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Après une première lecture de ces fiches, on pourrait être amené à penser que l’enseignant est le grand absent dans cette forme pédagogique. Par là, nous entendons qu’il est toujours difficile de savoir la posture que tient l’enseignant pendant que ses élèves sont en train de jouer.

Ce manque est sûrement une conséquence de la nature de nos documents: ces fiches sont écrites par des enseignants à destination de leurs pairs. On peut supposer qu’un professeur reste ainsi évasif sur sa propre posture, et concentre sa plume sur la description de ce qui est demandé aux élèves. Les seuls témoignages sont contenus dans l’expérimentation de Minecraft dans un collège lillois, que nous avons évoqué précédemment, mais ils restent assez évasifs. Un des enseignants parle en effet de vivre «une sorte de saut dans le vide». Rappelons que cette expérimentation est menée dans le cadre d’une recherche universitaire, on peut donc supposer que cet enseignant fut mis en retrait dans le cadre de cette expérimentation et qu’il n’a pas pu décider de tous les paramètres.

Le reste de la fiche est principalement centré sur les effets observés sur la posture des élèves, et surtout sur celles des enseignants, une ambition affichée dés le début de la présentation :

Comme expliqué en première partie, le jeu vidéo peut être perçu comme un outil permettant de faire évoluer la forme scolaire classique. Tel est l’objectif de la séance autour de Minecraft dans un collége lillois que nous avons évoqué plus haut : «Cette expérimentation doit permettre

d’envisager différemment le métier d’enseignant». De même dans la fiche sur un jeu sérieux sur la

sécurité routière, A la poursuite de Routix 1 : «l’intérêt porte sur la mise en retrait de l’enseignant »

le jeu devant favoriser l’autonomie de l’élève dans la construction du savoir. On retrouve ici des

1 Introduire les dangers de la route en C3 avec A la poursuite de routix, extrait du site Apprendre avec le jeu

numérique, op.cit, publié le 14 septembre 2017, consulté le 10 mai 2018, disponible sur http://eduscol.education.fr/jeu-

arguments des enseignants interrogés par Anne Wix précédemment.

Cependant, cette analyse des différentes formes d’instrumentalisation du jeu nous emmène plutôt à penser que l’enseignant est loin d’être mis à l’écart par l’introduction du jeu vidéo, notamment parce qu’il encadre cette pratique.

Le jeu vidéo est peu utilisé en introduction du cours pour servir de porte d’entrée dans le chapitre. Le plus souvent, afin que le contenu sérieux soit accessible aux apprenants, le jeu vidéo intervient en milieu de séquence, les fiches pédagogiques précisent régulièrement les notions requises avant la partie.

On en revient ainsi à une réflexion concernant la valeur d’apprentissage du jeu, que nous avons déjà vu précédemment concernant la transférabilité des compétences ludiques dans le cadre scolaire: si j’apprends en jouant, est-ce grâce au jeu lui-même ou grâce à ma culture personnelle qui m’a permis de comprendre le jeu?

Ainsi, on peut affirmer que le jeu numérique est le plus souvent intégré dans une séquence pédagogique, comme le serait une autre activité, et on peut en distinguer trois moments clés, que nous allons illustrer avec la fiche du jeu Blossom Flowers , utilisé en Économie et Gestion d’entreprise1.

1) En début de séquence pédagogique, l’enseignant développe des notions que les élèves doivent maîtriser. Présenter le but de la séance ludique tend peut être à rompre l’incertitude du jeu, comme le suggérait Gilles Brougère précédemment2. Dans le cas de Blossom Flowers, pour que le

jeu soit jouable, les élèves doivent avoir acquis la notion d’entreprise précédemment étudiée en classe au cours de la séance précédente.

1 Usage de Blossom Flowers en PFEG (Principes Fondamentaux de l’Economie et de la Gestion), extrait du site

Apprendre avec le jeu numérique, op.cit, publié le 14 septembre 2017, consulté le 10 mai 2018, disponible sur

http://eduscol.education.fr/jeu-numerique/peda/1736 2 Supra, p.48.

2) Après cette introduction, l’instant de jeu doit permettre d’utiliser les notions précédemment vues. Ces dernières doivent être utiles pour comprendre le jeu. Le jeu doit ensuite permettre, soit d’introduire de nouvelles notions, soit de mettre en pratique celles précédemment acquises. Avant que les élèves prennent en main Blossom Flowers, l’enseignant joue en premier : « Le professeur présente le jeu en effectuant la mission 1 au vidéo-projecteur et en commentant les

principales actions du jeu » et c’est seulement après cela que « le professeur demande aux élèves de jouer. » puis : « Le professeur demande aux élèves d'arrêter le jeu. » On constate ainsi une forte

présence de l’enseignant pendant l’ensemble de la séance ludique.

3) Celle-ci est immédiatement suivie par un debriefing. La sonnerie de fin d’heure ne signifie pas l’arrêt du jeu, c’est l’enseignant qui, la plupart du temps, y met un terme. S’en suit un instant de verbalisation de l’expérience, parfois appelé debriefing ; « Le professeur fait ensuite avec

les élèves une analyse du jeu en le raccrochant au cours. ». En revanche, l’heure de retour en

classe, suivant la séance ludique, est peu décrite.