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4   RÉSULTATS D’ENQUÊTE 85

4.2  Développement territorial 133 

4.2.2  Développement 141 

4.2.2.2  Élaboration de normes d’implantation pour des projets

spécifiques à l’échelle d’une MRC

À la sous-section 4.2.1.1, nous avions fait état des commentaires des répondants R14 et R15 concernant les difficultés de coopération entre les élus locaux au sein du Conseil de la MRC. Le répondant R15 a évoqué la compétition entre élus pour l’obtention de projet éolien sur le territoire de leur municipalité et du climat de méfiance que la protection de leurs intérêts à cet égard peut susciter au sein de leur Conseil de la MRC au moment de discuter de l’élaboration de normes d’implantation de projet. Le répondant R14 considérait que l’enjeu du projet sur le plan de la gouvernance consista à faire prendre conscience aux élus locaux de leur rôle au sein du Conseil de la MRC. Malgré les difficultés rencontrées à cet égard, des avancées ont été réalisées vers la construction d’une vision partagée du territoire sur certaines questions spécifiques.

Le répondant R14 considère que le projet de parc éolien sur le territoire de la MRC a été l’occasion pour les autorités municipales de prendre conscience de l’importance d’encadrer les activités de développement économique et de leur rôle à cet égard, ainsi que de la nécessité d’adopter une vision partagée de certains enjeux qui débordent le cadre des municipalités locales. Le répondant cite l’exemple du paysage qui constitue un enjeu de

toute première importance et qui, selon ce dernier doit être traité à l’échelle de la MRC plutôt qu’à celle des municipalités locales.

Un des gestes courageux de la MRC, une grosse victoire que j’ai réussi à obtenir, de convaincre les élus qui sont par définition pour le développement économique de leur municipalité d’adopter un règlement qui risquerait de compromettre un projet économique et leur dire le projet économique; oui c’est intéressant, mais pas à n’importe quel prix et c’est juste normal d’encadrer des choses. Ça pas été évident.

D’ailleurs le RCI n’a pas passé à l’unanimité. Il y a eu des maires qui se sont opposés en disant que la MRC n’a rien à faire là-dedans, c’est local comme enjeu.

Regardez la MRC a été créée pour ça, s’il y avait un enjeu qu’on pouvait imaginer qui avait des impacts régionaux ça serait celui-là. On ne peut pas en imaginer un […] un impact plus important au niveau paysage. On comprend que les hauteurs de clôtures, c’est vous qui faites ça mais un projet qui a un impact potentiel aussi grand sur le territoire, sur l’image de toute une région c’est normal que collectivement les municipalités se mettent d’accord sur des règles à suivre. (R14, p. 6-7)

L’impression que le promoteur ne tenait pas compte des autorités municipales a joué pour plusieurs élus dans la décision d’adopter une position commune forte. L’atteinte d’un consensus a nécessité de la part du répondant un travail de conviction auprès des élus qui s’est échelonné sur plusieurs mois. Il fallait convaincre les élus des municipalités limitrophes aux municipalités où se situait le site d’implantation du projet qu’elles seraient affectées sur le plan visuel, et partant, qu’il fallait adopter un règlement de contrôle intérimaire (RCI) à l’échelle de la MRC qui encadre l’implantation des projets éoliens.

Selon le répondant, le travail de conviction effectué par ce dernier et le préfet de la MRC qui a conduit à l’élaboration du RCI, a eu pour effet de renforcer la crédibilité de la MRC auprès de la population en tant qu’institution importante pour traiter d’enjeux à l’échelle régionale.

… puis ça été un travail de démarchage (sic) et quand on a senti le dg et moi que les élus sont prêts, là on y est allé. Mais il y a eu un débat, ça pas été facile mais rétroactivement ça été un des gestes les plus forts, les plus importants que la MRC a posé dans son histoire d’adopter un règlement régional sur un enjeu aussi important et qui a ouvert la porte à toute l’implication qui a suivi où la MRC a gagné en crédibilité, la place qu’elle a prise dans la population comme interlocuteur important pour les enjeux et projets régionaux. Ce n’était pas si évident que ça avant le projet éolien. Donc l’amorce c’est l’adoption du RCI. […] Je pense que oui et le petit débat sur l’adoption du RCI ça été un point tournant. On prend nos responsabilités et c’est la MRC qui est la meilleure instance pour règlement, pour imposer les règles et pour la première fois de l’histoire la MRC impose des règles… (R14, p. 6-8)

Le préfet de la MRC, a joué un rôle important dans la prise de conscience des élus locaux de leur rôle au sein du Conseil de MRC, de la nécessité «d’enlever leur chapeau de maire pour mettre celui de conseiller de comté».

Rapport final Développement territorial et filière éolienne

Quand on est à la MRC, on enlève le chapeau de maire on est un conseiller de comté et il faut, on peut à la limite voter pour une résolution à la MRC et voter contre la même résolution quand on est chez-nous, mais il faut prendre le recul quand on est à la MRC. Ça, il avait travaillé là-dessus pendant une couple d’années avant le dossier […] et il s’est tenu à ce genre d’attitude-là et il a tenu à ce que la MRC adopte des positions fortes par rapport au dossier […] tout le long et de dire regarder on comprend le débat mais il faut que l’on reste uni, il faut que la MRC puisse parler d’une seule voix, c’est important que la MRC prenne un rôle grandissant. Il a joué un rôle de leader. (R14, p. 6-8)

Le répondant R15 considère que les élus réunis au sein du Conseil de la MRC sont sortis grandis de l’expérience dans la mesure où ils ont su se concerter et rester unis dans un contexte difficile.

On est sorti grandi, parce que ça aurait été facile de baisser les bras et que le rouleau compresseur passe. […]

… dans la MRC, on a développé une plus belle cohésion parce que sur ce dossier-là, pas avoir montré ce visage uni-là tout le temps on aurait eu des problèmes. (p. 11-13)

Le répondant explique également que l’adoption du règlement de contrôle intérimaire a suscité beaucoup d’intérêt. Le niveau de participation des citoyens aux réunions publiques du Conseil de la MRC s’est accrue (de 15 à 30 personnes présentes de façon récurrente aux réunions alors qu’habituellement il n’y a personne dans la salle), de nombreuses questions ont été posées par l’assistance.

Enfin, le répondant fait état du travail réalisé au sein de la MRC pour développer une approche intelligente qui, au niveau des discussions avec le promoteur, ne se limite pas à un oui ou à un non. Plutôt la MRC a mobilisé et optimisé l’usage de ses ressources afin de trouver des réponses aux problèmes soulevés par la réalisation du projet.

Mais on a une petite équipe, […]. Les gens de NOM DU PROMOTEUR, avec NOM DU CONSULTANT, qui ont la science infuse alors que nous on avait le directeur général, qui est un ancien aménagiste, on avait le directeur de l’aménagement, c’étaient les seules ressources que l’on avait au départ, on a fouillé et nos ressources nous ont permis de développer une approche plus intelligente, de faire un peu obstacle aux prétentions du promoteur alors que l’on se doutait que c’était faux mais avec ce que l’on a fouillé ça nous a permis d’avoir un discours plus élaboré et d’aller au-delà du non ou du oui. Si c’est oui c’est par rapport à ça si c’est non c’est par rapport à ça. (R15, p. 11- 13)

Toutefois, à la suite de l’adoption du règlement, le promoteur et la MRC ont engagé des négociations concernant les modalités de son application. Il était évoqué pour justifier ces négociations qu’il serait possible d’accommoder le promoteur dans l’éventualité où il est possible d’atteindre autrement les objectifs des normes édictées. Le répondant R14 note

l’élaboration d’une quarantaine de plans d’implantation dont cinq ou six qui comportaient des modifications importantes. Les parties n’ont pu en arriver à une entente avant la publication du rapport du BAPE, et cela d’autant que la MRC souhaitait pouvoir y trouver des arguments en appui de l’application de sa réglementation.

Dans les faits, le rapport de la commission, considérait non seulement que les normes contenues dans le RCI constituaient des normes minimales, mais qu’il fallait aller plus loin et revoir le projet à la lumière d’une analyse paysagère rigoureuse en concertation avec la population (R14, p. 12). Selon le répondant R14, en clair, il fallait recommencer sans tenir compte du plan d’implantation proposé par le promoteur, agrandir le territoire d’étude et voir sur ce territoire d’étude agrandi, comment il est possible de mettre des éoliennes et où. Un comité de concertation d’une vingtaine de personnes composé de représentants du promoteur, d’élus, de propriétaires fonciers (agriculteurs signataires de contrat d’option), de représentants d’organismes privés et publics oeuvrant dans le domaine du développement économique et de résidents a été mis sur pied pour rechercher des solutions à la suite du rapport du BAPE. Le promoteur se refusait à appliquer les recommandations du BAPE compte tenu qu’il ne disposait pas de données de vent à l’extérieur de la zone d’étude considérée dans son étude d’impact (R14, p. 16).

Toutefois, le répondant R14 est critique à certains égards de la démarche de concertation adoptée.

Le comité de concertation est une game dangereuse… [en ce sens que… ] C’est assez fermé, il y a plein de tractations politiques qui peuvent se jouer, tandis qu’une commission du BAPE c’est plus ouvert, plus transparent, tu as des études, des mémoires les gens disent, il y a des commissaires en- dehors de tout ça et viennent dire ce qu’on en pense. C’est plus neutre. Oui c’est important le comité de concertation mais nous, on l’a fait à l’envers à la toute fin. Le comité de concertation […] il faut que ce soit le plus tôt possible pour dégager des consensus régionaux sur les territoires qu’on veut exploiter, la façon d’implanter les éoliennes. Après ça, on fait le plan d’implantation, les études d’impacts et le BAPE. Le comité de concertation c’est vraiment avant, au tout début. Là, on l’a fait à la toute fin au moment où les intérêts étaient les plus forts [Les intérêts sont campés, les gens avaient des intérêts à défendre] Oui les gens voyaient déjà les éoliennes chez eux… (R14, p. 19)

Finalement, après de nombreuses négociations au sein et en marge des travaux du comité, un plan d’implantation a été adopté mais à l’intérieur des limites du plan original. Le répondant R14 considère que les meubles ont été sauvés.