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Les programmes nucléaires militaires depuis le début de l’ère nucléaire

Chapitre 3 : Le design de recherche

1. La stratégie générale de recherche

1.1. L’univers empirique

1.1.1. Les programmes nucléaires militaires depuis le début de l’ère nucléaire

Pour déterminer tous les cas d’activités nucléaires militaires entre 1945 et 2010, nous nous sommes servis de deux ensembles de données récentes compilées par Müller et Schmidt (2010) et Bleek (2010) qui eux-mêmes se sont basés sur des données assemblées par Singh et Way (2004) et Jo et Gartzke (2007). L’ensemble de données de Müller et Schmidt (2010) liste tous les États ayant entrepris des activités nucléaires militaires entre 1945 et 2005 (tableaux 3.1 et 3.2) et celle de Bleek

55 1945 a été choisi tout simplement parce que c’est à cette date, plus précisément le 16 juillet que les États-Unis sont

devenus la première puissance nucléaire après avoir réalisé le premier essai atomique dans une zone désertique du Nouveau-Mexique, faisant ainsi rentrer le monde dans l’ère nucléaire. Même s’il faut le remarquer, 1949, avec la première explosion d’une arme nucléaire soviétique est considérée comme la « date de naissance de la prolifération nucléaire » (Labbé, 2000 : 570).

(2010) liste tous les États ayant entrepris des activités nucléaires militaires entre 1945 et 2000 (tableau 3.3). En se basant sur la littérature secondaire, des recherches supplémentaires ont été menées pour déterminer les éventuels cas d’activités nucléaires militaire entre 2000-2005 et 2010. Seulement deux cas ont été enregistrés : il s’agit de la Syrie et du Myanmar. La Syrie figure dans la base de données de Müller et Schmidt (2010) qui notent toutefois que les activités nucléaires de ce pays ont été stoppées par l’intervention militaire d’Israël en 2007, alors que le Myanmar y est absent. Les deux pays ne figurent pas dans la base de données de Bleek (2010). Nous y reviendrons. Dans leur étude, Singh et Way (2004) distinguent conceptuellement quatre niveaux dans les activités de prolifération nucléaire des États; et ce, suivant un continuum : 1) aucun intérêt notable dans les armes nucléaires, 2) une exploration sérieuse de l’option nucléaire, 3) le lancement d’un programme nucléaire, 4) l’acquisition des armes nucléaires. Le premier stade est démontré par: « Political authorization to explore the option or by linking research to defense agencies that would oversee any potential weapons development » (Singh & Way, 2004 : 867). Le passage au deuxième stade est caractérisé par: « Additional further steps aimed at acquiring nuclear weapons, such as a political decision by cabinet-level officials, movement toward weaponization, or development of single-use, dedicated technology » (Singh & Way, 2004 : 866).

Dans leur étude, Jo et Gartzke (2007), classent les activités de prolifération en trois catégories : 1) aucune activité, 2) un programme actif de développement des armes nucléaires, 3) la possession des armes nucléaires. La détermination du début et de la fin d’un programme nucléaire militaire repose sur la définition suivante: « We regard the year in which the highest decision maker in a given state authorized a nuclear weapons program as the year in which the state first possesses a nuclear weapons program. Similarly, we assume that the year in which the highest decision maker terminated an existing nuclear weapons program is effectively the final year of the program »56. Pour les deux auteurs, les activités nucléaires incluent: « Nuclear reactor construction or purchase, uranium milling or enrichment plant construction, and plutonium reprocessing facility construction, but exclude small nuclear research reactor construction or purchase intended (and used) for basic nuclear research

47 »57. Des choix méthodologiques qui ont été vivement critiqués, autant par Montgomery et Sagan (2009) que par Müller et Schmidt (2010) et Bleek (2010).

Dans leurs critiques de l’opérationnalisation de la variable « statut nucléaire » des États par Jo et Gartzke (2007), Müller et Schmidt (2010) évoquent, à la suite de Levite (2002/2003), cinq problèmes : 1) le secret entourant les activités nucléaires, 2) les activités nucléaires ne commencent pas nécessairement au niveau des hauts dirigeants mais peuvent être initiées par des hauts gradés militaires, des experts nucléaires et des bureaucrates, 3) le comportement des hauts dirigeants à l’égard des activités nucléaires est souvent plus permissif que déterminant, 4) les activités significatives peuvent être entreprises dès l’initiation de l’aventure nucléaire plutôt qu’au stade de la poursuite déterminée du programme nucléaire comme le prouvent les cas suédois et argentin, 5) l’ambigüité nucléaire convient fréquemment mieux aux besoins politiques et psychologiques des dirigeants qu’une décision claire. Elle a même l’avantage de satisfaire autant les promoteurs que les opposants de l’option nucléaire: les deuxièmes peuvent se faire dire qu’aucune décision en faveur des armes nucléaires n’a été prise alors que les premiers peuvent entretenir l’espoir que leurs activités nucléaires auront toujours cours. De plus, il existe plusieurs méthodes de prolifération : les États peuvent essayer d’acheter la bombe (l’Australie sous le Premier ministre Robert Menzies), ils peuvent essayer de la fabriquer avec l’aide d’un partenaire plus avancé (l’Allemagne et l’Italie en 1957-1958), ils peuvent essayer de démarrer leurs programmes nucléaires en achetant la technologie, l’expertise et les matériels à l’étranger (Iran, Irak), se lancer dans l’aventure nucléaire sans stratégie définie (Libye), avec de nombreuses diversions (Nigéria), ou à un niveau très élevé de sophistication (Égypte).

Par ailleurs, des ambitions militaires pourraient guider un programme nucléaire dès ses débuts avant d’être révélés au reste du monde plus tard. Les dirigeants pourraient poursuivre une politique de « l’option » plutôt qu’une politique de fabrication d’armes nucléaires, comme ce fut le cas du Shah d’Iran. Alternativement, ils pourraient poursuivre une stratégie de permissivité en laissant aux scientifiques ambitieux le soin du développement de l’option sans se mouiller afin de pouvoir se prévaloir d’un éventuel déni auprès du reste du monde, des forces de l’opposition à l’intérieur, ou d’eux-mêmes comme cela a pu être le cas des Premiers ministres sud-africain (Voster en 1971- 1974) et indien (Nehru). Les dirigeants pourraient aussi poursuivre l’option nucléaire sans stratégie

véritable en pensant à l’éventualité que la situation sécuritaire de leurs pays se détériore ou qu’un État rival se lance dans l’aventure nucléaire comme ce fut le cas de l’Espagne et du Chili (Müller & Schmidt, 2010 : 131-132).

Pour toutes ces raisons, Müller et Schmidt (2010) pensent que: « It is hard to determine precisely where nuclear activities stand on the way from “no interest” to “full-fledged weapons” » (Müller & Schmidt, 2010 : 132). En ce qui concerne la détermination des différents stades de nucléarisation des États par Singh et Way (2004), Müller et Schmidt (2010) observent qu’il est tout autant difficile de faire la distinction entre « l’exploration » et « le programme ». Et pour cause, les activités qui sont supposées indiquer l’existence d’un programme nucléaire sont virtuellement impossibles à détecter sans que le programme soit complètement documenté soit par les historiens (États-Unis et Royaume-Uni) soit par l’AIEA (Afrique du Sud, Irak, Libye). Par exemple, les différentes étapes qui mènent vers la fabrication des armes (« steps toward weaponization ») incluent des activités qui sont par nature secrètes et qui ne sont normalement révélées qu’une fois le programme terminé (Müller & Schmidt, 2010 : 132).

Par conséquent, Müller et Schmidt (2010) pensent que les choix de design opérés par Singh et Way (2004) et Jo et Gartzke (2007) sont avant tout guidés par la méthode plutôt qu’adaptés au champ d’étude de la prolifération/non-prolifération avec ses contraintes en matière de données. Ils proposent alors un design de recherche plus simple mais beaucoup plus robuste face aux limitations des données. Tous les stades de prolifération au-delà de « l’absence d’activités nucléaires » sont regroupés en une seule catégorie, « les activités nucléaires militaires » (« nuclear weapons activities »), qui englobe donc les trois autres phases de la prolifération nucléaire chez Singh et Way (2004) à savoir : « l’exploration », « le programme » et « la possession des armes »58. Tous les cas d’activités nucléaires militaires sont classés par période de cinq ans. Müller et Schmidt (2010) ont ainsi identifié 37 États qui ont entrepris des activités nucléaires depuis le début de l’ère nucléaire en 1945. Parmi ces pays, 10 ont encore aujourd’hui, des programmes nucléaires en cours : il s’agit de la Chine, de la France, de l’Inde, de l’Iran, d’Israël, de la Corée du Nord, du Pakistan, de la Russie, du Royaume-Uni et des États-Unis.

58 La logique ayant guide un tel choix méthodologique s’exprime ainsi: «This decision derives from the notion that moving

from “no interest” into “doing something” is a grave step, and that our knowledge about this step is for many cases better than for the movement between the other ones» (Müller & Schmidt, 2010 : 133).

49 Comme le notent les auteurs, il est particulièrement frappant de constater que des cas de programmes nucléaires très documentés sont pourtant absents des ensembles de données de Singh et Way (2004) et Jo et Gartzke (2007) à l’instar du Canada, qui a été impliqué dans le Projet Manhattan, de l’Égypte, de l’Indonésie pour ne citer que ces pays. Le fait que la Lybie ne fasse pas partie de la liste de Jo et Gartzke (2007) laisse planer des doutes sur la rigueur avec laquelle leurs données ont été collectées d’autant que ce pays a fait les gros titres de toutes les presses du monde en 2003 avec la mise au jour du réseau clandestin de prolifération nucléaire d’A. Q. Khan, par le truchement duquel, il s’est approvisionné en matières et technologies nucléaires, et par son renoncement consécutif aux armes de destruction massive incluant les armes nucléaires (Müller & Schmidt, 2010 : 133-135).

Malgré tous les points positifs qu’on peut noter dans la démarche de Müller et Schmidt (2010) pour la constitution de leur base de données, la critique majeure qu’on peut formuler à leur encontre est le flou entourant les critères sur lesquels ils se sont basés pour déterminer les programmes nucléaires des États depuis le début de l’ère nucléaire. Ils affirment : « We pull together all types of behavior beyond “no nuclear activities” in a single category, “nuclear activities” which includes Singh/Way’s “exploration” “program” and “weapon possession” phases » (Müller & Schmidt, 2010 : 133). Mais leur “all types of behavior” est particulièrement problématique dès lors qu’on décide de s’intéresser au niveau de sophistication de différents types de programmes nucléaires.

Tableau 3.1. Activités nucléaires militaires étatiques, 1945-2005. Différences entre Jo et Gartzke (2007) et Singh et Way (2004) et Müller et Schmidt (2010).

États ayant entrepris

des activités nucléaires militaires selon Jo et Gartzke (2007)

États manquant dans la liste de Jo et Gartzke (2007) selon Müller et Schmidt (2010)

États ayant entrepris des activités nucléaires militaires selon Singh et Way (2004)

États manquant dans la liste de Singh et Way (2004) selon Muller et Schmidt (2010) Afrique du Sud Pakistan Allemagne Argentine Allemagne Australie Canada Chili Afrique du Sud Algérie Argentine Australie Allemagne Canada Chili Égypte

Brésil Chine Corée du Nord Corée du Sud États-Unis France Inde Irak Iran Israël Japon Roumanie Royaume-Uni Suède Taiwan URSS/Russie Yougoslavie Égypte Espagne Indonésie Italie Japon Libye Nigéria Norvège Suisse Syrie Brésil Chine Corée du Sud États-Unis France Inde Irak Iran Israël Libye Pakistan Roumanie Royaume-Uni Suède Suisse Taiwan URSS/Russie Yougoslavie Espagne Indonésie Italie Japon Nigéria Norvège Syrie

Tableau 3.2. Activités nucléaires militaires étatiques, 1945-2005 (Müller & Schmidt, 2010). Période Début des activités nucléaires Fin des activités nucléaires

1945 États-Unis, Royaume-Uni, Canada,

URSS/Russie

1946-1950 Inde, Suède Canada

1951-1955 Argentine, Chine, Israël, France, Yougoslavie, Norvège, Égypte

51 1956-1960 Australie, Brésil, Allemagne, Italie,

Suisse

1961-1965 Chili, Indonésie, Pakistan Norvège

1966-1970 Corée du Sud, Taiwan, Japon Allemagne, Suède, Indonésie, Italie 1971-1975 Irak, Iran, Afrique du Sud, Espagne Australie, Japon

1976-1980 Nigéria, Corée du Nord Égypte, Suisse

1981-1985 Roumanie, Libye

1986-1990 Algérie Yougoslavie, Taiwan, Roumanie,

Espagne, Corée du Sud

1991-1995 Kazakhstan, Ukraine, Biélorussie Algérie, Argentine, Irak, Chili, Kazakhstan, Ukraine, Biélorussie, Nigéria, Afrique du Sud

1996-2000 Syrie Brésil

2001-2005 Libye

Partant du constat que le codage de la variable dépendante « prolifération nucléaire » de Singh et Way (2004) et Jo et Gartzke (2007) peut être amélioré, Bleek (2010) a compilé une nouvelle base de données qui entend, en même temps, pallier les limites de celles de ses quatre collègues qui, selon lui, se sont appuyés sur trop peu de sources, des sources dont la fiabilité laisse à désirer, et n’ont pas été transparents dans leurs décisions de codage même si cette dernière remarque est à relativiser dans le cas de Jo et Gartzke (2007); car, contrairement à Singh et Way (2004), ils ont accompagné leur étude d’un codebook. Le fait que ces derniers aient ignoré par exemple, les activités nucléaires de l’Égypte, de l’Allemagne, de l’Indonésie, de l’Italie, du Japon, et de la Norvège est particulièrement préoccupant quand on sait que d’autres études ont adopté leur base de données sans même la critiquer. Sa collecte de données a reposé sur des sources multiples de très grande qualité et ses décisions de codage ont été discutées dans un codebook59.

59 Nous n’avons cependant pas pu avoir accès à ce codebook malgré les nombreuses demandes effectuées auprès de

Bleek (2010) adopte la classification en quatre catégories de nucléarisation de Singh et Way (2004). Il suit l’approche des deux auteurs concernant le codage de « l’exploration » (« explicit political authorization to explore a nuclear weapons option or formal linking of atomic research to defense agencies ») même s’il code de nombreux cas différemment. S’il fait remarquer que cette variable est certainement la plus compliquée à coder60, ce qui a peut-être justifié le choix de Jo et Gartzke (2007) de ne pas l’inclure dans leur échelle de nucléarisation des États, il attire néanmoins l’attention sur son utilité; de nombreux États s’étant modestement intéressés à l’arme nucléaire en l’explorant sans toutefois poursuivre sa quête. La « poursuite » est codée d’après les définitions de Singh et Way (2004) et Jo et Gartzke (2007) jugées similaires : la preuve que les chefs d’États ont autorisé la poursuite d’un programme nucléaire avec pour objectif l’acquisition de l’arme nucléaire. Puisqu’une telle information n’est pas toujours disponible, l’auteur a aussi considéré des preuves circonstancielles. « L’acquisition » a lieu l’année où les États ont accès pour la première fois à des dispositifs nucléaires explosifs; ce qui se matérialise généralement par un test nucléaire même s’il faut noter, par exemple, que l’Inde a effectué son premier test nucléaire sans avoir acquis les armes nucléaires, et que l’Afrique du Sud, Israël et le Pakistan ont acquis les armes nucléaires sans avoir effectué de test, ou avant d’en effectuer61. Au final, Bleek (2010) a identifié 29 États ayant exploré l’option nucléaire depuis 1945. Parmi ces États, 16 ont poursuivi des programmes nucléaires et 10 ont finalement acquis des armes nucléaires.

Comme tout exercice de codage, celui de Bleek comporte aussi des limites. Celles-ci devraient cependant être replacées dans le cadre plus général des limites inhérentes au codage des données destinées à des analyses quantitatives. Comme le note l’auteur, il est important pour le chercheur de comprendre que ce type de codage ne peut tout révéler, même s’il permet déjà de saisir une grande part du comportement proliférant des États, ne serait-ce qu’à cause des trop nombreuses possibilités d’activités secrètes comme démontré par Levite (2002/2003) et repris par Müller et Schmidt (2010) dans leurs critiques des décisions de codage de Jo et Gartzke et de Singh et Way (2004).

60 Les propos de l’auteur: « Exploration is both the least clearly defined and hardest to ascertain category of proliferation

behavior » (Bleek, 2010 : 168).

61 Néanmoins, certaines sources font état d’un test nucléaire secret conjoint conduit par Israël et l’Afrique du Sud en

53 Tableau 3.3. Programmes nucléaires militaires, 1945-2000 (Bleek, 2010).

États Exploration Poursuite Acquisition

États-Unis Russie Royaume-Uni France Chine Israël Afrique du Sud Pakistan Inde Corée du Nord Yougoslavie Brésil Corée du Sud Libye Iran Irak Allemagne 1939- 1942- 1940- 1945- 1956- 1949- 1969-1991 1972- 1948- 1962- 1949-1962, 1974-1987 1966-1990 1970-1975 1970-2003 1974-1979, 1984- 1976-1991 1939-1945 1942- 1943- 1941- 1954- 1956- 1955- 1974-1991 1972- 1964-1966,1972-1975, 1980- 1980- 1953-1962, 1982-1987 1975-1990 1970-1975 1970-2003 1989- 1976-1991 1945- 1949- 1952- 1960- 1964- 1967 1979-1991 1987- 1987- 2006-

Allemagne (Ouest) Japon Suède Suisse Norvège Égypte Italie Australie Indonésie Taiwan Argentine62 Roumanie Algérie 1957-1958 1941-1945, 1967-1970 1945-1970 1945-1969 1947-1962 1955-1980 1955-1958 1956-1973 1964-1967 1967-1976, 1987-1988 1978-1990 1978-1989 1983-1991

Puisque que les « activités nucléaires militaires » de Müller et Schmidt (2010) englobent « l’exploration, la poursuite et l’acquisition des armes nucléaires » de Bleek (2010), on remarque qu’il y a une différence de 8 cas de programmes nucléaires entre les deux bases de données, tous ces cas se retrouvant dans la liste de Müller et Schmidt (2010). Ce sont : la Biélorussie, le Canada, le Chili, l’Espagne, le Kazakhstan, le Nigéria, l’Ukraine et la Syrie (tableau 3.4). Si Müller et Schmidt (2010) n’ont pas spécifié les critères qui leur ont permis de constituer leurs univers empirique, ils ont cependant révélé les sources sur lesquelles ils se basés, notamment en ce qui concerne les cas

62 Pour Hymans (2001 : 153-185; 2012 : 3), par exemple, l’Argentine n’a jamais eu de projet nucléaire à vocation militaire.

Pour Hymans (2012 : 4), le test nucléaire de la Corée du Nord de 2006 n’avait pas réussi. C’est, au contraire, celui de 2009 qui la fait rentrer dans le club nucléaire.

55 manquants chez Singh et Way (2004) et Jo et Gartzke (2007). S’ils n’ont fourni aucune explication sur la prise en compte des activités nucléaires de la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Ukraine, il semble qu’ils se soient fondés sur le fait que ces pays ont hérité des arsenaux nucléaires de l’ex-URSS après la dislocation de celle-ci. Or, ces pays ne peuvent en aucune manière être considérés comme des proliférateurs parce qu’ils n’ont jamais eu à prendre de décision sur l’initiation d’un quelconque programme nucléaire. Les cas du Chili et du Nigéria sont certainement les plus problématiques. Les activités nucléaires du Chili n’ont jamais été documentées par aucune étude sérieuse63 et celles du Nigéria ont seulement été discutées dans un manuscrit non publié64. Le cas de la Syrie est de plus en plus documenté mais il demeure encore une énigme pour beaucoup de chercheurs65.

Les activités nucléaires suspectes de la Syrie

Des informations sur un probable programme nucléaire clandestin syrien ont commencé par émerger après que les forces aériennes israéliennes aient lancé, le 6 septembre 2007, une attaque sur une installation située dans l’est du pays, sur les rives de l’Euphrate, et qui sera plus tard identifiée comme le site de Dair Alzour (Dair al Zour ou Dar az Zwar, ou même al-Kibar du nom d’une localité voisine). Le 24 avril 2008, les services de renseignement américains révèlent66 que l’installation détruite était un réacteur nucléaire construit avec l’assistance de la Corée du Nord dès 2001 même si la coopération nucléaire entre les deux pays a probablement débuté en 1997. Le réacteur syrien de Dair Alzour qui était sur le point d’être opérationnel, lorsqu’il a été détruit, était du même modèle que le réacteur nord-coréen de Yongbyon qui produit le plutonium destiné au programme nucléaire de ce pays. Selon les informations divulguées par la Central Intelligence Agency (CIA), ledit réacteur n’était pas configuré pour produire de l’électricité et était mal adapté aux activités classiques de recherches en matière d’énergie nucléaire; ce qui laisse penser qu’il a apparemment été construit pour produire

63 Les auteurs se basent ainsi sur des preuves circonstancielles pour inclure ce cas dans leur liste. Ils font remarquer que

le Chili était sous l’emprise d’une dictature et était impliqué dans un long conflit territorial avec l’Argentine qui a failli dégénérer en guerre à la fin des années 1970. De plus, le pays disposait d’un véritable programme de recherche nucléaire (Müller & Schmidt, 2010 : 134).

64 Il s’agit de Adibe, Clement Eme. 1997. Nigeria: The Domestic Basis of a Proactive Non-Nuclear Policy, Paper prepared

for presentation at the workshop on The Domestic Roots of Proactivist Non-Nuclear Policy: A New Approach to Non- Proliferation, held at the Rockefeller Study and Converence Center, Bellagio, Italy 29 Sept-3 Oct., 1997.

65 En se basant sur Spector et Berman (2010 : 100-130), Hymans (2012 : 4-5) par exemple, l’inclus dans sa liste des

pays ayant eu des projets nucléaires militaires.

66 Voir notamment Office of Director of National Intelligence, « Background Briefing with Senior U.S. Officials on Syria’s Covert Nuclear Reactor and North Korea’s Involvement », 24 avril 2008, http://dni.gov/interviews/20080424_interview.pdf et la présentation vidéo, en deux parties, de la CIA sur le site de partage de vidéos, YouTube : partie 1:

http://www.youtube.com/watch?v=4ah6RmcewUM; partie 2:

du plutonium nécessaire à la fabrication d’armes nucléaires. De plus, la Syrie a consenti des efforts significatifs pour empêcher la découverte de l’installation. Après le raid aérien israélien, elle a rasé les ruines et retourné la terre sur plusieurs mètres de profondeur. Le 10 octobre 2007, elle a détruit les vestiges de l’installation par le biais d’une démolition contrôlée (Shire, 2010: 280-281; Spector & Berman, 2010: 100-101).

Malgré tout, il semble que la CIA n’ait trouvé ni d’usine destinée à la fabrication de l’uranium