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Le cortex préfrontal médian et le cortex paracingulaire antérieur (CPCA)

CORRÉLATS NEURO-ANATOMIQUES DE LA THÉORIE DE L’ESPRIT ET DE L’EMPATHIE

1. THÉORIE DE L’ESPRIT ET CORRÉLATS NEURO-ANATOMIQUES

1.1.1. Le cortex préfrontal médian et le cortex paracingulaire antérieur (CPCA)

Probablement à la base du mécanisme permettant de distinguer les représentations d’états mentaux de celles d’objets physiques, l’aire cérébrale la plus souvent activée lors des études d’IRMf pour la TDE serait le cortex paracingulaire antérieur (CPCA) correspondant aux aires 9 et 32 de Brodmann. Cette zone cérébrale CPCA appartient à la région préfrontale médiale et se situe dans la partie la plus antérieure du cortex cingulaire antérieur (CCA) correspondant aux aires 24, 25 et 33 de Brodmann, régions proches du cortex limbique. Le CPCA est précisément situé au carrefour du genou du corps calleux et du CCA et est ainsi décrit comme une aire de transition « cingulo-frontale », donc distincte sur le plan anatomique et fonctionnel du CCA.

Il existe plusieurs études de neuro-imagerie utilisant différentes tâches verbales et non verbales et ayant mis en évidence l’implication du cortex préfrontal médian dans la TDE chez le sujet sain.

Les premiers travaux utilisant le TEP-scan et l’IRMf ont évalué l’activité cérébrale de sujets sains à qui on lit une histoire faisant intervenir la TDE. Il s’agit des travaux de Fletcher et al. (1995), Gallagher et al. (2000), Vogeley et al. (2001) ou encore Ferstl et von Cramon (2002). Dans ces différentes études, la principale région activée est le cortex préfrontal médian et surtout la région du cortex paracingulaire antérieur.

D’autres travaux évaluant la TDE sous format visuel (présentation d’histoires sous forme de bandes dessinées par exemple) retrouvent une implication très précise du cortex préfrontal médian.

Goel et al. (1995) ont observé une augmentation de l’activation temporale gauche et du lobe frontal médial gauche chez le sujet sain lors d’une tâche d’inférence d’état mental.

Gallagher et al. (2000) ont montré chez le sujet sain une suractivation au niveau du gyrus préfrontal médian gauche et du cortex cingulaire postérieur en tâche de TDE comparativement à une tâche ne portant pas sur un état mental mais davantage sur des inférences générales.

Dans un travail utilisant la TEP à partir d’une version informatisée de la tâche d’attribution d’intention de Sarfati et al. (1997a), Brunet et al. (2000) ont montré chez le sujet sain une activation de plusieurs régions dont le cortex préfrontal médian droit par rapport à une condition contrôle dans ce protocole.

Une autre étude utilisant la TEP et réalisée par la même équipe (Brunet et al., 2001) a comparé des sujets sains à des patients schizophrènes et a confirmé les résultats montrant l’absence d’activation de la région préfrontale droite chez les patients schizophrènes comparativement aux sujets contrôles.

D’autres études ayant utilisé un support visuel développé par Baron-Cohen et al. (1997) ont confirmé cette activation préférentielle du cerveau chez le sujet sain (Baron-Cohen et al., 1999) et en contre partie une sous-activation chez les patients autistes et avec syndrome d’Asperger (Baron- Cohen et al., 1997; Baron-Cohen et al., 1999). Russel et al. (2000) ont montré une absence d’activation cérébrale dans le cortex préfrontal en tâche de TDE chez les patients schizophrènes. Ici encore, la sous-activation principalement décrite se situe au niveau du cortex préfrontal médian (aires 8 et 9 de Brodmann) et au niveau du gyrus cingulaire antérieur.

Un travail plus récent de Brunet et al. (2003b) a corroboré l’ensemble de ces études, et montré, toujours à partir des techniques d’imagerie cérébrale, que l’attribution d’intention à autrui implique le gyrus frontal médian antérieur droit.

A partir de deux études d’IRMf (McCabe et al., 2001; Gallagher et al., 2002), Gallagher et Frith (2003) ont proposé que le CPCA soit la région du cortex préfrontal médian qui s’active spécifiquement pour la TDE. Cette zone est activée lorsqu’un sujet doit déterminer l’état mental d’un autre sujet (tel qu’une croyance) qui peut être différente de la réalité et lorsqu’il faut prendre en compte simultanément ces deux perspectives du monde.

Gallagher et al. (2002) ont pratiqué une expérience avec le support de l’IRMf en utilisant le jeu du « pierre, papier, ciseaux » au cours duquel deux joueurs choisissent un objet simultanément. Le caillou bat les ciseaux, les ciseaux battent le papier et le papier bat la pierre. On explique au sujet testé qu’il va jouer contre un ordinateur ou contre un adversaire. Dans la situation où les sujets jouent contre un adversaire, ils peuvent imaginer une stratégie de sa part. On retrouve alors une activation bilatérale du cortex paracingulaire antérieur (aire 32 et 9/32), ce qui confirme les résultats de McCabe et al. (2001) qui observaient à partir du même protocole une différence significative d’activation au niveau du cortex préfrontal médian. Ces résultats appuient l’idée que cette région cérébrale permet de séparer notre pensée de celle des autres, de reconnaître que quelqu’un a des croyances et des intentions différentes des nôtres (Vuadens, 2005).

Pour Gallagher et Frith (2003), le CPCA renvoie précisément aux mécanismes cognitifs sous-tendant la capacité à se représenter l’état mental et ce, indépendamment de la réalité. Leur travail a aussi permis de faire le point sur le rôle clé des autres régions cérébrales impliquées dans le « cerveau social » et de leur rôle dans le développement de cette compétence.

Plus récemment, Völlm et al. (2006) ont proposé un travail d’IRMf chez des sujets sains pour identifier les réseaux neuro-anatomiques sous-tendant la TDE et l’empathie à partir d’une tâche non verbale dérivée de la tâche de Sarfati et al. (1997a). Comme pour les travaux précédemment cités, ils retrouvent une activation du gyrus frontal médian et du cortex orbito-frontal

latéral pour la condition TDE, la condition « empathie » activant davantage le CPCA, le cortex cingulaire antérieur et postérieur et les amygdales.

Anatomiquement, la région préfrontale médiane est la partie la plus antérieure du cortex paracingulaire. Elle correspond à l’aire 32 de Brodmann. En se basant sur les études anatomiques et fonctionnelles, le cortex cingulaire antérieur est divisé en deux zones avec des activités différentes. La plus antérieure est surtout impliquée dans les processus de mentalisation et la seconde correspond à la partie du cortex cérébral où se trouve la zone activée par les émotions. Cette zone a des connexions directes avec le pôle temporal et le sillon temporal supérieur (Vuadens, 2005).