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Examens génétiques et médecine génomique

1. Principes généraux 92

Le développement de nouvelles techniques d’analyse et d’ingénierie génomique93 renvoie, non à de nouveaux concepts, mais à des faits scientifiques concernant la connaissance du génome, mais aussi de l’épigénome94, avec les nouvelles techniques de séquençage à haut débit et surtout leur généralisation et la compréhension des variations génétiques identifiées. Plus récemment, ce sont les possibilités d’intervention ciblées à l’échelle du gène, voire à l’échelle d’une seule lettre (nucléotide) du génome qui contient lui-même plus de trois milliards de paires de nucléotides, qui constituent un progrès technique majeur dans la compréhension et la prise en charge des maladies d’origine génétique95. Ce dernier point est illustré dans la partie « embryon et cellules souches embryonnaires ».

Comme il était déjà indiqué dans l’avis 124 du CCNE (2016) : « … cette évolution technique risque de nous faire passer d’une génétique dont l’objet central était d’expliquer la maladie, à une génétique dont l’objectif principal deviendrait la prédiction de cette maladie, avec le risque d’atteinte à la liberté que cela comporte dans un objectif de santé publique possiblement interventionniste ».

La réalisation de tests génétiques élargit les questions éthiques dans les domaines de l’information objective et détaillée des personnes, ainsi que de leur consentement libre et éclairé dans la continuité. À quoi consent-on aujourd’hui

92 Un atelier de travail avec des experts scientifiques et médicaux, ainsi que des membres de Comités d’éthique institutionnels, s’est tenue autour de cette thématique le 4 mai 2018. Voir le site du CCNE : http://www.ccne-ethique.fr/

93 Ce développement de nouvelles techniques, d’ailleurs, ne s’applique pas seulement à la médecine en tant que telle, mais à l’ensemble du vivant et notamment aux composants de la biodiversité. De ce fait, ce développement représente aussi un enjeu majeur pour l’humanité, s’agissant, par exemple, des actions de forçage génétique.

94 L’épigénome contrôle l’état d’activité et de silence des gènes.

95 Ceci renvoie à la révolution que constitue notamment le système CRISPR-Cas9. S’ajoute aussi l’évolution des machines et des techniques qui permettent l’analyse et la modification d’une seule cellule. Le fait de pouvoir travailler à ce degré de miniaturisation permet aujourd’hui d’envisager, par exemple, le séquençage génomique sur un tout petit prélèvement de sang ou la modification d’une seule cellule embryonnaire de zygote.

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lorsque l’on propose à la personne un diagnostic génétique ou d’entrer dans un protocole de recherche comprenant un examen des caractéristiques génétiques ? Dans ce domaine, information et consentement confrontent chacun à la compréhension, ou non, de l’analyse réalisée et des résultats dont l’interprétation inclut une part de probabilité et d’incertitude. La liberté d’avoir accès à cette information ou de choisir de demeurer dans l’ignorance de certains résultats, en particulier en l’absence de toute possibilité thérapeutique, ainsi que l’obligation d’avertir sa parentèle en cas de détection d’une altération génétique grave, qu’elle soit curable ou incurable, à développement rapide ou tardif, mettent en tension des principes éthiques de respect du malade et de solidarité collective (loi du 4 juillet 2011).

Ces questions sont d’autant plus prégnantes qu’avec le séquençage de l’exome96, voire du génome complet, outre des mutations connues intervenant de manière avérée dans le développement de pathologies graves, des variations de signification inconnue, ainsi que des variations génétiques dans des gènes de vulnérabilité, comportant un pronostic aléatoire, seront découvertes et, si elles sont communiquées, elles seront susceptibles d’accroître la préoccupation des patients.

L’analyse des résultats et leur communication aux personnes sont, de ce fait, extrêmement difficiles et nécessitent d’une part une meilleure information et transfert des connaissances des chercheurs et cliniciens à la population générale sur ce que représentent les données génétiques et, d’autre part, une prise en charge de qualité par un personnel spécialisé instruit de l’avancée des connaissances génomiques et des parts de probabilité et d’incertitude en ce domaine. Compte tenu de la sensibilité et de la massification des données génomiques, il est important, face à des personnes qui seront écrasées par la masse d’informations, de vérifier systématiquement leur compréhension à quoi elles consentent97. Il est d’ailleurs important de rappeler que la transformation des données de séquences en informations médicales constitue un véritable défi qui nécessite une

96 Exome, exon. L’exon est la partie du gène qui code pour la production des protéines. L’exome est l’ensemble des exons du génome et représente 1 à 2 % du génome.

97 Il convient également d’exiger la même qualité de l’information dans le suivi de ce consentement si l’objet de l’étude se modifie. Le consentement pourrait être de trois types : (1) un consentement à une étude donnée, particulière, précisée ; (2) un consentement à une étude ouverte, nonobstant une information sur les travaux menés dans ce cadre ; (3) un consentement avec possibilité d’évolution, liée à l’information donnée, sur demande explicite, elle aussi libre, expresse et éclairée.

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recherche multidisciplinaire incluant de nombreux domaines de la science et de la médecine.

La question du secret médical et celle du respect de l’intimité des personnes sont aussi posées. S’il convient de confirmer que le diagnostic génétique ne s’entend que sur la base du volontariat, chaque patient étant libre d’accepter ou de refuser une telle approche et, s’il l’accepte, de n’en connaître éventuellement que partiellement les résultats, la médiation de l’information des résultats doit, dans chaque cas, faire l’objet d’une démarche spécifique des personnels soignants et le développement des diagnostics génétiques est indissociable d’efforts nouveaux de la part de l’ensemble de l’institution médicale.

L’arrivée de nouvelles techniques d’analyse génomique, accessibles plus facilement compte tenu de la diminution continue de leur coût de réalisation, est également contemporaine d’une entrée de nouveaux acteurs du secteur concurrentiel et d’internet, s’agissant de la production et de l’exploitation des informations et des données de santé, les données génomiques en particulier, avec une visée commerciale. Cette évolution rapide mettra en tension la question du secret médical et celle du partage de données, mais aussi l’organisation du système de santé et le rôle du médecin, dans le colloque singulier avec le patient.

Le plan « Médecine France génomique 2025 »98, piloté par AVIESAN et soutenu par l’État, a pour ambition de « positionner la France dans le peloton de tête des grands pays engagés dans la médecine génomique ». Il répond à des enjeux fondamentaux de santé publique relatifs à la prévention et l’innovation en matière de diagnostic, pronostic et traitement. Il s’inscrit dans la volonté des pouvoirs publics de valoriser l’innovation médicale, et notamment en médecine génomique avec le développement du séquençage à très haut débit du génome humain, à l’origine de la « médecine personnalisée ». Toutefois, il ne répond pas à l’ensemble des questions qui vont être abordées.

En résumé, la médecine génomique et les examens génétiques permettent de réduire l’incidence de certaines maladies génétiques graves et ouvrent de nouvelles pistes pour des prises en charge adaptées pour les patients. Cependant, ce progrès ne doit pas s’accompagner d’une stigmatisation des porteurs de ces mutations génétiques (parents et patients) et d’une diminution de la solidarité de

98 https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/recherche-et-innovation/france-genomique

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notre société pour prendre en charge ces maladies99. Dans l’avis 102, le CCNE rappelait avec force qu’une « société incapable de reconnaître la dignité et la souffrance de la personne, enfant, adolescent ou adulte, la plus vulnérable, et qui la retranche de la collectivité en raison même de son extrême vulnérabilité, est une société qui perd son humanité. » Enfin, il faut rappeler fortement que le sort de chaque personne est loin d’être scellé dans ses gènes.

2. La consultation lors des États généraux de la bioéthique

C’est une des principales thématiques discutées lors des États généraux de la bioéthique. La consultation a fait ressortir un réel besoin d’information sur ce que sont ou ne sont pas les examens génétiques, leur portée et, plus généralement, sur le développement d’une médecine génomique. Une tension prévaut toutefois entre la crainte d’un eugénisme et la volonté de réduire la souffrance, entre les risques et les dérives possibles de l’application élargie de dépistages et leurs bénéfices reconnus ou attendus. Les suggestions d’évolutions possibles de la loi de bioéthique et, plus largement, des lois relatives à la santé proviennent avant tout des experts du domaine qui proposent notamment : l’élargissement de certains dépistages génétiques, tels que le diagnostic préimplantatoire ou l’accès aux analyses génétiques en post mortem. La question de l’extension du dépistage préconceptionnel est posée ; les spécialistes insistent sur la nécessité d’entourer cette approche de conditions de sécurité et d’accompagnement optimales.

Plusieurs autres actions ont été mises en avant : renforcer la politique de santé concernant le handicap, assurer l’équité quant à l’accessibilité des dispositifs de santé à l’échelle du territoire, sécuriser les données personnelles, notamment génomiques.

Par ailleurs, le comité citoyen a émis une opinion sur la génomique en préconceptionnel, privilégiant, à la majorité de ses membres, un accès à tous, sous réserve du volontariat.

99 Aujourd’hui, avec l’accessibilité rendue plus facile et peu onéreuse au séquençage du génome, a été évoquée l’idée de personnes qui, ayant eu la preuve de leur excellent génome, pourraient se regrouper pour faire des mutuelles à faible coût, puisqu’à faible risque, ce qui constituerait une atteinte à la solidarité.

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3. Propositions du CCNE

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