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4   RÉSULTATS D’ENQUÊTE 85

4.2  Développement territorial 133 

4.2.2  Développement 141 

4.2.2.3  Montage de projets éoliens par des municipalités locales 147 

Dans un des cas à l’étude, des municipalités et des acteurs des organismes locaux de développement économique se sont concertés pour mettre sur pied un projet de parc éolien. Selon le répondant R4, le projet découle du leadership exercé par deux ou trois élus qui ont su rallier leurs collègues à l’idée de mettre sur pied un projet de parc éolien auquel participeraient les municipalités et les organismes de développement du milieu, le Centre

Rapport final Développement territorial et filière éolienne

local de développement (CLD) et la Société d’aide au développement des collectivités (SADC); ce qui n’a pas été facile compte tenu qu’il y avait d’autres projets de parc éoliens pilotés par des entreprises privées dans les municipalités concernées et que les maires ne voulaient pas que leur implication dans la réalisation d’un «projet communautaire» interfère avec ces derniers.

Selon le répondant, le montage du projet a suscité le développement d’un nouveau modèle d’affaires permettant d’utiliser deux véhicules pour permettre la participation d’une gamme élargie d’investisseurs; soit la coopérative et la société en commandite. L’originalité du modèle est de créer une structure qui permette de mettre à contribution le système coopératif et le système privé des sociétés en commandite.

Ça s’est pensé en fonction des avantages fiscaux. Revenu Québec, Revenu Canada permettent certains avantages fiscaux pour l’individu, c’est mieux à travers la formule coop et pour les entreprises, c’est à travers la société en commandite. Ce qui fait que ce mixe entre deux mécaniques différentes, et le monde des entreprises et le monde des individus se regroupent à travers un projet communautaire, c’est très innovateur, on a réussi à tricoter quelque chose qui avait drôlement du sens. Qui va maximiser les avantages fiscaux pour les différents groupes et pour une petite population de 18 000 habitants à aller chercher 23-25 millions, c’est quelque chose. […]

[Dans le modèle classique de la COOP], les gens se capitalisaient par leurs membres exclusivement. [Dans le modèle], … tous les individus qui vont vouloir embarquer dans la coop ou même s’ils voulaient prendre des parts privilégiés sans nécessairement être membres pourront investir dans la coopérative ou dans la société en commandite pour les entreprises. C’est vraiment une innovation pour aller chercher des capitaux. (R4, p. 23-25)

Selon le répondant, c’est l’engouement suscité par le développement de l’éolien qui aurait suscité le développement d’un nouveau modèle d’affaires.

C’est cet eldorado d’éolien, d’un côté énergie verte. […] C’est pour ça qu’il y a eu un exercice pour trouver toutes les options fiscales possibles.

Ce dernier considère que le modèle coopératif permet aux individus et aux organismes communautaires de participer à des projets éoliens comme cela s’est fait en Europe et aux États-Unis.

Conclusion du chapitre 4

Tous les facteurs constitutifs de l’acceptabilité sociale identifiés dans la littérature scientifique consultée se retrouvent dans les données empiriques de l’enquête. Ils touchent le cadre institutionnel, les caractéristiques du projet, le processus décisionnel et le contexte social. Ces données touchent également le développement territorial.

Dans la littérature scientifique consultée, les auteurs considèrent que le cadre institutionnel de l’implantation de la filière, peut constituer un facteur constitutif de l’acceptabilité sociale des projets éoliens dans la mesure où ce dernier a une incidence sur le type de projets

proposés. L’envergure des projets, favorisés par des stratégies d’implantation axées sur le plus bas coût, a eu pour effet de susciter les appréhensions des populations quant à l’ampleur de leurs conséquences sur les milieux physique et humain. De plus, selon les auteurs, la perception des populations de l’absence d’encadrement institutionnel, a eu pour effet de créer beaucoup d’incertitude parmi les populations, et partant de susciter des phénomènes d’opposition (provisoire) voire même de rejet (permanent) des projets.

L’enquête démontre que certaines caractéristiques de la stratégie de développement de la filière et l’absence relative de normes d’implantation pour la réalisation des premiers projets ont eu pour effet de susciter beaucoup d’inquiétude parmi les populations potentiellement concernées ou affectées compte tenu notamment du processus (confidentiel) de constitution des réserves foncières et de l’absence de normes en matière d’aménagement du territoire établies au préalable. L’enquête révèle également des divergences d’opinion marquées concernant plusieurs aspects du développement de la filière et ses enjeux.

Quant aux caractéristiques des projets, leur envergure (grande taille), le choix du site (proximité des zones habitées) et la configuration spatiale des équipements (forte concentration des éoliennes) font partie des considérations évoquées par les répondants en lien avec l’intensité des impacts des projets, notamment sur le paysage. En ce qui concerne plus spécifiquement les impacts des projets, des préoccupations ont été soulevées en ce qui concerne l’impact cumulatif de la multiplication des projets sur le territoire régional Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine. L’incertitude entourant la durée des implantations constitue un autre sujet de préoccupation.

Également, l’enquête révèle deux approches d’implantation des projets concernant le paysage. La première axée sur l’intégration à l’environnement physique et humain par l’architecture du projet (disposition des éoliennes afin d’en minimiser l’impact visuel) et la deuxième axée sur l’élaboration de paramètres édictés a priori, d’application universelle, pour la détermination du choix du site.

Les bénéfices des projets sur les collectivités locales occupent une place prépondérante des données d’enquête. La détermination du montant des redevances ou des contributions versées aux municipalités et aux individus est un sujet qui revient souvent. Mais également plusieurs répondants abordent la question des bénéfices sous l’angle de l’équité en comparant les projets des promoteurs au regard des retombées économiques pour les collectivités locales. La répartition des bénéfices des projets au sein des collectivités et la répartition des bénéfices entre les collectivités locales au sein du territoire régional ont été des questions abordées par les répondants.

L’origine et le contrôle des projets sont des préoccupations omniprésentes dans les commentaires de plusieurs répondants. Elles sont le point de départ d’une dénonciation de l’exploitation des ressources naturelles par des «sociétés étrangères» et d’un réquisitoire pour la prise en main des collectivités locales de leur développement.

Les considérations liées au processus décisionnel constituent une part importante des données d’enquête. La participation des acteurs sociaux au processus décisionnel a été l’objet de nombreux commentaires. La place de l’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE) dans la planification des projets, le moment de la participation des acteurs sociaux dans le processus d’ÉIE, la qualité et la pertinence de l’information produite sont parmi les thèmes abordés par les répondants.

Rapport final Développement territorial et filière éolienne

La détermination de l’appui à un projet est un autre sujet qui a retenu l’attention de certains répondants. Lorsqu’on dit que la majorité appuie le projet, de quelle majorité s’agit-il : celle constituée des résidents à proximité du site d’implantation ou qui le fréquentent régulièrement, des résidents de la municipalité d’accueil, des municipalités limitrophes ou de la région? Enfin, sauf exception, les répondants lient la question de l’acceptabilité sociale à la notion d’équité en analysant les avantages et les inconvénients du projet.

Pour ce qui est des caractéristiques du milieu social, les commentaires des répondants renforcent la notion que les projets éoliens n’interviennent pas dans un vacuum social et que les conflits existants ou passés au sein des collectivités locales peuvent influencer de façon assez marquée le déroulement de la controverse entourant la réalisation de ces projets. Également, compte tenu que les enjeux locaux et les façons de communiquer dans les collectivités locales ne sont pas les mêmes, il est difficile d’appliquer d’un modèle unique.

Enfin, le développement territorial occupe une place non négligeable dans les données d’enquête. En ce qui concerne le thème de la mobilisation, certaines caractéristiques des collectivités locales influencent leurs actions face au changement. Également, l’enquête met en lumière des tentatives de prise en main par les collectivités locales de leur développement par la mise sur pied de projets éoliens dont l’origine et le contrôle sont assumés par ces dernières. Enfin, des initiatives ont été prises par les acteurs locaux pour mettre en débat les enjeux d’un projet et trouver des solutions aux problèmes soulevés et les difficultés rencontrées à cet égard; notamment celles découlant des intérêts contradictoires des acteurs locaux dans le projet.

La question de la gouvernance locale a été abordée par les répondants sous l’angle de la collaboration entre les élus au sein des instances inter-municipales (Municipalités régionales de comté) et régionales ou hors instance dans le cadre d’initiative ad hoc pour la résolution de problèmes spécifiques.

Également, il a été question de la confiance des citoyens dans les élus locaux. Divers répondants remettent en question la capacité de ces derniers à représenter leurs intérêts, ainsi qu’à comprendre l’ensemble des enjeux du développement éolien et prendre des décisions éclairées à cet égard. Toutefois, dans certains cas à l’étude, les élus se sont mobilisés pour établir un cadre normatif en matière d’aménagement du territoire pour la réalisation de projets éoliens. Enfin, sur le thème du développement, la capacité des acteurs sociaux à élaborer une vision de leur territoire est abordée par les répondants au regard de trois objets différents :

1) le développement de la filière éolienne à l’échelle de la région de la Gaspésie – Îles- de-la-Madeleine,

2) l’élaboration de normes d’implantation de projets spécifiques à l’échelle d’une municipalité régionale de comté,

3) le montage d’un projet de parc éolien par des municipalités locales.

Les données d’enquête mettent en lumière les actions des acteurs locaux dans le cadre de l’implantation de la filière éolienne à l’échelle de la région Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine et de l’élaboration de normes d’implantation pour des projets spécifiques à l’échelle d’une MRC.

Dans le prochain chapitre, nous revenons sur les éléments de notre cadre d’analyse et les éléments de modélisation proposés.