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2   Cadre conceptuel 31

2.2  Vers la construction d’un modèle de l’acceptabilité sociale 45 

2.2.2  Notion de développement territorial durable 65 

Tel que mentionné dans le devis de recherche, notre analyse de la problématique de l’intégration d’installations éoliennes s’inscrit dans une perspective de «développement territorial durable». En effet, les chercheurs de quatre constituantes du réseau des Universités du Québec, soit celles de Rimouski (UQAR), de Chicoutimi (UQAC), de l’Outaouais (UQO) et de l’Abitibi Témiscamingue (UQAT), réunis depuis 2003 au sein du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT), s’intéressent de longue date aux questions de développement territorial. Les travaux réalisés notamment par les chercheurs du Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional de l’Est du Québec (GRIDEQ) à l’UQAR et du Groupe de recherche et d’intervention régionales (GRIR) à l’UQAC témoignent de cet intérêt.

Pour ces chercheurs, le «développement territorial» désigne un courant de recherche qui s’intéresse aux processus et aux dynamiques territorialement ancrés de développement, dans la perspective de les identifier, de les décrire et de les rendre intelligibles. L’objectif de la recherche consiste alors « […] à comprendre comment les acteurs qui habitent les

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collectivités et les sociétés interagissent avec des territoires qu’ils construisent et structurent tout en étant structurés par eux. » (Jean 2006, p. 468)

Paradigme émergent

D’aucuns considèrent que le «développement territorial» appartient à un paradigme en émergence par rapport à l’approche classique du développement (Jean, 2006). Dans l’approche classique, inspirée par la pensée économique (classique), la spécificité des territoires est reconnue, mais uniquement par rapport aux facteurs de production, et partant aux avantages comparatifs découlant notamment de leurs caractéristiques biophysiques (dotation en ressources naturelles) et de leur positionnement stratégique (proximité des marchés ou des voies de communication), etc. Le milieu humain est considéré à cet égard en fonction de son pouvoir attractif en termes d’environnement social et de disponibilité de ressources humaines.

Dans l’approche territoriale, la problématique du développement se situe davantage au niveau de la «dynamique endogène des milieux». Elle s’appuie sur l’hypothèse qu’il existerait des dynamiques territoriales spécifiques capables de susciter des processus d'innovation territoriaux qui se situent en marge des mécanismes du marché. Le rôle des acteurs sociaux dans la capacité d’innovation et de dynamisme économique est dès lors reconnu. Le territoire n’est plus donné a priori, comme c’est le cas en théorie économique classique, mais est construit grâce à la dynamique de ses acteurs.

L’approche territoriale s’est développée autour de quatre courants de recherche principaux : 1) développement hiérarchisé et situé, 2) développement territorial ou territorialisé, 3) développement humain et social, 4) l’éco-développement (Lafontaine, 2005). (ENCADRÉ 1) Parmi ces courants de recherche celui du «développement territorial ou territorialisé» dans lequel s’inscrivent une bonne partie des travaux des chercheurs du GRIDEQ met l’accent sur les dynamiques d’acteurs et les cadres politico-sociétaux ou territoriaux, de vie, et leurs articulations multiscalaires. La problématique des inégalités de développement et les phénomènes de polarisation spatiale constituent des thèmes de recherche importants.

Encadré 1 : Approche territoriale : courants de recherche

1) Développement hiérarchisé et situé :

Ce courant de recherche met l’accent sur l’étude des complexes industriels territorialisés, les facteurs économiques et institutionnels, le rôle de compétence, les systèmes d’innovation, et cela dans une perspective de soutien de la compétitivité des entreprises et des régions dans un monde considéré comme hiérarchisé ou polarisé. (p.365)

2) Développement territorial ou territorialisé :

Ce courant de recherche dans lequel s’inscrivent une bonne partie des travaux des chercheurs du GRIDEQ met l’accent sur les dynamiques d’acteurs et les cadres politico-sociétaux ou territoriaux, de vie, et leurs articulations multiscalaires. La problématique des inégalités de développement et les phénomènes de polarisation spatiale constituent des thèmes de recherche importants. (p. 365)

3) Développement social et humain :

Ce troisième courant s’intéresse plutôt aux besoins de base et culturels, ainsi qu’aux questions de libertés et de capacités de choix personnels, d’accès aux ressources matérielles et immatérielles, ainsi qu’aux processus démocratiques.

4) L’éco-développement :

Enfin, les recherches s’inscrivant dans le quatrième courant portent sur l’intégration des dimensions du développement durable ou viable, à la fois sociales et institutionnelles, économiques et biophysiques du développement, et cela «… tout en souscrivant à des valeurs normatives d’équité, d’efficience et de transmission de patrimoines naturel et culturel aux générations humaines à venir.» (Lafontaine, 2005, p. 367)

Comme le souligne Lafontaine (2005), ce courant s’intéresse davantage «aux acteurs humains en tant qu’unités motrices centrales » que le courant du « Développement hiérarchisé et situé » dont l’attention est plus orientée vers les échanges économiques ou la firme. Enfin, selon l’auteure certains rapprochements peuvent être faits avec les troisième et quatrième courants du développement dit humain et du développement durable (Lafontaine, 2005, p. 365).

Un exemple d’application de la notion de «développement territorial» est celui de l’élaboration d’un modèle de suivi et d’évaluation du dispositif du Pacte rural55 par un regroupement de chercheurs du réseau des Universités du Québec (CRDT, 2007).

Représentation théorique de la dynamique du développement rural

Dans le modèle de suivi et d’évaluation du dispositif du Pacte rural (FIGURE 2-4), les «collectivités rurales» sont considérées comme des systèmes dynamiques à la fois spécifiques et interreliés à des systèmes se situant à des échelles spatiales plus grandes (p. 9). Ces systèmes se caractérisent par une configuration de capitaux (ou ressources) spécifiques (composante 1 du modèle) qui sont variablement activés suivant la mobilisation des acteurs territoriaux et des actions ou projets mis en œuvre (composante 2 du modèle).

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Les capacités de mobilisation «… font en particulier référence aux capacités des acteurs locaux à stimuler la participation civique, à faire naître une volonté commune d’intervenir, à soutenir des organisations territoriales de développement et à en faire naître, à stimuler la formation de réseaux d’acteurs et l’implication de bénévoles à des fins de développement.» (p. 59) L’engagement citoyen «… concerne les processus d’information, de consultation, de concertation et de participation à la prise de décision» (p. 69) La gouvernance locale «… concerne les mécanismes et processus de mise en coordination des ressources et la coopération territoriale, les réseaux, les partenariats et la confiance mutuelle.» (p. 82)

Les objectifs des actions ou projets innovants doivent être cohérents avec les orientations de la politique. Dans le cas à l’étude, il s’agissait des orientations de la Politique nationale de la ruralité dont émane le dispositif de Pacte rural. Mais il pourrait s’agir d’autres politiques ou programmes de développement territorial.

La troisième composante du modèle est le développement. Une des définitions de la notion de «développement» à laquelle se réfèrent les auteurs, celle de Perroux (1961), est la suivante. Le développement est : « […] la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement son produit (L’économie du XXe siècle, 1961, p.191» (p. 210). La capacité de développement est définie par :

• la capacité d’une communauté à identifier et relever les défis du développement économique sur une base durable par la maîtrise collective des options sociales, économiques, technologiques et environnementales permettant de trouver des solutions à long terme aux problèmes de la collectivité,

• la capacité des acteurs locaux à élaborer une vision de leur territoire, de ses ressources et de ses environnements externes, à élaborer un plan ou une stratégie d’action, comme à identifier des priorités et à favoriser l’engagement par l’entremise de processus de consultation,

• la capacité des acteurs locaux à effectuer des suivis de ses stratégies. (p. 210) Par ailleurs le développement découle des actions entreprises dans le cadre de projets, et cela dès leur conception. «À toutes les phases d’un projet, les actions qui y puisent leur dynamique, exercent des «effets» et sont susceptibles d’avoir des «retombées» à travers l’espace et le temps.» (p. 216)

Enfin, la dernière composante du modèle est la notion de «communautés territoriales durables» est définie comme :

Figure 2-4 : Modèle causal du développement rural considérant le dispositif des Pactes ruraux

Environnement économique Environnement politique

2. Mobilisation Engagement citoyen Gouvernance locale Actions innovantes 1. Capitaux Capital humain Capital institutionnel Capital financier et économique Capital physique Capital naturel 3. Développement Capacité de développement Actions et dynamiques de développement 4. Communautés territoriales durables Bien-être de la population Qualité de vie Durabilité U S A G E S

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« […] un système territorial durable, des collectivités rurales durables, des territoires durables, ceci à long terme, au Québec […] seraient ceux où un ensemble de personnes56 parviendraient démocratiquement ensemble à définir des options et à coopérer pour mettre en œuvre des stratégies d’utilisation des ressources (ou «capitaux», «patrimoine»), de façon à assurer leur renouvellement à long terme et à en créer de nouvelles afin de satisfaire leurs besoins, améliorer leur bien-être et leur qualité de vie, tout en étant en mesure de faire face ensemble à des difficultés et à des risques prévus ou imprévisibles. » (p. 273)

Des indicateurs de suivi et d’évaluation du dispositif de Pacte rural ont été identifiés pour chaque composante du modèle. Aussi, à titre d’exemple, les indicateurs relatifs à la « capacité de mobilisation » sont les suivants:

• Mise en place de mécanismes visant à stimuler la participation des acteurs et des organismes locaux et de la MRC aux activités et projets soutenus par le Pacte rural • Mise en place d’un regroupement ou d’un réseau des acteurs associés aux activités

ou aux projets soutenus par le Pacte (par municipalité, inter-municipal, MRC)

• Types d’organisations du milieu impliquées dans la mise en œuvre du Pacte rural (non lucratifs, instances publiques formées d’élus, organismes publics et parapublics, coopératives, entreprises privées)

• Naissance de nouveaux organismes

• Reconnaissance du travail des bénévoles impliqués dans le Pacte rural • Processus de reconnaissance du travail des bénévoles.

En ce qui concerne «l’engagement citoyen» les indicateurs sont les suivants: • Information : quels moyens ont été utilisés?

• Mise en place d’un mécanisme de collecte d’informations au sujet des activités et projets soutenus par celui-ci dans la MRC?

• Processus continu de diffusion de l’information au sujet du PR

• Consultation de la population au sujet des orientations ou des objectifs du développement en milieu rural

• Concertation entre les acteurs autour de projets soutenus par le Pacte et destinés aux collectivités rurales

• Augmentation de l’implication effective des citoyens des collectivités rurales de la MRC dans la recherche de solutions aux principaux problèmes qui les touchent • Augmentation de la participation des citoyens aux comités, aux activités ou aux

projets soutenus par le Pacte

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En santé, éduquées, actives, créatives et inventives partageant un territoire et qui s’entraident, incluant les femmes, les jeunes, les autochtones et les personnes âgées ou vulnérables, dont les besoins de base et les aspirations variées sont satisfaites ou en mesure de s’exprimer.

En somme, le modèle de suivi et d’évaluation du dispositif du Pacte rural constitue un exemple d’application du concept de développement territorial à l’analyse d’un dispositif rattaché à la mise en œuvre d’une politique utilisant des indicateurs spécifiques. Le modèle pourrait être appliqué à l’analyse d’autres dispositifs et d’autres politiques et programmes, ou même à des projets spécifiques.