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Entrer dans la réflexion éthique, c’est faire la démarche de s’informer, de se former, de s’approprier toutes les dimensions et la complexité des thèmes proposés, dans une attitude de questionnement large et ouvert vis-à-vis du savoir qu’ils apportent et des promesses qu’ils mettent en avant, en acceptant le regard de l’autre, l’écoute d’autres opinions que la sienne, au cœur d’un processus délibératif. Le CCNE souhaite continuer, dans le cadre de la consultation de la société, cette délibération collective la plus ouverte possible sur les finalités de la recherche dans sa pluridisciplinarité et les conséquences humaines des pratiques biomédicales. C’est cette délibération collective qui témoignera de notre capacité à faire vivre la démocratie.

3.1. Premier bilan des États généraux

Dans un premier temps, le CCNE avait analysé et tiré parti des expériences de consultation158 qui ont déjà eu lieu, en France comme à l’étranger, notamment celles conduites par la Commission nationale du débat public ou à travers la mise en place de conventions ou de conférences de citoyens, voire des conférences de consensus. Il en a déduit que la nature même des thématiques abordées nécessitait de mobiliser différents outils de consultation159 conçus pour se compléter et essayer de compenser les biais inhérents à toute modalité de consultation, mais aussi pour capter l’ensemble du savoir profane, car, dans un tel débat public, il est impératif de donner sa valeur à chaque opinion singulière. Ces États généraux ont

158 Le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique a publié en 2017 une « boite à outils » portant sur les démarches de participation citoyenne

(http://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/boite-outils-demarches-participation.pdf). On notera aussi que le projet de loi constitutionnelle inscrit le futur CESE comme la Chambre de la société civile animant notamment la participation citoyenne.

159 La consultation a été portée par différents canaux : un site Internet d’information et de consultation, des lieux diversifiés d’échanges en région, au plus près des personnes, avec la forte implication des Espaces de réflexion éthique régionaux, une écoute des experts et des porteurs d’idées à travers des rencontres et échanges avec les sociétés savantes, les associations et les grands courants de pensée, à leur demande, afin de recueillir l’éventail des points de vue sur les différents thèmes inscrits dans le périmètre des États généraux. Les modalités opératoires se voulaient être exigeantes, avec des garanties de transparence et un regard critique inédit assuré par un « comité citoyen », composé de 22 personnes anonymes, « représentatives » de la société dans sa diversité et ayant reçu préalablement une formation par des experts présentant l’ensemble des opinions sur une question donnée.

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donc privilégié le recueil des avis exprimés, sans entrer dans une logique de sondage. Les questions de bioéthique, par leur complexité, n’appellent pas, en effet, à simplement formuler un avis « pour » ou « contre », mais à engager et construire une réflexion sur les raisons qui motivent ces choix160.

Si la mobilisation citoyenne fut importante161, elle n’a cependant pas permis de donner une évaluation scientifique de l’état de l’opinion française, mais la possibilité de recueillir ce que les personnes interrogées attendent du système de santé et de la médecine.

Les États généraux de la bioéthique ont ainsi rappelé – une retombée essentielle du processus de débat public – qu’une véritable démocratie sanitaire mobilise plusieurs enjeux, à commencer par la prévention et l’éducation à la santé, l’accès à la santé étant un droit pour chaque personne, l’État devant garantir ce droit.

Certes, des progrès considérables, ayant fait évoluer les connaissances, mais aussi les pratiques médicales, ont été obtenus ces dernières années. Néanmoins, l’objectif utopique d’une santé « sans défaut » et d’une vie « sans risque », la prise en compte d’une certaine vulnérabilité et le soutien aux personnes fragilisées doivent aussi être clairement affirmés. Par ailleurs, la consultation fut l’occasion d’adresser en direction de la médecine, une injonction stimulante, celle de soigner bien entendu, mais aussi d’accompagner.

3.2. Les Espaces de réflexion éthique régionaux

Les Espaces de réflexion éthique régionaux, dont les missions sont distinctes et complémentaires de celles du CCNE, ont largement contribué à l’organisation de rencontres au plus près des citoyens. Ils constituent des acteurs-clés de la bioéthique sur le territoire. Leur mission est de diffuser une véritable culture éthique à la fois auprès des professionnels de santé, mais aussi, plus largement, auprès du grand public : ils assurent, dans cette perspective, une mission de formation, d’information et de documentation, ce qui se traduit notamment, pour le grand public, par l’organisation de rencontres et de débats. Adossés à des centres hospitalo-universitaires et sous la responsabilité des Agences régionales de santé (ARS), les Espaces de réflexion éthique ont fonctionné en étroite collaboration avec le CCNE pour les États généraux de la bioéthique où ils ont mis leur expérience à profit en coordonnant l’ensemble des débats en métropole

160 Le CCNE organisera en 2019 une rencontre organisée autour du débat public sur les questions de santé.

161 271 événements organisés en région et 21 000 participants ; près de 200 000 visiteurs uniques sur le site Internet et 30 000 participants qui ont posté près de 65 000 contributions dont l’ensemble a recueilli 833 000 votes ; 154 auditions d’associations, de sociétés savantes, de grandes institutions, de groupes de courants de pensée philosophiques ou religieux.

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et, pour la première fois, dans les Outre-mer (Guadeloupe, Guyane française, Martinique, Réunion, et Polynésie française).

Pour la construction des États généraux, une vision commune entre le CCNE et les Espaces de réflexion éthique régionaux a été élaborée. Des rencontres régulières conjointes ont été organisées, les Espaces de réflexion éthique ayant bénéficié d’une grande liberté pour l’organisation des débats. Les méthodes et les thèmes abordés se sont ainsi déclinés régionalement, selon les finalités assignées aux événements (sensibiliser la population - par une projection de film par exemple -, provoquer le débat…)162.

Cette collaboration, « compagnonnage », du CCNE avec les Espaces de réflexion éthique régionaux, doit se poursuivre, en gardant une grande souplesse dans les modes opératoires qui seront choisis en région pour informer et débattre, pour diversifier aussi les modalités mises en œuvre pour une réflexion éthique au sein de la société. On peut imaginer que le CCNE puisse solliciter les Espaces de réflexion éthique chaque année sur une ou plusieurs questions de bioéthique, avec une rencontre de synthèse en fin d’exercice. Renforcer le lien avec les Espaces régionaux semble non seulement souhaitable, mais constituerait un atout fort pour une meilleure dynamique de la réflexion éthique au plan national.

3.3. Le souhait d’une consultation et d’une information continue de la société civile

À cet égard, le souhait d’une consultation continue de la société devra aussi se concrétiser : mettre en place une consultation, suffisamment en amont de la réflexion de la révision de la loi de bioéthique (voir ci-dessus), au plus près des citoyens, en s’inspirant de l’expérience acquise par les partenaires, lors des États généraux de la bioéthique, notamment en mettant en œuvre des dispositifs destinés à faire émerger les points de vue ou les propositions parmi des groupes à faible effectif, au plus près des lieux de vie.

162 Concernant la méthodologie, si le format classique du débat public, à savoir un débat ouvert à tous, introduit par un ou plusieurs experts qui clarifient et explicitent les enjeux du débat, a été largement repris, plusieurs régions ont choisi de consacrer tout ou partie de leur programmation à des événements avec des méthodes spécifiques d’animation destinées à susciter la discussion.

D’une part, certaines rencontres étaient réservées à des publics spécifiques, particulièrement avec le jeune public (lycéens, étudiants), mais aussi avec les professionnels de santé, les associations en santé, les conférences régionales de santé et de l’autonomie (CRSA). D’autre part, certaines régions ont mis en place des dispositifs destinés à faire émerger les points de vue ou les propositions parmi des groupes sociaux bien circonscrits : par exemple des méthodes utilisant les groupes de discussion (focus groups).

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Cette consultation nationale prenant en compte les spécificités de chaque région, qui se déroulera, de ce fait, sur une longue période, organisée par les espaces de réflexion éthique régionaux, serait un outil propice à l’information et au débat dans un climat d’écoute et de sérénité. Cette consultation s’efforcera de s’adresser aussi aux populations les moins sensibilisées et les plus fragilisées, ce qui n’a pas été le cas lors des derniers États généraux de la bioéthique qui n’ont pas cherché spécifiquement à les atteindre.

L’un des objectifs du CCNE est également de tisser d’autres partenariats pour nourrir le débat public, en l’étendant à d’autres partenaires ayant eux-mêmes un réseau d’antennes sur le territoire, telles les grandes mutuelles de santé ou le CESE dans sa nouvelle configuration.

Enfin, d’autres relais ont été mobilisés lors des États généraux de la bioéthique 2018 (à travers des lettres ou des conférences par exemple) ciblant en particulier les décideurs en santé, les professions de santé (pharmaciens, mutuelles…), les acteurs de la recherche (Inserm, Institut Pasteur…) ou des groupes professionnels (la Poste par exemple). Ces relais sont essentiels pour faire en sorte que le débat public bénéficie d’une mobilisation du plus grand nombre de ramifications sur le territoire.

Le débat a été mené majoritairement mais pas exclusivement avec des acteurs du secteur public. Plusieurs discussions ont eu lieu avec les acteurs du secteur privé qui jouent également un rôle essentiel dans le domaine de la santé.

L’un des enjeux du débat sur des thèmes inscrits dans le périmètre de la bioéthique, thèmes a priori difficiles ou aux enjeux sociétaux de prime abord peu visibles, concerne une étape cruciale de sensibilisation et de formation. Construire un partenariat avec les médias nationaux et régionaux, là encore avec les espaces de réflexion éthique en région, constitue un objectif que se donnera le CCNE pour permettre la communication sur les différents sujets qui font et feront débat163, une communication qui passera également par des opérations d’information auprès des journalistes.

3.4. Surveillance et alerte

Durant la phase de l’inter-loi, il est souhaitable que le CCNE joue un rôle plus prononcé qu’aujourd’hui, dans la surveillance et l’alerte vis-à-vis de nouvelles

163 À cet effet, une « Introduction aux thématiques des États généraux » avait été organisée pour une soixantaine de journalistes en mars 2018.

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questions éthiques. L’information qui parvient au CCNE peut venir des scientifiques eux-mêmes, des agences de santé, des acteurs publics, des comités d’éthique étrangers et, bien sûr, des Espaces de réflexion éthique qui doivent faire remonter, chaque année, ce type de problématiques au CCNE.

La société civile, peut elle-même, si elle est formée, devenir un acteur en tant que tel comme émetteur d’alerte éthique (voire, plus loin, « Place de la société civile au sein du CCNE »).

Le CCNE pourrait rassembler et éventuellement se saisir chaque année de l’ensemble de ces informations et les communiquer aux autorités compétentes.

En résumé, le CCNE assume et souhaite développer un rôle d’assembleur impulsant et accompagnant différentes initiatives, agrégeant les différentes contributions des acteurs de l’éthique en France et à l’étranger.