• Aucun résultat trouvé

Le projet régional de santé des Pays de la Loire 2018-2022 est né dans le courant de cette politique. Le repérage des fragilités chez les personnes âgées par les professionnels de santé côtoyant au plus près ces personnes est un enjeu fort de cette politique régionale de prévention ; il permettrait d’identifier les personnes à risque susceptibles de bénéficier d’interventions préventives précoces à domicile leur évitant ainsi de basculer dans la perte d’indépendance non réversible.

Ces actions de prévention sont actuellement principalement portées par les caisses de retraite qui s’aident de la grille FRAGIRE pour dépister et évaluer (Annexe 10), et les mutuelles sous forme de programmes complets avec différents ateliers (alimentation, activité physique, adaptation de l’habitat). Les centres communaux ou intercommunaux d’action sociale (CCAS), dans le cadre ou non de contrats locaux de santé, organisent également des actions portant sur l’alimentation-nutrition et l’activité physique. Il en est de même pour les fédérations sportives qui développent des programmes d’activité physique pour les séniors (38).

L’enjeu est donc de multiplier ces actions de prévention pour pouvoir cibler l’ensemble des territoires en faisant intervenir des acteurs tels que les mairies, les CCAS, les centres locaux d’information et de coordination (CLIC), les maisons départementales de l’autonomie (MDA) et les associations d’aides à domicile (38).

Concernant le rôle des professionnels de santé libéraux (et plus particulièrement du médecin généraliste) dans le repérage des fragilités, les recommandations de la HAS ciblent spécifiquement ces professionnels et confirment la nécessité de les former à la démarche de repérage. En effet, tous côtoient au quotidien des personnes âgées et tous ont la possibilité de repérer des fragilités à tout moment.

L’état de la littérature actuelle sur le sujet montre des investigations qui pour le moment débutent au niveau régional. Des expérimentations sont actuellement conduites par les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (MAIA) dont les pilotes ont été mandatés par l’ARS afin de lancer des travaux d’expérimentation sur le repérage et l’évaluation des fragilités. Ces expérimentations manquent encore de recul et d’évaluation. Par exemple, sur le territoire des Pays de la Loire ont été mis en place des opérations cartes postales en Sarthe pour inciter les personnes âgées à contacter le CLIC, ainsi que des expérimentations de repérage et d’évaluation des patients fragiles en MSP en Vendée, Sarthe et Mayenne (38).

Ayant pu rencontrer Jeanne CASAL, pilote de la MAIA d’Angers et Anne GAZEAU, pilote de la MAIA sud 49, travaillant chacune dans un groupe de travail intitulé « repérage et évaluation des fragilités » et déployé sur leur territoire, une de leurs principales difficultés réside dans le choix d’un outil commun de repérage des fragilités en ambulatoire. Cette constatation se retrouve également au niveau national : en effet, la thèse de Lucie LEGRAND en 2015 a permis de montrer que seulement 22% des médecins interrogés et 5% des infirmiers(ères) interrogé(e)s avaient connaissance d’une grille de repérage des fragilités. Aucun

kinésithérapeute ou pharmacien n’en avait connaissance (39). De même, la thèse d’Anne Lise AVENEL de 2015 sur le repérage du sujet âgé fragile en médecine générale met en évidence une faible utilisation des tests et échelles d’évaluation dans la pratique courante. Cela est justifié par le manque de connaissances sur le sujet et sur les outils à disposition (34). Ces données nationales et régionales justifient donc de porter intérêt à la pratique des professionnels du territoire sud du Maine et Loire concernant le repérage des fragilités ainsi que l’utilisation d’outils spécifiques.

Dans ce but, plusieurs grilles ont été proposées et expérimentées sur les territoires de la MAIA Angers-Segré et Est Maine et Loire : la grille de repérage EGS 1 (Annexe 11), la grille du gérontopôle de Toulouse, et la grille SEGA 1 volet A (Annexe 12). Ces travaux devaient permettre l’élaboration d’un outil commun de sensibilisation à destination des professionnels de santé et des professionnels du parcours de la personne âgée.

De plus, ces groupes de travail des MAIA d’Angers et du sud 49 soulignent l’importance de la réalisation d’une évaluation gériatrique multidimensionnelle pluriprofessionnelle pour les personnes repérées comme fragiles. En effet, la littérature fait part des difficultés de réalisation d’une telle évaluation par les professionnels libéraux. Selon une enquête de l’URML de Bretagne sur l’évaluation gérontologique réalisée par le médecin traitant, les médecins généralistes exprimaient des difficultés dans la réalisation d’une évaluation gérontologique et en particulier dans l’évaluation des facteurs psychosociaux, des troubles cognitifs, de l’état nutritionnel et des facteurs environnementaux. 65,9% des répondants éprouvaient des difficultés à évaluer de façon globale le statut du patient (40). De même, dans la thèse de G. RAYMOND de 2008, les difficultés de réalisation d’une évaluation gérontologique standardisée en médecine générale étaient retrouvées, liées par exemple à la durée importante de cette évaluation qui était estimée à environ 1 heure et 30 minutes. Les autres difficultés mises en lumière étaient le manque de temps et le manque de formation à l’évaluation gérontologique (41).

Différentes structures proposent ce type d’évaluation au sein de la région : on peut citer les réseaux gérontologiques régionaux (par exemple la plateforme Pass’âge de l’agglomération d’Angers, le réseau gérontologique de l’agglomération de Saumur ou de Challans-Machecoul), ou les organisations centrées sur les MSP en lien avec les services de la MDA (par exemple le programme PAERPA personnes âgées en risque de perte d’autonomie) en Mayenne (38) (42) (43).

L’objectif secondaire du projet régional de santé 2018-2022 est aussi de répertorier l’ensemble des ressources et acteurs du territoire participant au repérage et à l’évaluation des fragilités ainsi que leur coordination sur le territoire.

Par conséquent, deux problématiques concrètes sont ressorties du groupe de travail

« repérage et évaluation des fragilités » de la MAIA sud 49, à savoir :

1) la difficulté de connaître les pratiques des professionnels de santé des MSP du territoire sud 49 concernant le repérage et l’évaluation des personnes âgées fragiles et

2) la difficulté de faire du lien entre ces professionnels et les autres acteurs du repérage et de l’évaluation des fragilités sur le territoire sud 49.

Ces deux constats justifient donc de cibler ce travail sur les professionnels de santé travaillant au sein des MSP du territoire sud 49 concernant la prise en charge de la fragilité.

L’étude des pratiques dans les MSP du territoire sud 49 se justifie également à plusieurs titres : 1) Le rapport d’évaluation des expérimentations menées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, promeut des nouveaux modes d'organisation des soins destinés à optimiser les parcours de soins des personnes âgées à risque de dépendance. Ce rapport met en lumière l’importance d’une organisation des professionnels de santé de soins primaires en équipes pluriprofessionnelles. Elle est « une condition de base pour faire émerger et avancer les projets ». La HAS en recommandant en 2013 le repérage de la fragilité en soins

ambulatoires confirme que l’existence d’une organisation structurée, avec une confiance entre les acteurs et une proximité géographique est une clé de leur réussite (44).

La HAS priorise ainsi les projets relatifs au parcours des personnes âgées à risque de dépendance : onze projets ont été sélectionnés pour mener une expérimentation visant à améliorer l’organisation et la coordination des parcours de santé des personnes âgées à risque de dépendance. Ces onze projets sont situés en régions Bretagne, Ile de France, Pays de la Loire, Lorraine, Limousin, PACA, Bourgogne et comprennent quatre réseaux de santé, quatre centres hospitaliers et trois pôles ou maisons de santé pluriprofessionnelles (Annexe 13). Dans notre région, deux pôles de santé ont bénéficié de ces expérimentations : le pôle Santé Sud Ouest Mayenne et le pôle Santé Pays Mayenne (Annexe 14).

Pour notre étude, le choix géographique du recrutement s’est donc fait dans la subdivision sud Maine et Loire car peu de retours existent sur les actions réalisées en matière de fragilité dans les MSP de ce territoire.

2) L’ARS a mandaté spécifiquement les pilotes MAIA pour conduire des travaux ciblant le repérage et l’évaluation des fragilités sur leur territoire. Concrètement, le livret du projet régional de santé 2018-2022 fait part des expérimentations déjà réalisées dans les MSP des régions de Vendée, Sarthe et Mayenne. Ce livret n’évoque que peu d’expérimentations conduites dans les MSP du Maine et Loire et particulièrement dans le sud du département (38).

Après avoir rencontré Anne GAZEAU responsable de la MAIA sud 49, et à la suite des réunions du groupe de travail « repérage et évaluation des fragilités » du territoire sud 49, une piste de travail est ressortie des échanges, à savoir le besoin de faire du lien avec les professionnels travaillant dans les maisons de santé de ce territoire et de connaître leurs actions en matière de repérage et d’évaluation des fragilités.

Le recrutement de l’étude s’est donc porté sur les MSP du territoire sud 49 permettant ainsi au groupe de travail de la MAIA sud 49 d’atteindre un de leur objectif d’avancement.

3) Actuellement, il existe peu d’études s’intéressant aux difficultés rencontrées par les professionnels des MSP dans le processus de dépistage de la fragilité en ambulatoire. Pour exemple, Josué CLERY réalise dans sa thèse en 2018 une étude qualitative visant à étudier les processus mis en œuvre par les sept médecins généralistes de la MSP « Philippe Marze » des Mureaux lors du repérage de la fragilité des sujets âgés. Les principales difficultés retrouvées sont le manque d’organisation d’un temps dédié au repérage, le manque d’animation du groupe pour poursuivre les actions de repérage et l’absence d’outil informatique adéquate (45).

Ainsi, notre étude permettait d’apporter une documentation supplémentaire à la littérature sur les difficultés rencontrées par les professionnels des MSP dans le cadre du repérage et de l’évaluation des fragilités.

4) Depuis environ cinq ans, de nombreuses maisons de santé s’orientent vers l’évaluation de la fragilité. La thèse de Louise SAVARY en 2018 fait part de l’implication des MSP de la région Midi-Pyrénées (au nombre de seize) dans le programme de prise en charge de la fragilité (46).

Elles s’engagent, dans le cadre de leur mission de santé publique, à évaluer et prendre en charge la fragilité, avec l’aide du protocole de délégation de tâches de l’ARS. En effet, le développement d’un protocole de coopération au sein de ces MSP permet aux patients âgés de bénéficier (sur indication médicale) d’une évaluation gérontologique par une infirmière libérale formée (IDEL). A l’issue de l’évaluation, l’IDEL initie la prise en charge de la personne en cas de fragilité avérée. Un plan personnalisé de santé est proposé par l’infirmière libérale en regard des problèmes identifiés lors du diagnostic, ce plan est discuté en réunion de concertation pluriprofessionnelle, puis validé par le médecin.

Dans cette perspective, il est donc intéressant d’étudier spécifiquement l’implication des MSP du territoire sud 49 dans la prise en charge de la fragilité.

5) Enfin, le professeur Bruno Vellas justifie dans le livre blanc sur la fragilité le bénéfice du repérage et de l’évaluation des fragilités en MSP (9):

« Les MSP ont l’avantage d’être pluriprofessionnelles, bien implantées. Elles doivent connaître et faire connaître les acteurs médicaux, sociaux et les ressources locales. De ce fait, l’évaluation sociale, la mise en place du projet personnalisé de soins (PPS) et le suivi pourront en être facilités. Cette unité de lieu associée à la proximité des différents intervenants, pourrait être un gage de rapidité de prise en charge, et d’une bonne réflexivité. »

Il existe donc un réel intérêt à porter notre étude sur les maisons de santé pluridisciplinaires car celles-ci sont aussi « des lieux tout à fait adaptés à la prise en charge de la fragilité, du fait de leur implantation locale au sein du réseau médico-social, de leur unité de lieu et de leur pluriprofessionnalité. » (9)

L’objectif principal de l’étude était donc d’analyser comment les professionnels de santé des MSP de la subdivision sud 49 repéraient et évaluaient dans leur pratique les fragilités chez les personnes âgées de plus de 70 ans.

Les objectifs secondaires permettaient d’identifier :

- les freins ou les facteurs favorisant l’utilisation d’outils de dépistage de la fragilité type grille de repérage par ces professionnels ;

- comment ces professionnels initiaient une évaluation gériatrique en libéral avec l’utilisation ou non d’outils spécifiques ;

- les connaissances des professionnels sur l’offre de soins dans leur territoire pour orienter une personne repérée comme fragile, afin d’effectuer une évaluation gériatrique multidimensionnelle et obtenir un plan d’action de prévention de la perte d’indépendance ; - quels étaient les besoins de ces professionnels en ce qui concernait le repérage et l’évaluation des fragilités dans leur pratique en MSP.

MÉTHODES