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Dons et transplantations d’organes

3.1. Prélèvements d’organes chez des patients décédés

La question du consentement reste un élément central de la réflexion éthique et constitue toujours un point de sensibilité important au sein de la société. Cette question avait été développée dans l’avis 115 du CCNE portant sur les « questions

110 Concernant les personnes décédées par arrêt cardiaque prolongé irréversible, une publication des chirurgiens et réanimateurs de l’hôpital de Maastricht à la fin des années 1990 a défini quatre situations posant des problèmes éthiques de natures différentes. La situation I : survenue de l’arrêt cardiaque à domicile irréversible malgré toutes les tentatives de réanimation et décision de transfert à l’hôpital post mortem en vue de prélèvement d’organes ; la situation II : survenue de l’arrêt cardiaque irréversible en milieu hospitalier avec échec de toutes les tentatives de réanimation ; la situation IV : arrêt cardiaque se produisant en milieu hospitalier de réanimation chez une personne en état de mort encéphalique. La situation III prévoit le prélèvement d’organes après l’arrêt cardiaque secondaire à l’arrêt volontaire des soins d’une personne en coma profond jugé irréversible, jusque-là maintenue en vie par alimentation et ventilation totalement artificielles.

Dans cette dernière situation, il faut avoir la certitude que la décision de l’arrêt des soins est totalement indépendante de la prévision de prélèvement d’organes.

111 La question du don du sang n’a pas été traitée lors des États généraux de la Bioéthique et n’avait pas fait l’objet de propositions et de discussions sur le site Web. Par ailleurs, la transfusion sanguine reste aujourd’hui de façon consensuelle une pratique fondée sur les principes de gratuité et d’anonymat, et exclut toute forme d’intérêt financier pour le donneur, de consentement pour le receveur. Le CCNE n’a donc pas abordé les enjeux éthiques relatifs au don du sang dans cet avis 129.

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d’éthique relatives au prélèvement et au don d’organes à des fins de transplantation ». Bien qu’il soit parfois complexe à expliquer aux familles, le CCNE considère cependant que le système actuel du consentement présumé constitue un compromis équilibré entre la nécessité absolue du respect du consentement des personnes au don et celle de proposer aux patients en attente de greffe une solution thérapeutique qui évitera de nombreux décès et se traduira généralement par une amélioration sensible de leur santé et de leurs conditions de vie. Le CCNE recommande cependant que les campagnes d’information sur le don d’organes se poursuivent activement, de façon à ce que nul n’ignore le cadre actuel du consentement au don et la possibilité de s’inscrire à tout moment sur le registre national des refus. Le CCNE recommande aussi qu’une grande attention continue d’être portée par les équipes hospitalières aux familles des donneurs décédés qui doivent pouvoir être accueillies par des professionnels de santé formés spécifiquement à cette activité et suffisamment disponibles, et à qui il est nécessaire de pouvoir en toutes circonstances, y compris longtemps après le prélèvement d’un proche décédé, proposer un soutien psychologique si elles le désirent.

Si le décès de trop nombreux patients en attente de greffe reste en soi une préoccupation médicale et éthique majeure, la question de l’allocation de cette

« ressource rare » et l’égalité d’accès à la greffe sur le territoire constituent également un point d’attention important. Les deux sujets sont d’ailleurs intimement liés, les inégalités actuelles découlant directement du nombre insuffisant de greffons disponibles au niveau national. La question centrale des règles d’attribution des greffons, aujourd’hui élaborées par l’Agence de la biomédecine en étroite concertation avec les professionnels, et sur lesquelles les représentants des associations de patients sont consultés, est techniquement complexe. De nombreux facteurs doivent être en effet pris en compte pour assurer la réussite de la greffe et la longévité du greffon : l’optimisation de l’appariement immunologique des donneurs et des receveurs, la prise en considération des antécédents médicaux du donneur comme du receveur, la nécessité de raccourcir au maximum les délais d’ischémie… La mise en place d’un score112 au niveau national a incontestablement amélioré l’équité d’accès aux greffons. Il convient donc de continuer à affiner cet algorithme national, en tenant compte de l’évolution des techniques qui permettent désormais un appariement immunologique de plus en plus fin, tout en veillant à réduire au maximum la durée d’ischémie qui conditionne le résultat de la greffe à court et moyen terme.

112 Le score est un outil d’aide à la décision qui permet de pondérer les différents critères médicaux, mais aussi d’ancienneté d’inscription en liste d’attente en vue d’attribuer un greffon à un patient avec les meilleures chances de réussite et dans un souci d’équité.

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Une des causes majeures des inégalités régionales actuelles résulte, en réalité, des inégalités des pratiques des équipes médicales en matière d’inscription, précoce ou au contraire trop tardive, de leurs patients en liste d’attente de greffe. Un travail doit donc être entrepris, en concertation étroite avec les professionnels de santé et les associations de patients, pour résorber ces inégalités qui sont actuellement la source principale des inégalités d’accès à la greffe à partir de donneurs décédés. La situation dans les départements et territoires d’Outre-mer doit être particulièrement suivie.

La nécessité d’augmenter le nombre de greffes113 pour répondre aux besoins des patients constitue l’un des défis actuels à relever et a conduit les pouvoirs publics à autoriser, dans des conditions prônant la stricte séparation des équipes soignantes et des équipes de prélèvement, les prélèvements sur des personnes décédées suite à un arrêt cardiaque. Ces prélèvements, dits de « Maastricht 3 », requièrent la mise en place d’une organisation hospitalière extrêmement performante en raison des délais très courts qui doivent être respectés entre le prélèvement de l’organe et sa transplantation de façon à assurer le succès de la greffe. Ils nécessitent aussi une réflexion en amont concernant les critères de décisions d’arrêt de traitements de patients cérébro-lésés, dans un contexte où le décès du patient est suivi d’un prélèvement d’organe.

Que la mort soit déclarée par le constat des critères rigoureux de la mort encéphalique ou par l’évidence d’un arrêt cardiaque irréversible, il existe toujours pour l’équipe soignante de réanimation une difficulté éthique relevant du dilemme que constitue le passage de l’objectif de réanimation d’une personne à un objectif utilitariste et solidaire permettant à une autre équipe soignante, sans rapport avec celle de réanimation, d’enclencher les procédures de prélèvement d’organes post mortem. La crainte évoquée initialement par certains professionnels, celle de laisser croire aux proches du patient, ou même aux équipes soignantes, que l’arrêt de soins pourrait être motivé par la seule perspective du prélèvement, doit continuer à faire l’objet d’une attention toute particulière de la part des équipes de prélèvement comme des équipes de transplantation. L’extension nécessaire du prélèvement suite à un arrêt cardiaque doit reposer sur une complète information des équipes soignantes qui leur permette de mettre en œuvre cette technique en toute sérénité. Ainsi, il serait souhaitable de communiquer plus largement sur l’existence d’un protocole national et les résultats des évaluations menées par l’Agence de la biomédecine, qui semblent encore insuffisamment connues des professionnels et de leurs sociétés savantes.

113 L’objectif du troisième Plan Greffe 2017-2021 est d’atteindre la réalisation de 7800 greffes par an.

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