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Chapitre 4 : Le test booléen du modèle théorique

3. L’interprétation des résultats

3.1. L’interprétation des formules avec un résultat [1]

Dans les quatre modèles, les formules avec un résultat [1] (sans inclusion de cas logiques) sont identiques de telle sorte qu’on peut dégager une formule [1] générale :

Formule [1] : IDEOL {1} * RIVAL {1} * ECODEVA {0}154 → COOPNUC {1}

Cette formule [1] se lit comme suit : il y a coopération nucléaire entre deux États (COOPNUC {1}) lorsque ceux-ci partagent une idéologie commune (IDEOL {1}) ET un rival commun (RIVAL {1}) ET que le niveau de développement économique de l’État fournisseur est faible (ECODEVA {0}).

Avec l’inclusion des cas logiques dans les quatre modèles, le logiciel d’analyse produit des formules plus parcimonieuses. Les formules 4.2.A [1] et 4.3.B [1] sont identiques. Elles indiquent qu’il y a coopération nucléaire entre deux États (COOPNUC {1}) lorsque ceux-ci partagent une idéologie commune (IDEOL {1}) ET ont un rival commun (RIVAL {1}). Les formules 4.2.B [1] et 4.3.B [1] sont également identiques. Par contre, elles indiquent qu’il y a coopération nucléaire entre deux États (COOPNUC {1}) SOIT lorsque ceux-ci partagent une idéologie commune (IDEOL {1}) ET un rival commun (RIVAL {1}) SOIT lorsqu’ils partagent un rival commun (RIVAL {1}) ET que le niveau de développement économique de l’État fournisseur est faible (ECODEVB {0}).

Ces résultats indiquent que l’adhésion ou non, d’un ou des deux États, au TNP n’a aucune incidence sur leur coopération nucléaire. En fait, en se basant sur les quatre tables de vérité, on constate que,

pour produire la formule [1], le logiciel d’analyse a minimisé la formule suivante : IDEOL {1} * ADHTNP {0} * RIVAL {1} * ECODEVA {0} + IDEOL {1} * ADHTNP {1} * RIVAL {1} * ECODEVA {0} → COOPNUC {1}. La présence ou l’absence de la condition ADHTNP n’affectant pas le résultat final (COOPNUC {1}), cette dernière a été simplement ignorée, selon le principe de la logique booléenne. Dans les deux cas de coopération nucléaire qui illustrent ces deux formules, ces conditions sont remplies comme l’illustrent les données empiriques. Dans le cas de la dyade Chine-Pakistan, la variable IDEOL affiche une valeur de 0.97 sur la période 1971155-1987 pour un index d’affinité de 0.94. Ainsi, pendant la période de coopération possible, soit la période pendant laquelle le Pakistan poursuivait un programme nucléaire à vocation militaire (1972-1987), les deux pays ont voté dans le même sens, à l’AGNU, à 97%. Sur toute la période 1971-2010, la variable affiche une valeur de 0.98 pour un index d’affinité de 0.97. Dans le cas de la dyade Pakistan-Iran, la variable IDEOL affiche une valeur de 0.97 sur toute la période 1947-2010, soit de la création de l’État pakistanais jusqu’à la fin de la période d’étude, pour un score d’affinité de 0.94. En ce qui concerne la période 1947-1986, soit celle ayant précédé leur première transaction nucléaire, ce chiffre est de 0.95 pour un score de 0.91. Tout au long de la période de coopération (1987-2010), la valeur de la variable est de 0.98 pour un index d’affinité de 0.97. Tous ces chiffres sont très largement supérieurs au seuil de dichotomisation retenu (0.81) et très proche de la valeur maximale de la variable (1). Ce qui montre que les États impliqués dans chacune de ces deux dyades partagent très fortement une idéologie commune. Au cours de leur histoire récente, la Chine et le Pakistan ont eu un véritable rival commun qui est l’Inde. La rivalité Chine-Inde a commencé en 1948 et était toujours en cours en 2010. La rivalité Pakistan-Inde a commencé en 1947 et était également toujours en cours en 2010. Le Pakistan et l’Iran ont un véritable rival commun qui est l’Afghanistan. Ce pays entretient une rivalité avec le Pakistan depuis 1946 et avec l’Iran depuis 1996. Cependant, comme nous allons le démontrer dans le chapitre 5, le Pakistan n’a pas assisté l’Iran dans le but de contenir une quelconque menace afghane. Plutôt, la volonté d’imposer des coûts stratégiques aux États-Unis a, en partie, justifié la coopération nucléaire entre les deux pays.

Enfin, au moment où ils décident de se lancer dans le commerce des matières et technologies nucléaires militaires, en tant que fournisseurs, ni la Chine ni le Pakistan n’étaient des économies

127 développées. D’ailleurs, en 2010, ils figuraient encore dans les catégories « économies à revenu moyen » (Chine) et « économies à faible revenu » (Pakistan) de la Banque mondiale (WDR, 2010) et « pays en développement » du FMI (WEO, 2010). Par contre, si l’IDH du Pakistan reste toujours bas (1980-2010), celui de la Chine est passé de bas (1980-1995) à moyen (1995-2010). De là à déduire directement que ces deux pays se sont lancés dans l’exportation de biens et technologies nucléaires militaires parce qu’ils étaient tous les deux des pays en développement, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Ce que révèle, avant tout, le résultat de l’analyse booléenne, c’est un portrait. Même l’analyse de la croissance économique des pays fournisseurs ne permet véritablement ni de confirmer ni d’infirmer la proposition selon laquelle ils se seraient engagés dans un commerce nucléaire avec les pays récipiendaires pour gagner des liquidités.

Prenons le cas de la Chine. En 1972-1976, soit du début du programme nucléaire pakistanais à la conclusion d’un accord de coopération nucléaire secret avec les Chinois, la croissance économique moyenne de la Chine était de 4.22%. Ce qui est relativement faible par rapport à la celle de 1982- 1989, soit du début de l’ère de modernisation de l’économie chinoise, après la consolidation du pouvoir par Deng Xiaoping, jusqu’à la date de poursuite du programme nucléaire iranien, qui était de 10.5%. On peut donc penser que la faible croissance économique de la première période a justifié, en partie, l’offre d’une assistance nucléaire au Pakistan; et partant de là, douter que l’offre de l’assistance nucléaire à l’Iran ait reposé sur des considérations économiques156. Mais c’est ignorer que l’Iran avait quelque chose à offrir à la Chine en échange de son aide et que même la fulgurante croissance à deux chiffres de l’économie de cette dernière ne pouvait garantir, en l’occurrence la sécurité des approvisionnements en hydrocarbures. Nous y reviendrons dans le chapitre 5 consacré aux études de cas. Preuve que l’adhésion ou non, d’un ou des deux États, au TNP n’a aucune conséquence sur la coopération nucléaire, ni la Chine ni le Pakistan n’était membre du traité lorsqu’ils commencent leur coopération nucléaire dans les années 1980 alors que l’Iran l’était lorsqu’elle a commencé par bénéficier de l’assistance nucléaire des deux pays dès le milieu de cette même décennie.

156 Toutes les données sur la croissance économique utilisées dans ce chapitre 4 et dans le chapitre 5 proviennent de la

base de données de la Banque mondiale sur les indicateurs économiques de développement accessible à cette adresse : www.data.worldbank.org