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Le réajustement des représentations au sein de l’atelier d’écriture

2. LE PROCESSUS D’ECRITURE

L’acte d’écrire est une action prise en charge par un écrivant, agrémentée par l’imaginaire, orientée par des consignes et renforcée par les ratures, le brouillon et la réécriture. Dans ce processus, des connaissances sur l’écriture et sur le monde s’organisent et se réorganisent, se mobilisent et se construisent. C’est un espace temps dans lequel l’apprenant/scripteur s’engage autant à se dire qu’à se lire, c’est un lieu de découverte de soi , de ses limites en écriture et de ses capacités et c’est une marge pour cet apprenant/scripteur de se corriger, de s’améliorer en écriture et d’intégrer avec confiance le club de (je peux écrire !) car : « L’écriture met une distance entre l’homme et ses actes verbaux. Il peut désormais examiner ce qu’il dit plus objectivement. Il peut s’écarter de sa propre création, la commenter et même la corriger, du point de vue du style comme de la syntaxe. »21

Cette activité créative et spontanée se rapporte au domaine cognitif comme le soutiennent A. WEIL-BARAIS à travers ce qu’elle appelle « l’homme cognitif » ; HAYES&FLOWER qui considèrent l’homme comme un système de traitement de l’information et les tenants de l’approche socio culturelle qui posent l’interaction sociale comme élément constitutif du développement des compétences (le modelage du fonctionnement mental par le contexte social). Ce que résume Christine BARRE-DE MINIAC en expliquant que :

« l’instant de l’écriture est complexe : il mobilise des savoirs sur la langue, mais aussi des souvenirs, des connaissances acquises et construites sur le monde matériel et social, des

capacités de raisonnement, de jugement sur ce monde en même temps que cet instant d’écriture est un lieu de construction et d’élaboration de ces savoirs, de ces connaissances, de ces formes de raisonnement et de jugement. De ce point de vue, l’écriture est bien un lieu

d’organisation et de réorganisation, de mobilisation et de construction des connaissances,

21 Claudette ORIOL-BOYER. (1989). L’écriture du texte, théorie, pratique, didactique. Thèse d’Etat. Partie 1-Chapitre2. P. 103.

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sur elle-même et sur le monde. Elle appartient, donc à part entière au domaine de la cognition. »22.

Le processus d’écriture est la démarche par laquelle l’apprenant planifie et exécute une tâche d’écriture, c’est ainsi qu’il interpelle des connaissances et des acquis antérieurs, et qu’il fait appel à des expériences qu’il a eues avec des textes lus et écrits, à des activités d’écriture exécutées avec des partenaires ou individuellement. « L’écrit nécessite tout en même temps qu’il favorise un changement important au niveau de la planification et de la production. Le brouillon, qu’il s’agisse d’un brouillon mental (assimilé à une forme de langage intérieur), caractéristique du langage écrit, nécessité par ce langage, est une composante de la réflexion qui accompagne l’écrit. »23.

C’est important de faire entrer les apprenants ‘futurs écrivants’ dans un projet d’écriture qu’ils adoptent et auquel ils s’adaptent. Sachant tirer profit de cette intégration et de cet investissement dans le processus même de l’écriture qui est« avant tout un instrument de création, d’exploration et d’émergence. Avant d’être un produit, c’est un processus, grâce auquel chacun de nous peut entrer en contact avec son expérience de la réalité, sa compréhension des événements, sa relation à l’univers »24

Nous allons faire le tour d’horizon des recherches effectuées sur la production écrite qui ont émergé la théorie du texte su laquelle notre travail de recherche s’appuie. Alors du modèle linéaire avec les trois étapes : Planification. Mise en texte. Révision, avec ce modèle, l’écriture devient transcription ordonnée et un mode de transmission du savoir, et l’écrivant devient un scripteur exécutant des opérations successives. Le modèle cognitif avec lequel l’observation et l’analyse des pratiques d’écriture à savoir étudier les brouillons d’écrivants et mesurer les indicateurs temporels de la planification et de la production (Hayes et Flower). Entre ces deux modèles naît un processus d’écriture qui se veut dynamique et récursive, celui crée par ORIOL-BOYER Claudette(1990) qui s’intéresse au processus de la production écrite

22Christine BARRE-DE-MINIAC. (2000). Le rapport à l’écriture : aspects théoriques et didactiques. Op cit. P. 33

23 Christine BARRE-DE-MINIAC. (2000). Le rapport à l’écriture : aspects théoriques et didactiques. Op cit. P. 42.

24 A PARE cité par Geneviève-Gaël VANASSE et Monique-Noël GAUDREAULT. (2004). « Écriture créative et plaisir d’apprendre ». In Didáctica (Lengua y Literatura), vol. 16. P. 239.

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en évoquant l’interaction lecture/écriture et relecture /réécriture. Elle résume ainsi le cours de la recherche dans la production écrite dans sa thèse d’état :

« On peut distinguer trois grandes phases dans les recherches sur la production écrite : au cours de la première, un écrit est étudié en tant qu’objet produit et observable, dans la

deuxième on s’intéresse au processus de production sans tenir compte des théories du produit, dans la troisième, celle où je m’inscris, on tente de construire les interactions entre

le produit et le processus de production, espérant fonder ainsi les conditions de possibilité d’une didactique. »25

Dès lors l’écrit est considéré comme « élément d’un processus de production »26, DUMINY-SAUZEAU, Christine (2010) retrace les fondements de la théorie du texte littéraire qu’ORIOL-BOYER a crée. Cette dernière retraverse premièrement la théorie de BOURDIEU, selon laquelle les objets se trouvant dans le monde sont classés en deux catégories : les objets naturels et les objets ouvrés, elle transpose ainsi, l’étude de la production d’un objet fonctionnel à l’étude de la production d’un objet d’art, c’est cette transposition en didactique qui a permis l’émergence d’une nouvelle théorie de l’écriture. « qui intègre les recherches effectuées sur le produit en les articulant avec celles portant sur le processus »27

Dans un deuxième temps, ORIOL-BOYER reconsidère ‘le processus fonctionnel du langage’ de GOODY Jack qui met en œuvre l’étude de la pratique des listes dans le but de montrer le développement cognitif que l’écriture a permis de réaliser. « GOODY est ainsi amené à mettre en évidence que la liste, spécifique de l'écrit, conduit inévitablement au développement de la pensée abstraite et des activités de réflexion sur l'écrit. »28 . Elle insiste sur le fait que coïncider le mot à l’objet et correspondre l’objet à un mot, que ce découpage n’est pas naturel et ne peut refléter la réalité, elle cite alors, Marina Yaguello qui affirme :

25 Claudette ORIOL-BOYER. (1989). L’écriture du texte, théorie, pratique, didactique. Thèse d’Etat. Tome 1, Partie 1-Chapitre1. P. 78.

26 Christine DUMINY-SAUZEAU, (2010). L’atelier d’écriture littéraire : analyse du dispositif et de ses effets à partir d’expérimentations sur divers terrains. Thèse de doctorat. P. 43.

27 Claudette ORIOL-BOYER. (1989) L’écriture de texte : Théorie, pratique, didactique. Tome 1, 1ère partie, chapitre 1. Op cit. P. 78.

28Claudette ORIOL-BOYER. (1989) L’écriture de texte : Théorie, pratique, didactique. Tome 1, 1ère partie, chapitre 2. Op cit. P. 97.

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« un objet ne saurait désigner, par sa seule réalité physique, ni les propriétés qu'il possède, ni son appartenance à une classe d'objets, ni son caractère dénombrable ou indénombrable, ni sa présence ou son absence dans le contexte de communication (le langage, en effet, n'a pas besoin que les objets soient présents pour les désigner, ni même qu'ils existent). L'activité linguistique est une activité symbolique. La langue sert de véhicule

à la pensée, qui articule des concepts et non des labels appliqués à des choses. »29 Et l’ère du fonctionnement par association est activé selon l’axe paradigmatique du langage, c’est cela qui ouvre les axes vers la manipulation des mots pour en faire de nouvelles combinaisons. Transposée cette idée dans le travail de l’écriture au sein d’un atelier cela suppose que le travail n’est plus centré sur l’objet mais sur le langage lui-même« C'est donc aussi le mécanisme même de la fiction qui devient accessible. »30

Elle affirme que : « Par rapport à l’oral, l’écrit offre donc les possibilités tabulaires de l’espace, des relations liées à la place non plus seulement dans un déroulement continu, linéaire, mais dans une surface à deux dimensions où les jeux de la symétrie et du parallélisme imposent des rapprochements dans l’ordre du translinéaire. »31. Et elle résume en affirmant que « C'est la fonction métalinguistique qui est donc toujours sollicitée par l'écrit. »32

Avec les travaux de JAKOBSON, ORIOL-BOYER annonce le mécanisme de l’autonymie qui relie la fonction méta-textuelle et la fonction poétique du langage ainsi s’annonce une nouvelle conception pour appréhender le texte littéraire dans un travail d’écriture en atelier. Elle élabore alors une relation entre la fonction poétique et la fonction métalinguistique après la mise en évidence de la connotation antonymique, en s’appuyant sur la théorie de la connotation élaborée par KERBRAT-ORECCHIONI Catherine (1977). « Voilà qui permet de comprendre le lien entre la fonction poétique et la fonction

29 Claudette ORIOL-BOYER. (1989). L’écriture du texte, théorie, pratique, didactique. Thèse d’Etat. Partie 1-Chapitre 2. Op cit. P. 99.

30 Claudette ORIOL-BOYER (1989). L’écriture du texte, théorie, pratique, didactique. Thèse d’Etat. Partie 1-Chapitre 2. Op cit. P. 102.

31Claudette ORIOL-BOYER. (1989). L’écriture du texte, théorie, pratique, didactique. Thèse d’Etat. Partie 1-Chapitre 2. Op cit. P. 102.

32 Claudette ORIOL-BOYER. (1989). L’écriture du texte, théorie, pratique, didactique. Thèse d’Etat. Partie 1-Chapitre 2. Op cit. P. 104.

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métalinguistique : c'est par leur commun rapport au mécanisme de l'autonymie que ces deux fonctions s'articulent. »33

C’est ainsi qu’un texte littéraire qui est un produit de par un usage poétique du langage vise par connotation divers modes de son élaboration, c’est ce que ORIOL-BOYER explique nettement dans sa thèse d’état :

« Ainsi aura-t-on soit du métalinguistique strict (si ce qui est signifié est un fonctionnement du code de la langue) soit du métatextuel générique (si ce qui est signifié est un fonctionnement que le texte a en commun avec d'autres textes appartenant au même genre que lui) soit du métatextuel restreint ou spécifique (si ce qui est signifié est un fonctionnement de ce texte actualisant et articulant de manière spécifique certaines virtualités de la langue),

soit du métapragmatique (si ce qui est désigné est un des éléments du procès de production-communication scripturale, y compris les activités « méta » mises en jeu dans le cours de

l'écriture). »34