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1. RÉSULTATS DESCRIPTIFS DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES

1.4. Les professionnels de santé et le repérage des fragilités

1.4.1. Contexte de repérage

Les professionnels de santé décrivaient le repérage des fragilités comme un processus chronique qui se déroulait sur le long terme, sans forcément que le patient n’ait de plainte.

« la chronicité » P9

« je n'étais pas dans une dimension de plainte psychologique ou somatique » P4

Par ailleurs, ils décrivaient des difficultés de prise en charge des fragilités en situation aiguë, où souvent des problématiques aiguës révélaient ces fragilités.

« la décompensation a été assez brutale » P2

« on est passé directement de la non urgence à l'urgence » P2 1.4.2. Moyens de repérage

L’ensemble des professionnels affirmait ne pas s’aider d’outils pour le repérage des fragilités chez leurs patients âgés.

« je n’ai pas forcément d’outils techniques » P3

« on n'a pas d'outils » P9

Ils confirmaient ne pas réaliser de repérage formalisé avec des outils standardisés.

« On n’a pas d’échelle comme les doloplus (…) pas de tableaux » P10

« je ne fais pas de bilan écrit classifié avec des outils » P12

Cependant, deux infirmiers expliquaient qu’ils utilisaient une échelle de repérage lors de la création du bilan de soins infirmiers à domicile. Ce bilan était utilisé par la sécurité sociale et le médecin traitant pour faire le point sur la situation de la personne âgée à domicile.

« ces échelles là (…) on les fait quand on crée le bilan de soins infirmiers » P11

« La sécu. Le médecin » P11

« les AIS (…) on fait toute l’évaluation globale du patient » P10

Un kinésithérapeute confirmait posséder un logiciel avec des outils de repérage pour réaliser des bilans de kinésithérapie.

« j’ai un logiciel (…) sur des bilans kinés » P12

« (les outils) Je les ai, ce n’est pas un souci » P12

Un outil de type questionnaire était aussi décrit par la psychologue comme moyen de repérage au sein de l’EHPAD.

« questionnaire qu’on fait avec les soignants » P13

Ces outils étaient utilisés pour faire un point sur la situation de la personne âgée à un moment donné et repérer des difficultés mais n’étaient pas étiquetés « grilles de repérage des fragilités » en tant que telles.

En outre, certains professionnels mentionnaient avoir eu connaissance d’outils de repérage au cours de leur formation initiale ou continue.

« j'en ai entendu parler pendant l'internat » P2

« j’ai fait des formations bilans » P12

Les moyens de repérage décrits par les professionnels étaient principalement l’observation, l’expérience et la connaissance de la personne ainsi que son évolution par rapport à son état initial.

« mais on y va beaucoup à l’observation » P11

« Notre expérience déjà c’est bien » P9

« Le seul outil qu’on a c’est la connaissance de la personne » P9

« l’état initial où on l’a vu pour la première fois, la voir évoluer (…) commencer à connaître ses fragilités (…) puis essayer de l’évaluer. » P9

Certains professionnels de santé préconisaient une proximité et une relation de confiance avec le patient et sa famille pour permettre un bon repérage.

« au fil du temps, il y a une relation de confiance qui s’installe » P10

« ce sont des personnes qu’on connaît, on connaît la famille » P11

L’écoute du patient et le contact ont été aussi nommés comme moyen de repérage par les professionnels.

« J’essaye de me baser sur ce que la personne me confie » P3

« le contact. Il y a beaucoup de choses qui se passent avec les personnes âgées avec le toucher. » P3

Les professionnels, en particulier les infirmiers, décrivaient aussi comme moyen de repérage la communication interprofessionnelle avec l’importance de discuter des situations de fragilité entre professionnels et de comparer ainsi le repérage réalisé par plusieurs personnes à différents moments.

« la communication entre l’équipe qui fait que » P11

« la transmission d’information entre nous, entre collègues (…) pour comparer en fait » P9

1.4.3. Critères de repérage

Lors des différents entretiens réalisés, plusieurs critères de repérage de la fragilité ont été relevés.

1.4.3.1 L’entourage a été nommé par tous les professionnels

L’identification de l’aidant principal qui soutenait la personne âgée fragile était majeure dans ce repérage. Cet aidant était fréquemment le conjoint et était souvent le premier à alerter sur les modifications de comportement, d’humeur de la personne âgée fragile ou bien les incidents :

« l'épouse qui soutient tout le monde » P1

« En fait sa femme, elle a la maladie d’Alzheimer mais il arrivait à plus de 90 ans à parer » P11

« C’est sa femme (…) elle disait : oh bah ça ne va pas, faut faire quelque chose, il n’a plus le moral » P6

Mais son épuisement ou sa disparition était aussi considéré comme un critère de fragilité.

« ce qui était compliqué, c'était de gérer sa femme » P2

« elle avait perdu son mari un an avant » P12

L’entourage désignait aussi la présence d’enfants ou d’autres membres de la famille ; les difficultés familiales et l’apport d’un soutien financier ont également été mentionnés comme critère de fragilité.

« elle n’était pas seule chez elle, elle avait ses enfants » P8

« c’est une histoire de famille qui est compliquée » P4

« c’est à la famille de gérer, de financer » P11

Le fait que les professionnels de santé connaissaient la famille du patient était un facteur favorisant le repérage.

« Mais comme on connaît un peu la famille, ça nous permet de faire les liens ». P11

L’absence d’aidant et la solitude à domicile étaient aussi repérées ; ainsi que l’isolement affectif, l’absence de stimulation cognitive et la maltraitance.

« aucun enfant et pas d’aidant » P5 ; « isolement » P10

« peu d’aides finalement, d’accompagnement, d’avoir ne serait-ce qu’un atelier ou quelque chose » P13

« maltraitance » P11

Enfin, la présence d’un médecin traitant ou la présence d’un médecin au sein de la famille a été nommé comme un facteur favorisant le repérage des fragilités.

« je pense que le fait que je sois médecin » P7

« on a été sans médecin traitant pendant un temps » P12 1.4.3.2 Les critères médicaux

a) Les troubles cognitifs étaient assez facilement repérés par les professionnels de santé

Certains professionnels utilisaient des échelles de repérage de type MMS (Mini Mental State Examination), BREF (Batterie Rapide d’Efficience Frontale), test de l’horloge, test des cinq mots de Dubois pour repérer des troubles cognitifs chez leurs patients âgés :

« MMS, les 5 mots de Dubois, horloge, Dubois et mini GDS » P4

« évaluation des troubles cognitifs (…) MMS, BREF, horloge » P2

Les tests étaient davantage nommés par les médecins et davantage utilisés par la psychologue.

« Il y a aussi les psychologues qui font les MMS » P4

« va avoir un test mémoire avec la psychologue » P11

Le risque de fugue, favorisé par la présence de troubles cognitifs était aussi repéré par les professionnels de santé, plus particulièrement ceux présents au domicile.

« pas de risque de fugue » P1

b) Les troubles de l’humeur ont été énoncés comme critère de fragilité par la plupart des professionnels

« la dépression, le risque psychologique, l’humeur, la tristesse » P9

« j’avais des éléments pour penser que c’était un syndrome dépressif » P4 Ces troubles étaient reconnus et recherchés par la plupart des professionnels mais seuls deux d’entre eux évoquaient un repérage des troubles de l’humeur à l’aide d’un outil.

« l’échelle de Hamilton pour la dépression éventuellement » P7

« mini GDS » P4

Cependant, la psychologue mettait en avant le fait que la personne âgée n’allait pas spontanément consulter pour des troubles de l’humeur.

« elle venait un peu poussée par les enfants » P13

« c’est rare qu’ils viennent d’eux-mêmes parce que ce n’est pas du tout dans leurs habitudes. » P13

L’opposition du patient pour autant était un point d’alerte.

« refus d'aides à domicile, d'institutionnalisation » P5

« c’était super dur pour elle d’accepter la perte d’autonomie (…) et elle n’acceptait pas » P12

c) D’autres critères médicaux ont été nommés par plusieurs professionnels 1) Signes généraux

L’âge en lui-même était un point de fragilité repéré.

« toute la fragilité liée à l’âge » P10

L’hygiène personnelle et l’état physique en général étaient aussi repérés par les professionnels comme des fragilités.

« l'odeur » P11

« l’état physique général sans utiliser d’outil » P4

L’altération de l’état général a été décrite à plusieurs reprises avec la perte d’appétit et la perte de poids ; la perturbation du sommeil et la polymédication ont aussi été citées.

« Amaigrissement par exemple » P4 ; « appétit » P7

« sommeil » P7 ; « polymédication » P4

La plainte du patient a été également relevée comme un critère de repérage.

« je voyais qu'il était de plus en plus dans la plainte » P2

2) Les professionnels portaient attention aux signes cliniques somatiques

« les signes d’insuffisance cardiaque » P9

« au niveau physique somatique, ça dépend des pathologies » P9

« qui s’est déjà fait amputée (…) à surveiller ses membres inférieurs (…) plaie » P9

3) Des critères biologiques et d’imagerie ont été mentionnés.

« tu fais un bilan sanguin (…) albumine, la CRP, tout le reste, la vitamine B12, folates, ferritine, la TSH. » P4

« Imagerie » P2

d) Des critères relevant de l’autonomie du patient étaient présents 1) La motricité ainsi que le risque de chute ont été cités de nombreuses fois.

Les professionnels utilisaient des tests ou moyens de repérage spécifiques ciblant la motricité.

« la marche, se lever/s’asseoir plusieurs fois, faire le tour de la chaise, station unipodale » P8

« get up and go, comment il marche “ P4

« chutes à répétition » P12

Les kinésithérapeutes étaient davantage sensibilisés aux risques de chute avec des tests fonctionnels spécifiques.

« d’un point de vue kiné, ce qui va vraiment nous interpeller c’est forcément le risque de chute » P3

« Je vais me baser plus sur des tests fonctionnels » P8

« transferts, les passages assis-debout, allongé-debout, les

montées-Ils utilisaient des indicateurs standardisés pour repérer ces fragilités.

« Rétropulsion », « l’amplitude de flexion dorsale de cheville », « Le tinetti.

Et le test de base sur l’équilibre, pas spécifique personne âgée », « bilan morphostatique, l'attitude d'une personne » P3

2) Le degré de dépendance

Il était évalué par des grilles spécialisées type AGGIR (Autonomie, Gérontologie Groupe Iso Ressources) par exemple dans le cadre de la demande d’APA.

« grille GIR (…) évaluer le degré de dépendance » P7

« Les aides APA. Il y a des personnes qui vont à domicile et qui évaluent la dépendance des gens » P9

La vitesse de perte d’autonomie a également été repérée comme une fragilité chez les personnes âgées.

« je me rends compte qu’elle diminue et petit à petit elle a de plus en plus de mal à faire ci, à faire ça » P9

« et ça se dégrade à une vitesse pas possible » P13 L’autonomie était souvent liée à la présence d’une aide à domicile.

« on va parler de l’aide à domicile » P7

« Elle n’était plus capable de nettoyer tout ce qui était déjections (…) fauteuil roulant (…) grabataire » P11

« C’est plutôt de la détresse pas physique mais environnementale, sociale. » P11

L’aménagement du domicile selon le degré d’autonomie du patient faisait aussi partie intégrante du repérage.

« Pour voir si le domicile est adapté, comment on pourrait améliorer le domicile » P11

« si on détecte des situations à risque qui pourraient poser problème à la maison » P8

L’étude du domicile était davantage réalisée par les professionnels présents au domicile comme les infirmiers(ères) ou les kinésithérapeutes qui la décrivaient particulièrement pertinente.

« Pour moi, le domicile, c’est presque un bilan gériatrique plus complet je trouve » P12

« vous cernez aussi des choses sur l’histoire de la famille, du couple, la personne malade et la personne aidante, ce qui se vit, ce qui se joue pour la personne âgée. » P12

3) Les facteurs psychosociaux

Ils ont été mentionnés par plusieurs professionnels ainsi que l’aspect financier comportant le revenu du patient.

« il y a toute la sphère psychosociale qui entre en jeu » P3

« besoin financier qui gêne ; population rurale, les retraites sont pas énormes » P10

« il avait la chance d’avoir quelques moyens financiers donc on lui avait mis toute une équipe autour de lui » P7

1.4.4. Ressenti des professionnels sur le repérage

De façon globale, les professionnels de santé éprouvaient des difficultés dans le repérage des fragilités chez les personnes âgées. Les principales raisons citées étaient :

- Une lassitude éprouvée par les médecins :

« à chaque renouvellement, je voyais le même monsieur » P2

« pour moi c’était quelqu’un qui venait rechercher son ordonnance » P4 - Une maitrise difficile de la gériatrie en libéral :

« la consultation gériatrie (…) ça part un petit peu dans tous les sens puis on maitrise pas quoi » P6

- Une non-systématisation du repérage :

« ce n’est pas forcément quelque chose à laquelle je vais penser » P3

« Il aurait fallu que je repère le truc que je n’ai pas repéré » P4 - Que le repérage variait selon la profession exercée.

« c’est sûr qu’on ne prend pas en globalité (…) parce qu’on ne peut pas penser à tout » P9

« Nous on adapte à ce qui va nous servir » P8

- Que le repérage dépendait également du degré d’intéressement des professionnels :

« les personnes âgées sont peut être parfois un peu abandonnées » P3

« Ça m’intéresse beaucoup les personnes âgées, (…) » P7

Ce désintéressement pouvait être expliqué par la moindre proportion de personnes âgées dans la patientèle de certains professionnels.

« j’en ai peu dans ma patientèle de plus de 70 ans » P14

« Je n’ai pas une patientèle de personnes âgées si importante que ça » P5

- Que certains professionnels paramédicaux ne se sentaient pas à l’aise dans le repérage, à la fois parce qu’ils se sentaient seuls dans cette démarche mais aussi parce qu’ils avaient des doutes sur leur crédibilité dans le repérage.

« on est seul à domicile » P9

« Derrière nous il faut qu’on soit crédible au niveau des médecins » P9 - Que les professionnels se questionnaient également sur l’intérêt d’un repérage :

« Repérer les fragilités, on les devine » P6

« Repérer c’est bien mais quelquefois on risque d’être plus délétère » P4

« le dépistage n’a de sens que s’il a des conséquences pour la personne en morbi-mortalité » P4

Ils discutaient le fait que le repérage n’avait d’intérêt que s’il permettait de prolonger le maintien à domicile dans les meilleures conditions.

« un maintien à domicile plus longtemps. » P12

« L’espérance de vie c’est bien mais aussi de mieux le vivre à domicile » P13

Plus particulièrement, concernant le ressenti des professionnels sur l’utilisation d’un outil standardisé de repérage, certains ne voyaient pas l’intérêt d’une grille car les critères de fragilité étaient déjà repérés par la pratique courante et son remplissage était une perte de temps.

« Ça ce sont des questions qu’on se pose tout le temps, comment on peut s’améliorer » P11

« déjà avant oui. Ça nous fait juste un peu plus de paperasse » P11

« on préfère communiquer avec « allo » ou « un petit message » P11

Cependant, certains ont suggéré qu’une grille simple d’utilisation pourrait être utile comme outil de communication interprofessionnelle et permettrait d’évaluer les besoins de la personne âgée à un moment donné.

« Si la grille est facile à remplir ! » P5

« C’est toujours un outil de plus ensuite pour pouvoir discuter avec les autres professionnels » P8

« ça nous permettait de mettre en avant un besoin dans l’institution pour ensuite dire qu’on avait besoin d’un accompagnement spécifique. » P13

« Si on voit une personne âgée, puis on se dit qu’on va envoyer cette grille pour alerter le médecin (…) sachant que derrière il y a un hôpital de jour qui va faire plus, on y verra un intérêt » P12

Par conséquent, ce résultat soulignait surtout l’importance d’un outil favorisant le travail pluriprofessionnel.