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2   Cadre conceptuel 31

2.1  Dimensions de l’acceptabilité sociale : revue des écrits 31 

2.1.3  Processus décisionnel : participation des parties prenantes 40 

prenantes

Dans la littérature scientifique sur l’acceptabilité sociale, les auteurs consultés reconnaissent l’importance de la participation des acteurs sociaux au processus décisionnel et y voient un facteur constitutif de l’acceptabilité sociale des projets (Gross, 2007; Mc Laren Loring, 2006; Jobert, 2006; Devine Wright, 2005; Krohn, 1999). Selon Gross (2007), les décisions portant sur l’implantation d’infrastructures de développement et l’exploitation des ressources naturelles peuvent compromettre le bien-être de la communauté si celles-ci sont perçues comme injustes, c’est-à-dire qu’elles conduisent à une répartition inégale des avantages et des inconvénients au sein de la communauté. L’objectif de la recherche a consisté à vérifier dans quelle mesure l’application des principes de la justice procédurale peut améliorer l’acceptabilité des décisions en la rendant plus légitime. Elle s’appuie sur le postulat que les acteurs ont des préoccupations de contenu (justice distributive), mais également des préoccupations de processus (justice procédurale).

L’enquête démontre que le processus décisionnel a un effet sur la perception de la légitimité de la décision. Un processus perçu comme inéquitable peut avoir pour effet de transformer une attitude initiale positive en une attitude neutre ou négative, et remettre en cause la légitimité de la décision. La FIGURE 2-2 présente de façon schématique la relation entre attitude, perception du processus et légitimité de la décision.

Figure 2-2 : Relation entre attitude, perception du processus et légitimité de la décision Source : Gross (2007) ATTITUDE INITIALE POSITIVE ATTITUDE INITIALE NEUTRE ATTITUDE INITIALE NÉGATIVE PROCESSUS

ÉQUITABLE 1 INÉQUITABLE PROCESSUS

NOUVELLE PERCEPTION NEUTRE NOUVELLE PERCEPTION NÉGATIVE DÉCISION LÉGITIME DÉCISION NON LÉGITIME

Les participants à l’enquête considèrent inéquitable un processus décisionnel lorsque : 1) un processus est mené dans le secret, 2) les moyens utilisés pour garantir la participation de toutes les partie prenantes sont insuffisants (diffusion de l’information34, possibilité de participer au débat et de donner leur opinion sur le projet, de participer à la décision). Les propositions des participants à l’enquête pour améliorer la légitimité de la décision sont :

• Processus de consultation : consultation en amont de la planification et transparence • Information sur étude d’impacts sociaux: disponibilité, impartialité, indépendance des

sources

• Participation aux discussions : participation de toutes les parties prenantes

• Enjeux soulevés : répondre aux enjeux soulevés et justifier l’évaluation des impacts Dans une recherche réalisée par McLaren Loring (2006) sur dix-huit cas, la participation du public dans le processus de planification est vue comme un moyen de traiter des préoccupations des résidants et de diminuer les conflits. L’auteure analyse le lien entre quatre variables : la participation de la communauté, la stabilité des réseaux sociaux d’appui ou d’opposition, l’acceptabilité sociale, le succès de la planification d’un projet spécifique. Les indicateurs utilisés dans la recherche pour mesurer chaque variable sont les suivants :

Participation de la communauté :

• Représentativité des participants sur le plan politique (personnes affectées) • Absence de barrière à la participation

• Pouvoir d’influence sur la décision • Participation financière au projet • Initiative des acteurs locaux

• Suivi du projet à l’étape de l’exploitation Stabilité du réseau de support ou d’opposition

• Relations fortes entre acteurs en sein du réseau • Formalisation des positions par des écrits • Diversité des acteurs

• Présence de leaders Acceptabilité sociale

• Sondages d’opinion favorable au projet durant la phase de planification • Groupes d’intérêt principaux en faveur du projet

• Participants aux rencontres publiques généralement en faveur du projet

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Selon les études empiriques réalisées dans différents pays, la diffusion de l’information auprès des citoyens sur le fonctionnement de la technologie et les résultats de l’évaluation du risque ne conduit pas nécessairement à une diminution des oppositions. Les citoyens sont plutôt intéressés à obtenir de l’information leur permettant d’établir dans quelle mesure ils peuvent faire confiance dans les professionnels responsables. Le public doit faire confiance dans l’information diffusée par les autorités et sur les choix faits par les gouvernements, l’industrie et d’autres professionnels. L’acceptabilité sociale dépend de cette confiance (Huijts, 2007).

Rapport final Développement territorial et filière éolienne

• Faible manifestation d’opposition auprès des autorités publiques et dans les journaux

• Manifestation d’appui auprès des autorités publiques et dans les journaux • Couverture positive des médias

Succès du projet

• Autorisation obtenue

• Temps pour obtenir la décision (faible) • Appel de la décision pas nécessaire

• Absence de requêtes coûteuses de la part des autorités publiques visant l’obtention d’information supplémentaire de la part du promoteur

• Conditions de réalisation du projet ne nécessitant pas de coûts élevés ou de délais pour la réalisation du projet

En ce qui concerne le lien entre la participation et l’acceptabilité sociale, la recherche démontre que l’utilisation intensive de méthodes pour faire participer le public à l’étape de la planification du projet contribue à son acceptabilité sociale. Elle confirme ainsi la théorie de la planification participative selon laquelle la diffusion d’information tôt dans le processus de planification favorise la construction d’une perception positive d’un projet spécifique par la diminution des appréhensions concernant ses impacts et la prise de conscience de ses retombées potentielles. Toutefois, selon l’auteure, « l’utilisation moins intensive de méthodes pour faire participer le public » ne conduit pas automatiquement à un niveau plus faible d’acceptabilité sociale du projet.

Cette conclusion semble étonnante à première vue. Mais comme nous verrons à la sous- section 2.2.1.3.7 « Pertinence de l’information produite et évaluation des impacts sociaux (ÉIS) », dans un cas documenté par Côté (2004), le projet bénéficiait d’un niveau élevé d’acceptabilité sociale avant même le déclenchement du processus d’évaluation des impacts sur l’environnement (ÉIE) et la tenue de consultations. Dans ce cas spécifique, la participation du public dans le processus de planification n’a pas joué de rôle significatif dans la « construction de l’acceptabilité sociale » du projet.

L’étude de McLaren Loring (2006) établit également qu’il n’y a pas nécessairement de relation entre la présence d’un réseau stable d’appui et les chances d’un projet d’être autorisé. Un réseau stable d’appui ne constitue donc pas une condition pour la réussite d’un projet à l’étape de la planification. Cette conclusion trouve confirmation dans le cas documenté par Côté (2004) où l’appui au projet s’est manifesté de façon tacite plutôt que par des gestes positifs par la création d’un réseau plus ou moins formalisé. Toutefois, selon McLaren Loring (2006), la présence d’un réseau stable d’opposants diminue les chances d’un projet d’être autorisé. Même si, comme le souligne l’auteure, il n’y a pas d’automatisme dans ce domaine, la présence de réseaux organisés favorise la maîtrise par les opposants des enjeux de la controverse suscitée par un projet spécifique.

Cette conclusion de l’auteur trouve confirmation dans le cas du projet de construction d’installations de production d’électricité sur la rivière Ashuapmushuan (Lac – Saint-Jean – Québec). Le réseau des opposants a réussi à mobiliser une partie de la population autour de l’idée que la rivière constitue une composante essentielle du patrimoine régional, et qu’il est nécessaire de la conserver dans son état naturel. Dès lors cet enjeu « non négociable » (suivant la typologie des enjeux d’Elliott (1988) évoquée précédemment) est devenu à l’avant-plan de la controverse, toute mesure visant à atténuer les impacts du projet et à en

maximiser les retombées sur le plan économique devenait inopérante pour favoriser une meilleure acceptabilité sociale du projet. Plusieurs années après le début de la controverse, le débat a toujours cours au sein des populations concernées.

Par ailleurs, Jobert et al. (2006) considèrent important de prendre en compte les préoccupations des acteurs dans la gestion des projets. Ils recommandent à cet égard l’adoption d’une approche ouverte dans la détermination des personnes concernées ou affectées par le projet. Ils suggèrent à cet égard de ne pas se limiter aux résidants du territoire de la municipalité d’accueil mais également aux territoires limitrophes.

Notons que dans le domaine de l’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE), la détermination de la zone d’étude est une composante très importante du processus parce qu’elle implique d’identifier a priori les collectivités affectées ou concernées par un projet. Aussi, elle peut être l’objet de désaccords entre les acteurs du processus d’ÉIE.

Enfin, Devine-Wright (2005) souligne que les études réalisées à ce jour sur l’implication politique ou économique des communautés locales (participation du public dans la décision d’implantation – contrôle du développement et de la planification du territoire, participation au processus décisionnel – participation financière au projet35 – participation à la distribution des retombées des projets) ont un impact positif sur leur perception des projets éoliens. Toutefois, ce dernier note qu’on ne peut pas prendre pour acquis l’intérêt des communautés à investir dans des projets éoliens. Le contexte culturel peut expliquer le niveau d’intérêt inégal des communautés à investir.

En somme, nous retenons de la littérature scientifique consultée que les caractéristiques du processus décisionnel, et plus particulièrement celles relatives à la participation des parties prenantes à la planification du projet, sont un des éléments constitutifs de l’acceptabilité sociale de projets spécifiques. Toutefois, il n’y a pas d’automatisme dans ce domaine. L’acceptabilité sociale est un construit social qui découle de l’interaction entre les parties prenantes. Les dispositifs participatifs peuvent avoir une influence sur ces interactions et la perception des parties prenantes mais ils ne la déterminent pas.