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CHAPITRE 3 : DES DIFFICULTES DE LA GESTION DU RISQUE DE CREDIT AU SEIN DES

3.3. LE PROCESSUS ACTUEL DE GESTION DU RISQUE DE CREDIT BANCAIRE :

Les différentes méthodes de gestion du risque cherchent à évaluer le risque de défaillance ou de défaut propre à chaque débiteur.

L’objectif principal de cette mesure du risque de crédit est de pouvoir aider les créanciers à gérer de façon efficace le risque de crédit et, par conséquent, de le réduire.

Sur le plan pratique, la plupart des établissements bancaires, français notamment, s’appuient sur la méthodologie du « risk management » pour évaluer et gérer leur risque de crédit.

Selon [Kharoubi & Thomas, 2013], cette méthodologie, qui était initialement consacrée aux firmes industrielles et commerciales, fournit une grille d’analyse pertinente pour la gestion du risque de crédit dans les établissements bancaires et financiers. Ainsi, cette méthode, élaborée à l’origine pour optimiser les budgets d’assurance des entreprises industrielles, s’est « affranchie » et constitue à l’heure actuelle une méthode de traitement de tous les risques auxquels sont exposées les entreprises.

Concrètement, la méthode du « risk management » procède en quatre (4) étapes :

l’identification du risque, l’évaluation du risque, la réduction du risque et le traitement du risque résiduel.

L’identification du risqueconstitue une phase primordiale de cette méthode et comporte deux (2) étapes distinctes : la connaissance du risque, c’est-à-dire le recensement exhaustif de tous les risques auxquels se trouve exposée la banque, et la conscience des risques qui consiste en la sensibilisation et l’information de tous les acteurs de l’entreprise quant à l’existence de ces risques.

L’évaluation du risque consiste en la quantification ou au chiffrage des conséquences éventuelles de la survenance de ce risque au sein de l’entreprise. Pour ce faire, on mesure d’abord la probabilité de survenance du risque (Pr) ainsi que le coût financier à supporter en cas de survenance du risque (Cf) ; on en déduit ensuite une estimation du coût de ce risque (Cr) qui correspond à :

Cr = Pr * Cf

Ce coût du risque peut être moyen, quand il est calculé à partir d’un coût financier moyen et d’une probabilité moyenne ; ou bien le coût du risque est maximal quand on prend en compte dans son calcul la probabilité maximale de survenance du risque ainsi que le coût financier maximal.

La réduction du risque consiste en la mise en œuvre de mesures de gestion internes dans le but de réduire la probabilité de survenance du risque ainsi que le coût financier des conséquences en cas de réalisation. Cette phase comporte deux types d’action que sont la réduction préventive des risques (action qui vise principalement la réduction de la fréquence du risque c’est-à-dire sa probabilité de survenance) et la réduction curative du risque (action représentant une protection visant essentiellement la réduction du montant du coût financier maximum par un ensemble d’actions et de mesures menées pour limiter les conséquences du risque).

Enfin, sachant qu’il est impossible de réduire totalement et intégralement la probabilité de survenance d’un risque, la dernière étape du traitement du risque résiduel porte sur les décisions à prendre quant au devenir du risque résiduel ; ce dernier correspondant au produit de la probabilité réduite de réalisation du risque par le coût financier.

Dans cette phase, trois solutions sont possibles : soit le risque est conservé mais couvert et pris en charge par l’entreprise ; soit le risque est assuré par un intervenant extérieur ; soit, enfin, le risque est transféré à une contrepartie qui est notamment représentée par une garantie.

La gestion du risque de crédit des banques et des entreprises offre un champ

d’application intéressant pour la méthodologie du « risk management ». Ceci, notamment

dans le cadre de l’octroi des crédits bancaires ainsi que dans la gestion du risque de crédit tout le long de la vie du concours bancaire octroyé.

3.3.1 La gestion du risque de crédit dans la procédure d’octroi d’un

crédit bancaire

Lorsqu’un emprunteur, personne physique ou morale, demande un prêt auprès d’une banque, il doit justifier de l’usage futur des fonds sollicités et fournir à la banque un certain nombre d’informations qui seront utiles à l’instruction de sa demande.

Ces informations, qui concernent notamment ses situations financières actuelle et future, sa capacité de remboursement, son endettement, etc., permettront aux analystes de crédit de la banque d’analyser et de mesurer le risque de crédit inhérent à sa demande de financement. Pour ce faire, ces analystes mettront en œuvre les différentes méthodes présentées précédemment (cf. « 3.1.3 Les méthodes de gestion du risque de crédit »).

Il s’agit notamment de méthodes empiriques (analyse financière, grilles de dépouillement) quand les demandes concernent des crédits aux professionnels et aux entreprises. Ainsi, dans la plupart des établissements bancaires, l’instruction de la demande de financement d’un professionnel ou d’une PME se déroule en plusieurs phases. S’il s’agit d’une structure qui est déjà cliente de l’établissement, la première phase sera consacrée à l’étude du fonctionnement de son compte bancaire ainsi qu’à la revue des informations déjà détenues par la banque. Ces informations concernent aussi bien les informations comptables et financières fournies à la banque que la cotation interne de la banque par rapport à la structure qui sollicite le crédit. Rappelons que depuis les réformes de Bâle II, les établissements de crédit ont mis en place différents indicateurs internes leur permettant de gérer un peu plus finement les risques de défaut de chacun de leurs clients. Ces indicateurs et notes internes sont prises en compte lors de l’instruction de chaque demande de financement d’un client. Le dossier de demande de crédit est donc constitué par l’analyste à partir d’éléments quantitatifs et qualitatifs qui sont déterminants pour la décision d’octroi du crédit. Il établit une recommandation d’accord ou de refus (avis favorable ou défavorable) et soumet le dossier à la décision. Suivant les délégations de pouvoir, c’est le gestionnaire du compte ou le Directeur d’Agence ou la Direction Générale ou le Comité de Crédit qui prend la décision finale en précisant les conditions du financement : maturité, mode de remboursement, conditions financières, garanties, etc.

Pour les demandes de crédit provenant de particuliers ou de personnes physiques (crédit à la consommation, crédit immobilier, prêt personnel), le collaborateur de la banque qui instruit la demande mettra en œuvre, au travers des outils à sa disposition, une méthode statistique ou un modèle théorique. Pour cette catégorie de crédit, il s’agit de « scoring » (cf. « 3.2.3 Le Scoring ») dans la plupart des cas. La majeure partie des dossiers obtiennent des scores et des préconisations d’accord ou de refus qui sont généralement suivies par le gestionnaire et/ou le décisionnaire. Quelques cas, rares, font l’objet d’un arbitrage et parfois d’une décision contraire à la préconisation résultant du score. Mais cela reste exceptionnel et relève souvent du pouvoir d’octroi de la Direction Générale. Sauf dans les

cas où le décisionnaire peut évoquer l’intuiti personae pour décliner une demande de

crédit malgré une préconisation favorable du modèle de scoring.

Il faut noter que, dans cette phase d’octroi du crédit, la mesure du risque de crédit est faite par rapport à une échelle du risque et n’est que rarement exprimée en termes de probabilité de défaut. Ceci, contrairement à ce qui se passe lors de la gestion du risque pendant la vie du prêt.

3.3.2 La gestion du risque de crédit pendant la durée du prêt

La gestion et la surveillance du risque de crédit ne s’arrête pas à l’octroi du crédit. Dès lors que le crédit est accordé, le principal objectif du prêteur est de suivre l’évolution de la situation de l’emprunteur jusqu’à l’échéance finale du concours.

Dans les banques et les établissements de crédit, c’est le gestionnaire du compte qui doit collecter en permanence toutes les informations sur la situation de l’emprunteur. Parfois, le gestionnaire est aidé dans cette tâche par le Service des Crédits ou le Service de Surveillance des Risques qui a accès à différentes bases de données (FIBEN67, FCC68) pouvant fournir des indicateurs pertinents et fiables sur la santé financière des entreprises ou des personnes physiques.

Dans le cas d’un concours « Court terme » (Facilité de Caisse, Autorisation de Découvert, Engagement Par Signature, etc.), la revue est annuelle ou à l’échéance du concours si celle-ci est inférieure à une année. L’objectif de cette revue est de s’interroger sur le maintien ou non du concours, et d’en adapter éventuellement le montant par rapport aux besoins de l’emprunteur. De plus, tout au long de la durée du concours, la banque doit rester vigilante quant à l’évolution de la solidité financière de son débiteur, ainsi qu’aux différents incidents pouvant survenir (incapacité de régler les fournisseurs, incidents bancaires), afin de réagir à temps en cas de forte dégradation de la situation.

Les crédits à moyen ou long terme, même si leur durée est généralement supérieure à une année, font tout de même l’objet d’une revue annuelle, notamment lorsqu’il s’agit d’un crédit ayant un objet professionnel. Chaque année, les analystes de crédit de la banque passeront en revue le fonctionnement du compte, ainsi que les derniers éléments comptables et financiers de l’emprunteur, afin d’évaluer son risque de défaut. C’est également l’occasion pour eux d’adapter leurs indicateurs et notes internes de gestion du risque de crédit pour cet emprunteur en particulier.

3.3.3 Les principales limites de cette méthode de « risk

management »

67FIBEN : Fichier Bancaire des Entreprises tenu par la Banque de France, il recense des informations sur les entreprises, leurs dirigeants et les entrepreneurs individuels. Les informations inscrites dans FIBEN peuvent être utilisées pour faciliter la surveillance par les établissements de crédit de la solidité de leurs créances sur les entreprises non financières au titre du contrôle prudentiel qu’ils doivent mettre en place conformément aux Accords de Bâle II, pour identifier les créances des établissements de crédit sur les entreprises non

financières et pour favoriser le dialogue entre les banques et leurs clients en fournissant une analyse

commune en termes de risque de défaillance.

68FCC ou Fichier Central des Chèques : Fichier dans lequel la Banque de France centralise les personnes

La principale limite de la méthode de gestion décrite ci-dessus réside dans le processus de veille qui n’est pas formalisé et qui est confié au gestionnaire du compte ainsi qu’aux services de la surveillance des risques de la banque. En effet, la veille conduite par le gestionnaire de compte ne sera efficiente qu’en fonction de la motivation et de la disponibilité de celui-ci. Le gestionnaire doit être expressément missionné et avoir un réseau fiable pour mener à bien la veille concernant la situation des emprunteurs de la banque ; et cette mission sera sans doute limitée par la dimension humaine de l’exécutant.

L’autre limite concerne la fréquence des revues au cours de la durée de vie des prêts. Une fréquence annuelle est forcément moins efficiente qu’une veille ou une surveillance permanente. Ainsi, le temps de réaction par rapport à une dégradation de la situation financière d’une entreprise cliente est forcément plus long ; d’où un risque de défaut plus important.

Enfin, les modèles utilisés pour le « scoring » des crédits aux particuliers ne nous paraissent pas construits de manière optimale, car ils ne prennent pas en compte toutes les données qui peuvent être déterminantes dans la prise de décision d’octroi d’un crédit. Ainsi, par exemple, la situation économique et financière de l’employeur d’un client sollicitant un crédit immobilier (donc à très long terme) n’est pas prise en compte. De même, en cours de prêt, le changement d’employeur ou la perte d’emploi d’un client ayant contracté un crédit n’est pas forcément pris en compte, sauf quand le gestionnaire obtient l’information et pense à mettre à jour le dossier du client. Ceci, alors qu’une analyse automatique des revenus domiciliés sur le compte aurait permis de mettre au jour ces informations et, éventuellement, de calculer une nouvelle probabilité de défaut. Nous avions retenu plus haut (1.1.2) la définition selon laquelle l'intelligence économique est la maîtrise et la protection de l'information stratégique qui donne la possibilité au chef d'entreprise d'optimiser sa décision. Et aussi que l’intelligence économique constitue un rouage essentiel et très important de la stratégie d'une entreprise moderne car elle permet d'identifier et d'utiliser des moyens informatiques performants de veille, d'analyse, ou de protection.

Ainsi, nous pouvons penser a priori qu’une démarche d’intelligence économique permettrait, dans le cas présent, de contourner les principales limites de la méthode du « risk management » que nous venons de voir.

Mais, avant toute chose, il y a lieu de s’interroger d’abord sur la place de l’intelligence économique aujourd’hui dans les établissements bancaires.

3.4. DU BIG DATA A L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE DANS