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Chapitre 1. Le processus de recherche

1. Le processus de rapatriement des Ilnuatsh comme contexte de recherche

Les Ilnuatsh et leur volonté de reprendre possession de leur patrimoine

Des onze familles linguistiques autochtones au Canada, la province du Québec en compte trois : les familles eskimo-aléoute, iroquoïenne et algonquienne. Parmi la famille algonquienne, qui regroupe huit des onze Nations autochtones du Québec4, la Nation Innu est répartie dans 11

communautés, ou réserves, dont neuf sont au Québec et deux au Labrador, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador 5 (carte 1). Au Québec, la Nation Innue est la plus nombreuse et elle était

estimée en 2015 à 19 955 personnes6.

4 Les Naskapi, les Eeyou (Cris), les Atikamekw, les Anicinabeg, les Abénaquis, les Micmacs ou encore les Malécites font partie de la famille algonquienne.

5 Nom des communautés Innuatsh : Mashteuiatsh (Pointe Bleue), Essipit (Les Escoumins), Pessamit (Betsiamites), Uashat (Sept Iles) et Mani-utenam qui ne forment qu’une communauté, Ekuanitshit (Mingan), Natashquan, Unaman-shipu (La Romaine), Pekut shipu (Saint Augustin), Matimekush Lac John (Shefferville) pour le Québec. Tshishe-shastshit (Sheshatshit) et Natuashish (David-Inlet) pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

6 Source : Secrétariat aux Affaires Autochtones. Statistiques des populations autochtones du Québec 2015 : http://www.autochtones.gouv.qc.ca/nations/population.htm#innus. La population autochtone totale au Québec (amérindiens et Inuits) est estimée à 104 633 personnes (dernier accès : le 18 avril 2017).

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Au Québec, la majorité des communautés innues se trouvent sur les rives du fleuve Saint-Laurent, sur la Côte-Nord (carte 1). La communauté la plus à l’ouest du Québec est celle des Ilnuatsh de Mashteuiatsh qui se trouve sur la rive ouest du lac Saint-Jean.

Ce n’est que dans les années 1990 que fut ré-adoptée la dénomination « Innu ». Ce terme signifie « être humain ». Les membres de Mashteuiatsh ont fait le choix de garder leurs distinctions linguistiques et de conserver l’appellation « Ilnu ».

« Innu/Ilnu » remplace l’appellation « Montagnais » qui était utilisée depuis les premières rencontres avec les explorateurs Européens, et qui fait référence à la topographie montagneuse de la région de contact. Les Innuatsh furent également appelés de façon générale « Montagnais- Naskapi », notamment par l’anthropologue Frank Speck dont les écrits constituent une partie de nos données. Dans ses écrits, l’appellation « Montagnais » correspond aux bandes ilnues du Lac Saint-Jean et « Montagnais-Naskapi » aux bandes innues de la Côte–Nord (Deschênes 1979 : 36, Mailhot 1971).

Les Ilnuatsh de Mashteuiatsh, tout comme d’autres Autochtones du Canada, ont subi une mise en réserve, une sédentarisation forcée ainsi qu’une aliénation culturelle, linguistique et identitaire conduites par le gouvernement.

Dans une volonté de reprendre le contrôle sur le patrimoine territorial, culturel et linguistique légué par leurs ancêtres, les Ilnuatsh se sont impliqués depuis la fin des années 1970 dans des processus de revendications territoriales et de reprise en charge de l’éducation, de la santé et des programmes linguistiques et culturels. À Mashteuiatsh, les orientations du développement communautaire visent à assurer la reconnaissance de leur identité, la valorisation et la transmission ainsi que l’intégration de la culture dans le développement global des Ilnuatsh (Pekuakamiulnuatsh Takuhikan 2005). Les Ilnuatsh se sont également dotés d’infrastructures scolaires et muséales pour développer et diffuser les activités culturelles, et d’une politique d'affirmation culturelle dans laquelle est inscrite leur volonté de rapatrier leur patrimoine culturel (ibid. :26).

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La naissance d’un projet de rapatriement

Le Musée amérindien de Mashteuiatsh (MAM) a été fondé en 1979 par la Société d’histoire et d’archéologie de Mashteuiatsh (SHAM). Pour poursuivre sa mission de « sauvegarde, développement et transmission de la culture ilnu », il a depuis été partenaire de nombreux projets de recherche7.

Suite à la rencontre entre Bibiane Courtois, alors directrice du musée de Mashteuiatsh, et Élise Dubuc, professeure à l’Université de Montréal, et fort de leur participation en 2004 à un symposium sur le rapatriement chez les Haida de Colombie Britannique, une volonté naquit : celle de réaliser un rapatriement. Bibiane Courtois y voyait alors une voie incontournable qui pouvait accompagner les processus locaux de réappropriation, de guérison et de fierté identitaire :

« J’ai été infirmière, le seul constat que je pouvais faire sur les problématiques de santé

mentale qu’on avait, c’est qu’on n’avait rien qui assoyait notre identité globalement au niveau de la communauté. Je suis pas sûre que tout le monde était conscient de ce qu’il pouvait avoir comment potentiel de patrimoine. Je me disais que si on pouvait faire des événements avec le rapatriement d’objets du passé, qui sont ailleurs pis qui parlent de nous, on pourrait aider des personnes à redevenir fières de qui ils sont, de leurs origines (…). Pour moi c’est important de m’approprier ce que je n’ai pas eu pis de me réapproprier ce que j’ai peut-être oublié » (Bibiane Courtois, 10 mai 2012).

En 2005, fut adoptée à Mashteuiatsh la « Politique d’affirmation culturelle » dans laquelle est affirmée la volonté de « rapatrier les artefacts du patrimoine culturel », notamment dans l’axe Ka

Ishnakushik qui a pour objectif de représenter « la richesse du patrimoine laissée par [les] ancêtres.

Les éléments qui le composent se réfèrent à la conservation, à la préservation et à la recherche » (Pekuakamiulnuatsh Takuhikan 2005 : 26). En 2006, la nouvelle directrice du musée, Maryse Boily, propose à Élise Dubuc de co-construire un projet de recherche pour travailler sur la question du rapatriement. Souhaitant travailler avec des communautés ayant déjà réalisé un rapatriement, elles approchent la communauté anishinabeg de Kitigan Zibi qui a rapatrié en 2005 des restes humains ancestraux (Whittam 2015). Mashteuiatsh et Kitigan Zibi seront alors les deux communautés partenaires du projet de recherche.

7 Par exemple, les projets ARUC Design et Culture matérielle de Elizabeth Kaine et Élise Dubuc, le ARUC Tetauan, projet Tshishipiminu, projet sur les Plantes médicinales, Aruc Peribonka

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Le projet ARUC Tshiue-Napuapahtetau/Kigibiwewidon

Discuté depuis 2006, le projet a été subventionné à partir de 2011 par le programme d’Alliance de recherche universités-communautés (ARUC en français et CURA en anglais) du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (dorénavant CRSH). Subventionné pour cinq ans, le projet se poursuivra jusqu’à août 2017.

Ce projet ARUC, dirigé par Élise Dubuc, collabore étroitement depuis le début avec le Musée amérindien de Mashteuiatsh (dirigé successivement par Gilbert Dominique, puis par Jean-Denis Gill et enfin par Isabelle Genest) et le Centre d’éducation culturelle de Kitigan Zibi (dirigé par Anita Tenasco). En consultation avec les membres des communautés, il fut donné au projet le nom de : Tshiue-Napuapahtetau/Kigibiwewidon8 : Exploration de nouvelles alternatives concernant la restitution/réappropriation du patrimoine autochtone. Pour des fins de simplification, le projet est

aussi appelé « Projet Nika-Nishk ». Nika et nishk signifient « outarde », en anishinabemowin et en

nehlueun9.

Le projet s’est par la suite joint à de nombreux autres partenaires communautaires, tels que la Société d’histoire et d’archéologie de Mashteuiatsh, le Musée amérindien de Mashteuiatsh, le Conseil des Jeunes Pekuakamiulnuatsh, le Conseil consultatif des aînés, le Conseil consultatif des femmes, la direction Patrimoine et Culture, Direction Education et Main d’œuvre, et l’école secondaire Kassinu Mamu.

Le projet est également en partenariat avec les institutions muséales suivantes : le National Museum of the American Indian de la Smithsonian Institution de Washington DC (NMAI), le Field Museum de Chicago, le Musée d’Anthropologie (MOA) de l’Université de la Colombie Britannique, le Haida Gwaii Museum, le Musée d’archéologie et d’Anthropologie de l’Université de Pennsylvanie (Penn Museum). Afin de répondre le plus efficacement possible aux questions

8 Tshiue-Napuapahtetau signifie en nehlueun, la langue ilnu : « Retournons le chercher » (en référence au matériel laissé dans une cache durant l’hiver) ; et Kigibiwewidon signifie en anishinabemowin (langue anishinabeg) : « Retour ».

9 L’outarde, en tant qu’oiseau migrateur qui finit toujours par revenir à son lieu de départ, est le symbole utilisé pour le logo du projet. Il a été réalisé de façon collaborative à partir d’une idée de Louise Siméon, des modèles réalisées par les artistes Denis Blacksmith de Mashteuiatsh et Daryl Tendesi de Kitigan Zibi, et du travail de la designer graphique du projet Véronique Archambault-Gendron. Le site du projet est hébergé sous http://nikanishk.ca/.

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pluridisciplinaires soulevés par le rapatriement, l’équipe de recherche est composée de 18 co- chercheurs communautaires et universitaires, de disciplines variées - anthropologues, muséologues, conservateurs, juristes, historiens d’art, spécialistes en sciences de l’information et des bibliothèques - et originaires de 5 institutions de recherche - UdeM, ULaval, UBC, U of Washington et la Smithsonian Institution.

Un des objectifs de l’ARUC est de renouer le dialogue entre les différentes parties engagées pour que chacune ait une meilleure connaissance des valeurs, des perspectives et des possibilités de l’autre afin que tout le monde puisse en tirer avantage. Ceci implique d’opérer un changement d’attitude et de pratique dans la recherche afin de travailler selon les préoccupations et les attentes locales, et non plus selon les seuls intérêts des chercheurs.

Le projet ARUC à Mashteuiatsh

Le projet porte sur la reprise de possession et le contrôle du patrimoine autochtone. Il concentre ses actions sur le rapatriement des objets ainsi que sur les processus de revitalisation et de réappropriation des connaissances auxquels il donne lieu localement.

Alors que les compétences reliées à la fabrication des objets sont souvent encore présentes dans la communauté de Mashteuiatsh, les histoires qui y sont rattachées et qui participent de l’héritage culturel de ses habitants ne se trouvent désormais plus que dans les mémoires des aînés. Dans le but de permettre au plus grand nombre de profiter de ces objets et des connaissances et autres récits auxquels ils se rattachent, il y a urgence à agir avant que les dernières personnes en lien direct avec ces objets ne disparaissent avec leur expertise et leurs savoirs susceptibles d’interpréter les objets. Le Musée amérindien de Mashteuiatsh, par l’entremise de sa responsable des collections Louise Siméon, s’intéresse depuis plusieurs dizaines d’années aux objets ilnus dispersés dans les musées canadiens et états-uniens. Très rapidement, l’attention des collaborateurs du projet ARUC s’est portée vers les collections d’objets que l’anthropologue américain Frank Gouldsmith Speck (1881- 1950) a collecté à Mashteuiatsh et à Kitigan Zibi (Deschênes 1981). A la suite de recherches préliminaires, et souhaitant développer un partenariat de recherche avec une institution se présentant comme ouverte aux communautés autochtones (Rosoff 2003, Mauzé et Rostkowski 2004), le projet s’est tourné vers les collections du National Museum of the American Indian, de Washington.

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Les membres de Mashteuiatsh se sont tout particulièrement intéressés à une collection du NMAI, nommée « Lac Saint-Jean » et composée de 513 objets ilnus10. Ces objets ont été collectés en très

grande partie par Frank G. Speck entre 1910 et 192611 (Speck 1930, Deschênes 1981).

Frank G. Speck

Frank Gouldsmith Speck (1881-1950) est un anthropologue états-unien dont la production est impressionnante (plus de 300 publications), tant par sa qualité ethnographique et anthropologique, que par la diversité des groupes approchés et des sujets abordés. Passionné par les langues amérindiennes, il commença à travailler avec les communautés autochtones des États-Unis, notamment les Yuchis. Lorsqu’il devient professeur à l’Université de Pennsylvanie, il se spécialise dans l’étude des cultures algonquiennes du Nord-est. Il travaillera notamment chez les Penobscot, les Anishinabeg et chez les Innuatsh12.

Encore aujourd’hui, aucune étude portant sur les communautés algonquiennes du Québec ne peut se passer de citer les études de Speck. L’histoire anthropologique retient particulièrement ses analyses sur la chasse comme activité sacrée, ses recherches sur les territoires de chasse familiaux et ses études minutieuses sur les milliers d’objets qu’il a lui-même collectés. Pour financer en partie ses terrains de recherche, Speck collectait des objets qu’il achetait dans les communautés visitées, puis les revendait à divers musées (Pulla 2006 ; Deschênes 1979). Il les achetait directement lors de ses visites, mais passait également par des intermédiaires tels que les commis des postes de traites avec lesquels commerçaient les Autochtones (Deschênes 1981). Dans ses notes et correspondances se trouvent quelques indications sur les prix payés pour certains objets achetés groupés et ses collectes répondaient parfois à des demandes de directeurs de musées (Vanstone 1982). Nous ne possédons pas de détails sur l’acquisition des objets étudiés dans la thèse. Dans ses archives manuscrites, on retrouve parfois des prix associés à une liste d’objets, mais nous ne savons

10 Parmi les 513 objets listés dans la collection « Lac-St-Jean », certains objets comptent deux articles comme par exemple les paires de mocassin, de raquettes à neige, de mitaines etc.

11 Une cinquantaine d’objets ont été collectés par d’autres personnes dont 13 objets par William F. Stiles entre 1952 et 1954. Les autres objets ont été réunis par H. Miller, M. Riggs, E. Locke, M. Eppley, A. Fogg, H. Strong, R.S. Murray, C.J. Cawley, R.C. Altman, S.J. Farnham, J.A. Moller, J.H. Baker, H.J. Hibben, R.R.Van Valkenburg.

12Pour une étude approfondie de l’œuvre de Speck, se référer aux travaux de Hallowell (1951), Preston (1975), Deschênes (1979, 1981) et Pulla (2006, 2008).

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pas si ces prix correspondent à ceux que Speck a payés ou à ceux qu’il a reçus des musées. On retrouve aujourd’hui ces objets dispersés à travers les institutions muséales et culturelles du Canada, des États-Unis et même en Europe13.

Frank Speck et les Ilnuatsh de Mashteuiatsh

Entre 1908 et 1930, Speck est venu une quinzaine de fois chez les Ilnuatsh de Mashteuiatsh. Sur les quinze mois passés dans les communautés innuatsh, Jean-Guy Deschênes note que les séjours de Speck auprès des Ilnuatsh de Mashteuiatsh totalisent entre 32 et 35 semaines (entre 8 et 9 mois), soit des séjours de deux semaines en moyenne (Deschênes 1979, 1981). Pendant plus de vingt ans, Speck est très régulièrement revenu au Lac Saint-Jean et il semble avoir développé des relations de confiance avec certains Ilnuatsh14.

Les publications et les archives de Frank Speck sont riches en connaissances sur les Ilnuatsh des années 1910-1930. Speck a cartographié les territoires de chasse familiaux et a documenté les pratiques spirituelles reliées à la chasse telles que la scapulomancie. Il a pris en note un riche vocabulaire en nehlueun. Il a enregistré des chants et, avec son étudiant Frederik Johnson, a photographié le village, les maisons et certains Ilnuatsh. Frank Speck a répertorié des motifs de broderie et des patrons utilisés sur les contenants en écorce et y a collecté plusieurs centaines d’objets aujourd’hui conservés notamment au Field Museum (Chicago), au Musée canadien de l’histoire (Gatineau) ou encore au National Museum of the American Indian (NMAI, New-York puis Washington).

Au Québec, il n’y a pas de loi qui encadre le rapatriement et les communautés doivent se conformer aux politiques des musées auprès desquels ils adressent leurs demandes. Pour revendiquer les objets collectés par Speck actuellement conservés au NMAI de Washington, les Ilnuatsh doivent donc

13 Il a réalisé des collections pour le Museum of the American Indian, aujourd’hui National Museum of the American Indian (NMAI, New-York puis Washington), l’American Museum of Natural History (Washington), le Field Museum (Chicago), le Musée de l’Université de Pennsylvanie (Philadelphie), le Musée canadien de l’histoire (Gatineau), le Royal Ontario Museum (Ottawa), le Pitt-Rivers Museum (Oxford) ou encore le Musée national du Danemark.

14 Lors d’une entrevue réalisée par Élise Dubuc, Edouard Kurtness - fils de Joseph Kurtness l’un des interlocuteurs principaux de Speck - s’est notamment rappelé que lorsque Frank Speck logeait chez eux, il participait à la vie familiale et aux tâches ménagères en aidant notamment sa mère à faire la vaisselle.

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répondre au cadre prescrit par la politique de rapatriement du NMAI. C’est également ce cadre qui a orienté les réflexions de cette thèse.

Le National Museum of the American Indian et son cadre de rapatriement

George Gustav Heye fonde le Museum of the American Indian – Heye Fondation (MAI) en 1916, à New-York. Il ouvre en 1922. Heye est un collectionneur passionné et il a rassemblé près d’un million d’objets en soixante ans (Mauzé et Rostkowski 2004 : 2). Speck, qui entretenait des relations très étroites avec Georges G. Heye, participa dans une large mesure à la constitution de ses imposantes collections.

A partir des années 1980, il est question de transférer les collections du Museum of the American Indian dans une autre ville. Après de nombreux pourparlers et l’implication d’artistes autochtones tels que l’écrivain Vine Deloria, il est question de créer un « véritable musée Indien » (ibid.). En 1989, le transfert des collections de New-York vers Washington est officialisé et le nouveau musée change de nom pour devenir le National Museum of the American Indian (NMAI). Il ouvre ses portes à Washington en 2004 (Mauzé et Rostkowski 2004).

Pour répondre à la demande de fonder un musée à l’usage des Autochtones, la naissance et la fondation du NMAI ont été directement conditionnées par la volonté de consulter et collaborer étroitement avec les communautés, notamment pour encourager leur participation et la prise en compte de leurs spécificités dans les pratiques muséales (Rosoff 2003). Ces affirmations politiques menées par les communautés ont accompagné la constitution d’une loi sur le rapatriement des restes humains, des objets funéraires et des objets sacrés réclamés par les communautés sources. En 1989, l’adoption de la loi National Museum of the American Indian Act (NMAIA) marque la fondation du musée NMAI et instaure une politique de rapatriement, qui demeure toutefois contrôlée par la Smithsonian Institution. Cette politique doit être appliquée par les musées de la Smithsonian Institution qui détiennent des objets autochtones, soit le NMAI et le Musée National d’Histoire Naturelle. Ces deux musées ont leur propre politique de rapatriement ainsi que des

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procédures distinctes en la matière15. A la suite de cette loi, ces musées ont eu l’obligation de

réaliser l’inventaire de leurs collections et de contacter les communautés dont ils présumaient détenir des restes humains et des objets funéraires.

Dans le même temps, en 1989, le congrès mondial d’archéologie organisé aux États-Unis accueille des représentants autochtones et non-autochtones qui adoptent les Accords Vermillion sur les restes

humains. Selon Paul Turnbull, historien spécialiste du rapatriement des restes humains, ces accords

ont marqué un changement dans la compréhension du rapatriement dans les cercles scientifiques, notamment quant à son importance pour la survie et la vitalité des cultures autochtones (Turnbull 2010 : 118).

En 1989, la loi du NMAIA ne concernait en effet que les « restes humains » et les « objets funéraires associés ». Elle fut modifiée en 1996 et de nouvelles dispositions concernant les « objets funéraires non associés » (aux restes humains), les objets sacrés et les objets du patrimoine culturel autochtone furent ajoutées à la politique de rapatriement16.

Le NMAIA ne concerne officiellement que les communautés reconnues des États-Unis et rien n’oblige le musée à répondre aux requêtes des Nations du Canada et d’ailleurs. D’après la politique de rapatriement du NMAI, le musée considère au cas par cas les demandes présentées par des communautés non reconnues par le gouvernement des États-Unis (Smithsonian 2014 : 12). Pour déposer une demande de rapatriement, la charge des preuves à fournir incombe à chaque communauté requérante.

Dans un premier temps, elles doivent démontrer que les objets revendiqués répondent aux catégories définies par la politique de rapatriement du NMAI. En 2014, la politique de rapatriement du NMAI a été modifiée et les définitions des catégories d’objets sont les suivantes :

15 L’année suivante, en 1990, le Native American Graves Protection and Repatriation Act (NAGPRA) entre en vigueur et concerne les musées financés par l’administration fédérale, autres que ceux de la Smithsonian Institution. Cette loi traite des restes humains et des objets conservés dans les autres musées financés par l’administration fédérale.

16 National Museum of the American Indian, « Repatriation », 11 mars 2013, consulté le 4 mars 2017, en ligne : http://nmai.si.edu/sites/1/files/pdf/about/NMAI1996Amendment.pdf. Cet amendement a eu lieu après l’adoption de la NAGPRA. Les nouvelles dispositions du NMAIA reprennent en grande partie les termes utilisés dans le NAGPRA ou font directement référence à certaines de ses dispositions.

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Les « objets sacrés » sont « des objets requis par des chefs religieux traditionnels

autochtones pour la pratique d’une religion autochtone, incluant les objets nécessaires au renouveau d’une pratique religieuse »17 (Smithsonian 2014 :3). Le NMAI suggère donc qu’un objet

sacré puisse être requis par une communauté alors que la cérémonie pour laquelle il est réclamé