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Profil cognitif des patients atteints de maladie de Huntington (MH)

THÉORIE DE L'ESPRIT ET MALADIE DE HUNTINGTON

THEORY OF MIND IN SUBCORTICAL DISEASE : A STUDY WITH HUNTINGTON POPULATION

1. INTRODUCTION À LA PROBLÉMATIQUE DU PATIENT ATTEINT DE MALADIE DE HUNTINGTON

1.1. Profil cognitif des patients atteints de maladie de Huntington (MH)

Les évaluations cognitives des patients MH objectivent généralement une atteinte des fonctions frontales et du fonctionnement mnésique.

Ho et al. (2003) ont réalisé une étude longitudinale auprès d’une cohorte de 61 patients atteints de MH et ont ainsi observé une atteinte progressive des capacités attentionnelles, des fonctions exécutives et de la mémoire à court terme. Par contre, ils ont montré que les capacités cognitives plus générales, la mémoire sémantique et le rappel mnésique différé restaient globalement mieux préservés. Les auteurs ont ainsi conclu que le profil cognitif des patients dont la maladie est moyennement avancée correspondait davantage à une perturbation sélective et progressive des fonctions attentionnelles et exécutives en lien avec l’atteinte fronto-striatale à ce stade de la maladie.

L’atteinte des fonctions exécutives est observée précocement dans l’évolution de la MH (Lawrence et Sahakian, 1996; Lawrence et al., 1998; Watkins et al., 2000). Il a été démontré de manière précise que les performances des malades étaient diminuées au Wisconsin Card Sorting Test (Josiassen et al., 1983; Jason et al., 1997), au test de Stroop (Swerdlow et al., 1995; Snowden et al., 2001; 2002), aux tâches de fluence verbale (Rosser et Hodges, 1994; Jason et al., 1997), au Test de la Tour de Hanoï (Saint-Cyr et al., 1988) ou encore de la Tour de Londres (Lawrence et al., 1996) ainsi qu’au Trail Making Test (Bachoud-Levy et al., 2001).

Dans une étude en double aveugle menée par Lawrence et al. (1998) auprès de patients porteurs de la mutation responsable de la maladie mais cliniquement asymptomatiques, il apparaît que les patients sont moins performants que les contrôles (ici, des sujets non porteurs de la mutation) au WCST. Une autre étude réalisée par Rozenberg et al. (1995) observe les mêmes résultats au Trail Making Test. Par contre, Blackmore et al. (1995) ne corroborent pas ces données et ce, sur les deux tâches.

Ainsi, comme le soulignent Allain et al. (2004), compte tenu des connexions anatomiques entre le striatum et le cortex préfrontal (Alexander et al., 1986), les troubles exécutifs observés dans la maladie de Huntington sont classiquement associés à un dysfonctionnement du système fronto- striatal (Lawrence et Sahakian, 1996; Watkins et al., 2000). Cette atteinte fronto-striatale s’associe par conséquent à un dysfonctionnement frontal, qui peut engendrer des perturbations comportementales.

1.2. Profil comportemental : Symptômes neuropsychiatriques et réseaux neuro-

anatomiques dans la MH

Dans la maladie de Huntington dont les atteintes sont principalement sous-corticales, on observe fréquemment une altération sévère des relations interpersonnelles. Ces patients sont décrits comme égocentriques, peu empathiques associant une certaine rigidité mentale et parfois des idées fixes. Mais, les études ont surtout focalisé sur les aspects cognitifs et moteurs de la maladie. Les perturbations comportementales sont pourtant des facteurs influençant de manière significative le stress et les décisions de placement. On sait que les premières atteintes cérébrales précèdent le diagnostic clinique et que les manifestations comportementales peuvent survenir jusqu’à dix ans avant le début des premiers signes d’atteintes motrices.

De récentes revues de littérature (Vonsattel et Difiglia, 1998; Middleton et Strick, 2000) ont montré que parce que les premières atteintes concernent certaines parties du striatum, les premières manifestations de cette maladie sont essentiellement comportementales et cognitives plus que motrices. Déjà, DiMaio et al. (1993) avaient montré que les patients atteints de MH manifestent fréquemment des comportements de dépression, d’apathie, d’agressivité et de désinhibition ainsi que des taux de suicide jusqu’à quatre fois supérieurs à la population générale. Dans leur travail, Paulsen et al. (2001) ont montré que 98% des patients MH manifestent au moins un symptôme psychiatrique dès les premiers mois de la maladie. Cette incidence est plus importante que pour d’autres pathologies telles que les démences ou même les atteintes des ganglions de la base. Certaines explications s’appuyant sur les corrélats neuro-anatomiques et les symptômes psychiatriques apportent un éclairage dans l’explication des manifestations psychiatriques des patients MH.

Le circuit orbito-frontal projette du cortex orbito-frontal latéral et antérieur via le noyau caudé ventromédial jusqu’au noyau ventral antérieur et médial dorsal du thalamus. Ce circuit a été associé à des désordres incluant la dépression et les comportements obsessionnels compulsifs. Dans la plupart des recherches cliniques, la survenue des affects dépressifs serait simultanée ou suivrait de peu le début des manifestations motrices dans la MH. Cela suggérerait que la dépression dans la MH serait due surtout au processus de la maladie. Toutefois, dans ces études, la plupart des patients recevait des antidépresseurs ce qui suggère que le taux de dépression est probablement plus important que celui rapporté dans la littérature.

Le circuit préfrontal médian projette des aires corticales paralimbiques (cortex orbitofrontal médian postérieur et cortex cingulaire antérieur) via le noyau accumbens jusqu’au noyau médial dorsal au sein du thalamus et joue un rôle dans l’inhibition. Ainsi, un dysfonctionnement du circuit médial favorise l’apathie et il a été montré que cela se majore avec la durée de la maladie. L’apathie est l’anomalie comportementale la plus importante chez les patients atteints de MH. Hamilton et al. (2003b) ont montré que l’apathie ne doit pas être considérée comme une conséquence de la dépression car les différentes analyses réalisées dans leur travail ne retrouvent pas de lien entre le score de dépression de l’échelle de BECK et l’échelle FLOPS pour la sous-échelle « apathie ». Il s’agit probablement davantage d’une conséquence de l’atteinte frontostriatale survenant lors de cette maladie. Cette atteinte frontostriatale favorise une réduction précoce de la conduite des actions (initiation) et de la motivation, ce qui se manifeste sous forme d’apathie.

Ces données sont cohérentes avec le processus dégénératif progressant des aspects médians vers les aspects latéraux et dorsolatéraux puis vers les aspects ventraux. Cette progression peut avoir un impact sur les circuits orbitaires et dorsolatéraux avant le circuit cingulaire.

Le travail de Paulsen et al. (2001) met en évidence un nombre de symptômes neuropsychiatriques élevés chez les patients MH et montre ainsi que les outils d’évaluation classiquement utilisés pour apprécier ces aspects sont inadaptés et risquent donc de sous-évaluer la symptomatologie qui est bien particulière dans cette maladie. Des études récentes ont également montré que les symptômes psychiatriques pouvaient être les 1ères manifestations de la maladie chez plus de 79% des patients.

Comme le rappellent Hamilton et al. (2003b), l’atteinte motrice et l’atteinte cognitive ne contribuent que partiellement à expliquer la variance dans le déclin des activités de vie quotidienne et que d’autres facteurs devraient être appréhendés tels que les atteintes comportementales. La profonde apathie, la manque d’initiative et l’irritabilité manifestes chez ces patients interfèrent probablement dans leur capacité à réaliser certaines activités de vie quotidienne même si cela dépend aussi des compétences motrices et cognitives. Une fois ces variables cognitives et motrices contrôlées, Hamilton et al. (2003b) ont observé que les perturbations comportementales jouaient un rôle significatif et péjoratif dans la MH et qu’elles pouvaient même infléchir leurs capacités motrices et cognitives résiduelles au moins dans les premiers temps de la maladie.