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CHAPITRE 1 : DE L’INTELLIGENCE ECONOMIQUE A LA PRISE DE DECISION

1.1. LE CONCEPT D’INTELLIGENCE ECONOMIQUE : ORIGINES ET DEFINITION

1.1.4 Les acteurs de l’intelligence économique en France

En France, les principaux acteurs de l’intelligence économique sont l’Etat et les entreprises. Précisons que nous ne considérons pas l’intelligence économique comme relevant de l’espionnage industriel ou économique. A la suite de Martre [Martre & alii, 1994], Revelli [Revelli, 1998] et Keren [Keren & De Bruin, 2003], nous considérons l’intelligence économique comme étant l’ensemble des actions de maîtrise et de protection de l’information stratégique afin de fournir au décideur la possibilité d’optimiser sa prise de décision.

1.1.4.1 L’Etat

L’intelligence économique peut être considérée, au niveau des pouvoirs publics, comme étant une politique publique élaborée et mise en œuvre par l’Etat dans un objectif principal de soutien à la compétitivité. Et la mise en œuvre de l'intelligence économique par l’Etat s’inscrit avant tout dans le contexte de la mondialisation et de l'interconnexion des économies. Ainsi, face à ces nouveaux défis, toute entité économique doit désormais intégrer l’intelligence économique à ses stratégies afin de comprendre, d’analyser et surtout d’anticiper les mutations liées à cet environnement en perpétuel mouvement, et de protéger sa compétitivité et ses savoir-faire.

Désormais, les agents économiques doivent faire face à l’apparition de nouveaux concurrents ainsi qu’à une concurrence de plus en plus intense et qui se manifeste de plus en plus en amont du cycle de l’innovation. Ils doivent également prendre en compte d’autres enjeux qui sont liés à la surabondance d’informations, à la grande diversité de producteurs de ces informations ainsi qu’à la rapidité de la diffusion de ces informations. Ces dernières années, la stratégie française d’intelligence économique consiste à chercher à renforcer la compétitivité de l’économie française et à favoriser la création d’emplois.

En France, entre 2004 et 2009, le principal acteur de l’intelligence économique au niveau de l’Etat était le Haut responsable chargé de l‘intelligence économique auprès du Premier ministre (HRIE). Il avait pour rôle primordial de sensibiliser les entreprises nationales ainsi que les organismes publics à l‘intelligence économique. Mais, au-delà de l‘information, ses missions étaient multiples et peuvent être regroupées en cinq catégories :

- la diffusion d’une culture de l‘intelligence économique ;

- l’aide aux petites et moyennes entreprises (PME) en matière d’intelligence

économique ;

- le soutien aux entreprises françaises dans les domaines structurels afin de se

prémunir contre les dépendances stratégiques ;

- la sécurité du patrimoine matériel et immatériel ;

- la définition des secteurs stratégiques à moyen et long terme dans le but

d’éclaircir l‘avenir et de réduire les incertitudes.

De plus, [Carayon, 2006] fait état de deux autres chantiers menés à bien par le Haut responsable chargé de l‘intelligence économique auprès du Premier ministre , à savoir « la mise en place d‘un fonds d‘investissement spécialisé » et la constitution de « la fédération d‘une catégorie de professionnels de l‘intelligence économique ».

Aujourd’hui en France, la politique publique d’intelligence économique est conçue et conduite par la Délégation interministérielle à l’intelligence économique (D2IE) et se décline ensuite aux niveaux interministériel, ministériel, régional et international. Cette politique publique a été présentée en Conseil des ministres le 8 décembre 2010 et a fait l’objet d’une circulaire interministérielle du Premier ministre le 15 septembre 2011, qui en rappelle les grands principes et donne des instructions de mise en œuvre opérationnelle. Selon le site internet de la Délégation interministérielle à l'intelligence économique (http://www.intelligence-economique.gouv.fr), la politique publique d’intelligence économique constitue un volet à part entière de la politique économique du pays. Et, de par sa nature transversale, elle irrigue les stratégies mises en œuvre par l’Etat en matière de politique industrielle, de développement économique et d’aménagement des territoires ou encore de soutien à l’exportation.

La stratégie de la France, dans le cadre de l’intelligence économique, repose sur trois principaux axes :

- La veille stratégique sur les principales évolutions et les défis auxquels est

confrontée l’économie nationale.

- Le renforcement de la sécurité économique, c’est-à-dire pouvoir garantir un environnement économique sûr, équitable et dynamique, propice aux innovations, aux investissements et à une croissance soutenue.

Dans chacun de ces axes, l’Etat exerce donc un triple rôle :

- un « Etat vigie », qui dispose d’outils de veille et de réseaux d’information lui permettant d’analyser les évolutions économiques en cours et d’avoir une vision prospective ;

- un « Etat stratège », qui soutient et organise les filières industrielles, qui détecte et participe au financement des entreprises innovantes et à fort potentiel, qui identifie les technologies clefs de demain ;

- un « Etat protecteur », qui soutient les entreprises et les établissements de recherche français, détecte les risques et les menaces pouvant peser sur eux, et définit les secteurs porteurs d’intérêts stratégiques.

« En matière d’intelligence économique, l’Etat concentre ses efforts là où il est par nature légitime, là où il dispose d’une véritable expertise et d’une réelle valeur ajoutée et enfin là où il peut répondre à ses propres besoins d’Etat souverain, ainsi qu’à ceux des entreprises ou des établissements de recherche publiques.

L’Etat et notamment la D2IE a donc vocation à diffuser une véritable culture de l’intelligence économique auprès des acteurs économiques et de la société dans son ensemble ».

En dehors de la fonction d‘intelligence économique au plus haut niveau de l‘Etat, une autre structure de niveau national a été mise en place en 2006 auprès des ministères en charge de l’économie et des finances : le service de coordination à l‘intelligence économique (SCIE), qui s‘appuie au niveau local sur des chargés de mission régionaux à l‘intelligence économique (CRIE) dont le rôle est de sensibiliser les entreprises à l‘intelligence économique et de recueillir et traiter les informations utiles à leur compétitivité au niveau régional. En 2007 est instituée la fonction du coordinateur ministériel à l‘intelligence économique (CMIE), en charge des CRIE. En 2010, les CRIE deviennent rattachés aux Directions Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l‘Emploi (DIRECCTE).

1.1.4.2 Les entreprises

L’intelligence économique est une démarche qui concerne tous les acteurs de l’économie, et notamment les entreprises quelle que soit leur taille.

En effet, toute entreprise, de la start-up au grand groupe, doit mettre en œuvre des mesures pour se développer, soutenir sa compétitivité et la protéger : assurer une veille, afin de détecter de nouvelles opportunités de marché et de surveiller la concurrence, mener des actions afin de s’implanter sur de nouveaux marchés ou accroître son

influence, détecter les dispositifs de financement auquel elle est éligible, ou encore mettre en évidence de nouveaux risques et prendre des mesures de protection.

« Si les entreprises de grande taille semblent mieux armées et mieux organisées, les PME sont tout aussi concernées et prennent peu à peu conscience des enjeux liés à l’intelligence économique » : ainsi, selon une étude menée en 201113dans plusieurs régions (Bretagne, Lorraine) par le réseau des chambres de commerce et d’industrie, près d’un quart des PME interrogées déclaraient disposer d’une personne ou d’une équipe dédiée à la veille.

« En tout état de cause, la mise en place d’une démarche d’intelligence économique, pour être efficace, doit reposer sur une stratégie et une organisation structurée, et doit être construite comme un tout cohérent, impliquant l’ensemble des acteurs de l’entreprise, du dirigeant aux salariés.

Parallèlement, les établissements de recherche publics, acteurs économiques majeurs du paysage économique français, restent encore relativement peu sensibilisés à l’intelligence économique. La recherche publique doit pourtant avoir les bons réflexes pour mieux valoriser ses innovations et mieux les protéger ». A cet effet, la D2IE travaille notamment, aux côtés de plusieurs acteurs, à améliorer la prise de conscience des chercheurs.

De nombreuses associations et « think tank » rassemblent également les chercheurs et les professionnels de l‘intelligence économique : la Fédération des professionnels de l‘Intelligence économique (FéPIE), l‘association SCIP France, l‘Agence française de diffusion de l‘intelligence économique, etc. A côté de ces associations sur l‘intelligence économique, il existe de nombreuses associations travaillant sur le développement informatique et la sécurité des données. Elles organisent également régulièrement des colloques sur l‘intelligence économique. Une évolution particulière à noter est celle de la FéPIE. La FéPIE avait été mise en place à l‘initiative du HRIE en 2005 dans un but de d‘auto-régulation des professions s‘occupant d‘intelligence économique. Le 21 septembre 2010, la FéPIE a annoncé la création d‘un syndicat, le Syndicat français de l‘intelligence économique (SYNFIE). Le président de la FéPIE met en rapport la raison de la création de cette nouvelle structure avec la nouvelle loi d‘orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI). En effet, cette loi encadre les professions liées à l‘intelligence économique en obligeant notamment les sociétés liées à ces activités à obtenir un agrément délivré par le ministère de l‘intérieur. Au regard de cette loi, la mission première de régulation de la profession par la FéPIE devient moins utile, alors que l‘est plus le travail d‘un syndicat ayant pour mission de défendre les droits et intérêts des professions liées à l‘intelligence économique. L‘enjeu est de réduire l‘écart entre les sphères publique et privée.

Au regard de la présentation ci-dessus des deux principaux acteurs de l’intelligence économique en France, nous pouvons considérer l’intelligence économique comme étant, en même temps, une politique publique élaborée et mise en œuvre par les

http://www.bretagne.cci.fr/1-23396-pouvoirs publics, et comme une démarche stratégique d’entreprise, avec un objectif commun, celui de soutenir et de renforcer la compétitivité des entreprises nationales, et donc, par conséquent, celle de l’économie nationale.

Intelligence économique et compétitivité des entreprises

Dans le contexte actuel marqué par la mondialisation et l’interdépendance des économies, l’entreprise, comme principal agent économique créateur de richesse, doit désormais intégrer et mettre en œuvre des démarches d’intelligence économique. Ceci, dans le but non seulement d’analyser, de comprendre et d’anticiper les mutations liées au contexte économique actuel, mais aussi de renforcer sa compétitivité au travers, par exemple, de la protection de son savoir-faire.

En effet, dans le contexte actuel de la mondialisation et du développement de la société de l’information, l’entreprise doit affronter de nouveaux acteurs, de nouveaux concurrents, mais elle est également confrontée à un développement rapide des nouvelles technologies de l’information et de la communication, à l’émergence d’une véritable société de l’information caractérisée par une surabondance des informations qui circulent très rapidement. Il devient primordial pour l’entreprise de comprendre et de pouvoir anticiper les mutations de son secteur d’activité, afin d’y conserver voire de conforter sa place.

Comme les entreprises des autres secteurs de l’économie, les banques sont également concernées par l’intelligence économique, surtout pour les phases de veille et de protection de l’information. Mais, à l’heure actuelle, ces démarches d’intelligence économiques au sein des établissements bancaires demeurent parcellaires et se trouvent souvent réduites à l’étude du « Big Data ».

Aussi, comme nous le verrons plus loin au paragraphe 4.1.3 Modélisation et

développement de systèmes d’intelligence économique, le processus d’intelligence économique sur lequel nous travaillons comporte une étape sur le traitement des données afin d’obtenir des informations à valeur ajoutée, ainsi qu’une étape consistant à capitaliser et à protéger l’information obtenue ; l’objectif de ce processus étant de conduire à la bonne prise de décision. Ces deux étapes démontrent bien que l’objectif final d’une démarche d’intelligence économique est le soutien ou le renforcement de la compétitivité de l’entreprise qui arrive à prendre la bonne décision et à protéger son patrimoine informationnel.

Pour conclure ce paragraphe, avant de présenter succinctement les principaux outils de l’intelligence économique, nous reprenons les propos d’Alain Juillet, Haut responsable chargé de l’Intelligence Economique en France qui affirme que « L’intelligence économique est un mode de gouvernance dont l’objet est la maîtrise de l’information stratégique et qui a pour finalité la compétitivité et la sécurité de l’économie et des entreprises. ».