur de marché), les prêts et obligations subordonnés, et les prêts et obligations subordonnés perpétuels.

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septembre 1992. Le relèvement progressif des cours boursiers en 1993 a néanmoins relâché la pression : en fin 1993, le ratio Cooke s'établissait à 9,7% pour l'ensemble des banques contre 8,8% l'année précédente.

IX. 2.4. Les mesures de soutien.

Face à l’affaiblissement du système financier, le gouvernement a multiplié les mesures de soutien.

Pour éviter que l’érosion des valeurs boursières ne plonge les grandes banques dans une crise sans précédent, le ministère des Finances a encouragé les organismes soumis à son influence à acheter ou vendre des actions de façon à soutenir les cours du Kabuto-chô. Il s’est également efforcé de faciliter la résorption progressive des mauvaises créances sans qu’il en résulte une nouvelle chute des valeurs boursières. Parallèlement, la baisse des taux orchestrée par la Banque du Japon contribue à soulager les banques en leur permettant de reconstituer leurs marges. Ajoutons à cela les plans de relance gouvernementaux destinés à stimuler l’économie par l’injection de fonds publics de plus en plus importants : 10 700 milliards de yens en 1992, 13 200 milliards puis 6150 milliards en 1993, 15 250 milliards en 1994.

Par ailleurs, un réajustement du dispositif financier sous forme de fusions est en train de s’opérer sous la conduite des autorités de tutelle. Ce processus, déjà amorcé par les mariages des City banks Mitsui et Taiyo Kôbe en 1990 (banque Sakura), de Kyôwa et Saitama en 1991 (banque Asahi), concerne aujourd’hui surtout des petits établissements mis à mal par la “purge” financière (banques régionales, coopératives de crédit...). Le démantèlement de la Tôyô Shinkin bank, banque de crédit aux PME-PMI basée à Osaka impliquée dans un scandale de prêts frauduleux, a inauguré une nouvelle approche dans la pratique de fusionnement orchestrée par la Banque du Japon et le ministère des Finances : la City bank Sanwa ayant refusé d’absorber la Tôyô Shinkin en raison du montant astronomique de son passif, celle-ci a vu son réseau redistribué à diverses banques locales de la région d’Osaka250. Un modèle qui pourrait bien être suivi pour les réajustements futurs.

Enfin, une société de rachat de créances bancaires assorties de garanties immobilières a été créée en janvier 1993 à l’instigation de l’association professionnelle des banques alors présidée par la banque Mitsubishi. Cent soixante et un établissements bancaires sont actionnaires de cette “foncière” au capital de 7,7 milliards de yens, dont les vingt et une plus grande banques japonaises et 80% des banques régionales. L’intérêt de ce mécanisme pour les banques réside dans la comptabilisation comme perte réalisée, donc déductible au bénéfice fiscal, de la différence entre le montant initial de leurs créances et leur prix de cession à la société de rachat251.

La première série de rachats effectuée par cet établissement représente au total 229 cas et 681,7 milliards de yens à leur valeur nominale. Trente cinq institutions financières, pour la plupart bancaires, en ont bénéficié.

250La Tôyô Shinkin bank a consenti des prêts à hauteur de 252 milliards de yens à un restaurateur

d’Osaka, ce qui représentait 83% du total de ses dépôts (Japan Economic Almanac 1993, p.18).

251Michel ROUGE, août 1993, “Les banques redéfinissent leur politique”, France Japon Eco n°55, été

Cela ne représente cependant qu'une infime partie des 40 000 milliards de créances douteuses qui pèsent sur les établissements financiers252.

Dans le document La bulle foncière au Japon (Page 146-149)