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Chapitre 3 : Le design de recherche

2. Les définitions opérationnelles des variables

2.1. La variable dépendante (le résultat) et sa mesure

Dans cette recherche, la variable dépendante ou le résultat, pour rester fidèle au langage utilisé en analyse booléenne, est le passage de récipiendaire à fournisseur de matières et technologies nucléaires militaires. Avant d’expliciter sa mesure, il est important de définir les différents termes qui la composent :

113 Le process-tracing est une technique méthodologique particulièrement intéressante pour tester une théorie comme le

notent George et Bennett (2005 : 207): « Process-tracing is an indispensable tool for theory testing and theory development not only because it generates numerous observations within a case, but because these observations must be linked in particular ways to constitute an explanation of the case ».

83 Matières et technologies nucléaires militaires: Ce sont l’ensemble des matières et technologies permettant à un État récipiendaire de mettre en place un programme nucléaire militaire destiné à fabriquer des armes nucléaires telles que listées par le Groupe des fournisseurs nucléaires (Guidelines for Nuclear Transfers, INFCIRC/254, Part 1)114. De ce fait, celles entrant dans le cadre de la mise en œuvre d’un programme nucléaire civil en sont exclues même s’il faut le remarquer, dans ce domaine, la plupart des biens sont à double usage. De manière opérationnelle, dans le cadre de cette recherche, six types de transferts ont été pris en compte:

 Les matières fissiles: ce sont l’uranium 235 hautement enrichi (plus de 20%) et le plutonium 239;

 Les installations nucléaires: ce sont les installations nécessaires à la production des matières fissiles (installations d’enrichissement de l’uranium, usines de retraitement du plutonium);

Les plans de têtes nucléaires: ce sont des schémas montrant comment fabriquer les armes.  L’assistance technique : elle englobe la formation scientifique des ingénieurs et des

métallurgistes, le savoir-faire, les données techniques, les diagrammes, les modèles, les formules…

La sureté et la sécurité des arsenaux nucléaires: il s’agit ici de tous les échanges qui permettent de sécuriser et de rendre plus fiable les arsenaux nucléaires.

 Les technologies missiles: ce sont l’ensemble des composants permettant de fabriquer des missiles balistiques. Cependant, il faut noter que leur prise en compte n’a pas été automatique. En fait, c’est lorsqu’il y a eu un doute sur le caractère militaire des matières et technologies nucléaires incluses dans des transactions (biens à double-usage) qu’on a regardé si ces dernières se sont effectuées en même temps qu’un, ont précédé ou succédé

114 Le document évoqué est disponible en ligne: http://www.nuclearsuppliersgroup.org/Leng/02-guide.htm.Guidelines for

Nuclear Transfers (INFCIRC/254, Part 1) Voici sa description: «The first set of NSG Guidelines governs the export of items that are especially designed or prepared for nuclear use. These include: (i) nuclear material; (ii) nuclear reactors and equipment therefor; (iii) non-nuclear material for reactors; (iv) plant and equipment for the reprocessing, enrichment and conversion of nuclear material and for fuel fabrication and heavy water production; and (v) technology associated with each of the above items ».

un échange de technologies missiles115. Cette démarche repose sur une idée simple: l’arme nucléaire est avant tout un système d’armes. La tête nucléaire n’est d’aucune utilité sans un moyen d’emport notamment les missiles balistiques et vice-versa.

Récipiendaire de matières et technologies nucléaires militaires: Tout État non nucléaire qui, dans le cadre d’un programme nucléaire militaire, reçoit de la part d’un autre État, des matières et technologies nucléaires.

Fournisseur de matières et technologies nucléaires militaires: Tout État qui fournit à un autre État ne disposant pas d’armes nucléaires, des matières et technologies nucléaires militaires.

La variable dépendante COOPNUC est dichotomique. Elle mesure si un État Y ayant reçu des matières et technologies nucléaires militaires d’un autre État X en fournit à son tour à un État Z. Cependant, coder le passage de récipiendaire à fournisseur dichotomiquement peut être difficile compte tenu du fait que cette transition peut être soit « réelle » donc matérialisable soit « virtuelle », donc non-matérialisable. La transition est réelle si une transaction quelconque a été finalisée entre le nouveau fournisseur et le nouveau récipiendaire. La transition est virtuelle lorsque le nouveau fournisseur a accepté de s’engager dans une transaction mais que cette dernière n’a finalement pas eu lieu pour quelque raison que soit116. L’argument qui sous-tend cette idée est qu’il y a eu passage de récipiendaire à fournisseur dès lors qu’il y a eu volonté et intention manifeste de se lancer dans une transaction donnée indépendamment du résultat final. Cependant, dans cette recherche, nous avons décidé de prendre uniquement en compte les cas de transition « réelle ». Celles-ci sont codées 1. Les cas de transition « virtuelle » aussi bien que les cas de non-transition sont codés 0117.

115 Ce qui fait que la coopération nucléaire entre Israël et l’Afrique du Sud peut être prise en compte dans la constitution

de l’univers empirique puisque celle-ci a reposé sur les transferts de tritium et de technologies missiles. En effet, le tritium est une matière thermonucléaire. Il peut donc être utilisé dans les têtes à fission dopée et les têtes thermonucléaires. Or, Kroenig (2009a; 2010) n’en tient pas compte arguant que: « Although tritium can be used to transform a basic fission weapon into a higher-yield, “boosted” nuclear weapon, it cannot help a nonnuclear weapon state cross the nuclear threshold » (Kroenig, 2009a : 129). De plus, les missiles qui ont supposément été échangés entre Israël et l’Afrique du Sud sont des missiles capables de porter des charges nucléaires : le système d’armes Jericho (Liberman, 2004). Nous y reviendrons dans le chapitre 4.

116 Par exemple, le Pakistan aurait proposé, en 1990, de fournir à l’Irak et à la Syrie, de la technologie de l’enrichissement

de l’uranium mais les transferts n’ont jamais eu lieu (Montgomery, 2005 : 173).

117 De plus, nous considérons les cas de coopération nucléaire extensive qui s’inscrivent dans la durée plutôt que des

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2.2. Les variables explicatives (les conditions) et leurs