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Le réajustement des représentations au sein de l’atelier d’écriture

5. ECRITURE ET REPRESENTATION

Etant une activité sociale, l’acte scriptural met en jeu des représentations que se font les apprenants de l’écriture. Le futur scripteur se forge des images, des attentes, des opinions et attribue des valeurs à l’écriture et à ses pratiques. Toutes ces images et ses opinions sont des représentations qui s’enracinent dans le psychique et l’esprit profond de cet apprenant/scripteur. « Une représentation est un ensemble organisé d’informations, de croyances, d’opinions et d’attitudes à propos d’un objet donné. »57.

MOSCOVICI (1976) avance l’idée qu’une représentation constitue aussi une activité mentale, un processus, un mouvement d’appropriation de la nouveauté et des objets. Son statut est intermédiaire entre le niveau du concept et celui de la perception. C’est alors qu’une représentation se présente comme étant une construction mentale cimentée par tant d’expériences accumulées en rapport avec l’écriture en FLE, selon Dabène, les représentations que se fait l’apprenant/scripteur de l’ordre scripturale sont le résultat direct du « vécu initial des premiers contacts avec la chose écrite. »58

C’est alors, qu’une véritable réflexion portée sur les représentations de l’écriture en FLE chez les apprenants s’impose et se fonde. Car d’une part, souvent une image négative du FLE et de son exploitation à l’écrit engendre aussitôt une image aussi négative que la première à l’égard de cette activité scripturale. D’autre part, avoir une image négative de soi-même en séance de français engendre une réaction négative et une répulsion légitime de cette langue. « Si les perceptions qu’a un élève sur l’écriture deviennent positives et le valorisent, il travaillera et améliorera tout texte produit dans une situation d’écriture. »59

La première représentation qu’il faut réajuster chez le futur apprenant/scripteur est celle de l’activité même de l’écriture en FLE, qui est jusque là conçue comme étant un don

57Jean-Claude ABRIC et al. (3003). Méthodes d’étude des représentations sociales. Ramonville Saint-Agne. Edition ERES. P. 59.

58 Michel DABENE. (1998). « L’enseignement-apprentissage de l’écriture représentations et pratiques sociales. ». In revue Psychologie et Education. P. 6.

59Geneviève-Gaël VANASSE et Monique-Noël GAUDREAULT. (2004). « Écriture créative et plaisir d’apprendre ». In Didáctica (Lengua y Literatura). vol. 16. P. 238.

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inné, et est souvent aperçu comme étant un acte spontané. Sachant que pour faire entrer cet apprenant/scripteur dans l’écriture il faut qu’il comprenne que cet acte est le produit d’un travail, et que cet édifice qu’est le texte écrit se monte étape par étape. « Il est difficile, pour les élèves, de concevoir qu’un texte se construit par étapes. Pour eux il est de l’ordre du définitif. Ecrire c’est produire un ‘sens déjà là’. Or, le processus de la production n’est pas linéaire. C’est en produisant que l’on produit. »60

La seconde représentation à laquelle il faut faire face dans cette activité scripturale est la peur de faire des erreurs, la honte d’être jugé et d’être noté, et le manque de confiance en ses capacités à écrire en FLE. La troisième représentation est celle qu’a cet apprenant/scripteur de son brouillon qui ne représente et ne reflète selon lui que son incapacité à écrire correctement et sans erreurs et de là son échec est clairement caractérisé.

Une quatrième représentation enfouis dans les fins fonds de l’esprit de cet apprenant est l’idée que pour écrire il faut savoir à l’avance ce qu’il faut produire, il n’ya pire conception qui freine et bloque toute initiative que ce mur infranchissable endurci et cimenté par tant de représentations, il faut reconnaître que même le plus célèbre écrivain quand il se lance dans l’écriture lui-même découvre avec le mouvement de son stylo le contenu de son propre écrit : « Pour commencer d’écrire, l’écrivain n’a pas besoin d’avoir, au préalable, un quelque chose à dire, parce que c’est en écrivant qu’il trouve ce qu’il finit par être dit. En ce sens, l’écriture est une machine à penser. »61

Au fait, c’est quoi une représentation sociale et quel rapport avec l’apprentissage de l’écriture en FLE ? « Les apprentis-scripteurs ont des représentations concernant les usages de l’écriture, les fonctions des écrits et les normes du scriptural. Il est important de les connaître pour ajuster les enseignements. »62

Jean-Marie SECA dans son livre intitulé ‘‘Les représentations sociales’’ reprend les paroles de Jean-Claude ABRIC pour qui la représentation sert de ‘‘filtre interprétatif’’ et d’

60Rolande HATEM. (2005). Ecrire et réécrire dans toutes les disciplines. Edition scérén. P. 39.

61 Jean RICARDOU. (1984). « Pluriel de l’écriture ». In Texte en main 1. Edition ‘L’atelier du texte’ printemps. P. 22.

62 André PETITJEAN. (1998). « Enseignement/apprentissage de l’écriture et transposition didactique » In Pratiques n°97-98, juin. P. 115.

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‘‘instrument de décodage’’, fournissant une « production originale et un remodelage complet de la réalité, une réorganisation de type cognitif où les connotations idéologiques personnelles (attitudes, opinions) et collectives (valeurs, normes) prennent une place essentielle aussi bien dans le produit que dans le mécanisme même de sa constitution. »63

Transposées à une situation de classe en séance de FLE, les analyses de Jean-Claude ABRIC éclairent l’état de nos apprenants qui croient de prime abord que cette langue est difficile d’accès. En d’autres termes, les apprenants se voient incapables de l’utiliser pour communiquer que ce soit à l'oral ou à l'écrit. Cela s'explique par un parcours d’enseignement qui les avait habitués à avoir l’attitude de simples spectateurs recevant le savoir auprès du seul détenteur et porteur d’informations qui est l’enseignant.

Rejoignant l’idée de Jonnaert (2001) cité par Sébastien OUELLET, selon laquelle « La notion de représentation est transversale à tout processus de construction de connaissances et de compétences en situation. Il serait naïf de s’imaginer que la situation proposée par l’enseignant se suffit à elle-même, les élèves travaillent à un autre niveau : celui de leur représentation de la situation. »64. Vue sous cet angle, les représentations que se font les apprenants du FLE, des textes littéraires, de la lecture et de l’écriture peuvent être à l’origine des obstacles à l’appropriation et à l’acquisition des compétences nécessaires en lecture et en écriture, car « l’individu valorise ou dévalorise les savoirs et les activités qui s’y rapportent en fonction du sens qu’il leur confère »65

L’acte d’écrire n’est pas un acte sans influences sur le sujet écrivant, or l’apprenant sent une certaine angoisse face à la page blanche en plus du désarroi qu’il éprouve pour utiliser le français langue étrangère comme moyen de communication. Comme l'a déjà explicité Dabène «la compétence scripturale est un lieu de conflits et de tensions qui engendrent le plus souvent un état anxiogène chez l’usager.»66 . Autrement dit, approcher l’écriture pour des apprenants en difficultés et qui entretiennent sérieusement durant de longues années des représentations négatives du FLE et de son appropriation à l’écrit en plus

63Jean-Marie SECA. (2002). Les représentations sociales. Paris. Edition ARMAND COLIN. P. 40.

64Sébastien OUELLET. (2011). Thèse de Doctorat. « Le sujet lecteur et scripteur : développement d’un dispositif didactique en classe de littérature. P. 16.

65Sébastien OUELLET. (2011). Thèse de Doctorat. « Le sujet lecteur et scripteur : développement d’un dispositif didactique en classe de littérature. P. 16.

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de cet aspect particulier de l’acte d’écrire (blocage et frustration de la page blanche) sont des éléments qui écartent toute possibilité d’acquisition ou d’appropriation de la langue.

6. ECRIRE EN ATELIER ET REAJUSTEMENT DE LA