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Revue de littérature

2.8 Instrumentation des chaussées

2.8.1 Problématique liée à l’instrumentation des chaussées

Afin d’évaluer la réponse mécanique et le comportement à long terme des couches de la chaussée, il est nécessaire de quantifier les déformations, les contraintes ou les déplacements s’exerçant au passage des charges lourdes. Ces mesures sont possibles en instrumentant la structure de chaussée à des profondeurs spécifiques pendant la construction ou bien après la fin des travaux de pose de l’ensemble des couches (méthode dite « après-coup »).

L’instrumentation utilisée dans les chaussées doit répondre aux objectifs suivants :

 Résister aux conditions de mise en place de l’enrobé.

Lorsque l’instrumentation des couches bitumineuses est effectuée pendant la construction, les capteurs sont placés en contact direct avec l’enrobé. Les sollicitations (vibration, efforts transversaux et verticaux) dues au compactage sont appliquées lorsque la couche bitumineuse est à des températures élevées. Le module des enrobés est alors faible et les efforts transmis aux couches granulaires et au travers les couches bitumineuses sont maximaux. Les matériaux utilisés pour les capteurs doivent donc résister à des températures supérieures à 100 °C et aux efforts de compactage. Le compactage impose de plus un déplacement des granulats. Les capteurs doivent donc posséder une protection suffisante afin de limiter les risques d’écrasement des jauges par les granulats. L’endommagement associé au compactage est plus important lorsque les couches de revêtement sont fines et lorsque les capteurs sont installés proche de la surface. Cette problématique ne s’applique pas aux capteurs installés après la construction de la chaussée.

 Garantir la position et l’orientation des capteurs dans les couches.

L’objectif des capteurs de mesure est de relever les déformations dans le sens longitudinal ou transversal au roulement à une profondeur préalablement définie. L’interprétation des mesures expérimentale nécessite de connaitre la profondeur d’installation des capteurs et de s’assurer

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de leur orientation par rapport au plan de mesure. Au cours des étapes de pavage et de compactage, les capteurs peuvent être amenés à se déplacer et cela peut engendrer une rotation par rapport à l’orientation initiale modifiant ainsi l’amplitude et la forme du signal. Les résultats obtenus peuvent alors sous-estimer ou surestimer la « vraie » réponse mécanique de la structure. Cette problématique est particulièrement importante lorsque les capteurs de mesure sont utilisés à des fins de validation ou de développement de modèles de comportement. Lorsque les capteurs sont installés pendant la construction de la chaussée, il n’est pas possible de garantir avec précision leur positionnement. Leur position ne peut être obtenue qu’après la fin des essais routiers en détruisant la structure de chaussée autour des capteurs et en les extrayant. Lorsque les capteurs sont installés après la construction de la structure, le positionnement des capteurs est simplifié puisque l’étape de compactage est terminée.

 Suivre le comportement des matériaux sous différentes conditions environnementales.

Les capteurs de mesure doivent pouvoir garantir une lecture fine et fiable pour une large gamme de conditions expérimentales. Afin d’évaluer l’effet des charges et des conditions climatiques, les capteurs doivent posséder une fréquence d’acquisition élevée ainsi qu’une plage de mesure adaptée aux amplitudes de la sollicitation. Les outils de modélisation posent traditionnellement comme hypothèses que les couches sont homogènes et isotropes.

Cependant, l’implantation de capteurs dans la structure engendre une discontinuité locale des propriétés des matériaux. La conception des capteurs et leur mise en œuvre dans la structure doivent atténuer cet effet intrusif afin d’adéquatement suivre le comportement mécanique des matériaux. Pour cela, lorsque les capteurs sont installés à la construction, l’ancrage dans le matériau est effectué à l’aide des matériaux eux-mêmes. Par exemple, l’enrobé bitumineux vient recouvrir le capteur de déformation. L’intégration de capteur après la construction de la chaussée nécessite des forages ou des traits de scie dans les couches. Ces actions entrainent une destruction et une modification locale des propriétés du matériau (découpe et échauffement des matériaux, concentration de contraintes, apport d’eau et de particules fines associées au forage). L’emploi de colle ou d’un liant est requis pour garantir l’adhérence des capteurs. Ces liants engendrent une discontinuité dans les couches de la chaussée. Les matériaux utilisés pour fabriquer les jauges, les capteurs ainsi que les colles doivent garantir une bonne transmission des contraintes lors de la sollicitation de la structure. La conception

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d’un capteur doit donc tenir compte du comportement des matériaux, mais aussi des techniques de mise en place. Il doit permettre le suivi, sous plusieurs conditions environnementales, de la réponse mécanique.

 Résister aux contraintes imposées par les charges lourdes sur l’ensemble des mesures.

En fonction de la profondeur de la chaussée, les amplitudes mesurées par les jauges varient puisque la charge se distribue au travers la structure. Proche de la surface, les déformations peuvent être très élevées (supérieure à 800 µ) tandis qu’à la base du revêtement bitumineux, l’ordre de grandeur est de 100 µ. Les déformations verticales dans les couches granulaires sont également très élevées en particulier proche de l’interface entre le revêtement et la fondation. Les capteurs doivent garantir une précision de mesure indépendamment des conditions climatiques, des plages de mesure et résister à un nombre important de répétitions de charge. Afin de suivre l’évolution du comportement d’une structure routière, la durée de vie des capteurs doit être supérieure à 500 000 chargements. Dans le cas où une dérive dans le temps de la mesure apparait, il est nécessaire de prévoir une correction des données.

 Garantir une lecture fine, fiable et répétable de la mesure.

Les capteurs de mesure placés dans les sols, les matériaux granulaires et les couches de revêtement, sont situés dans un milieu hétérogène. Ces milieux sont constitués de particules de taille, de forme et de propriétés physiques variables. Les capteurs, installés en un point spécifique de la couche, calculent une moyenne du mesurande sur la zone environnante à la jauge. Dans un enrobé bitumineux, la proximité des particules grossières (granulat) ou du liant peut influencer localement la mesure. Lors de la conception, la taille des capteurs doit donc être en adéquation avec les propriétés physiques et morphologiques des constituants des couches. À titre d’exemple, dans une couche bitumineuse, un capteur de petite taille pourrait se retrouver à proximité d’un granulat et mesurer des déformations très faibles compte tenu de la rigidité élevée du granulat. À l’inverse, si le capteur se retrouve à proximité d’une zone riche en liant les déformations pourraient être très élevées compte tenu de la basse rigidité du liant. La taille des capteurs doit donc être représentative des paramètres de couche. La rigidité des matériaux constituant le capteur doit être proche de celui du matériau utilisé. Une rigidité trop grande par rapport au matériau peut entrainer une sous-estimation des déformations et également imposer une discontinuité des propriétés de la couche à proximité du capteur. Les

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matériaux constitutifs des capteurs doivent être conçus pour être capables de suivre les déformations de la couche sans affecter son comportement.

Les capteurs les plus adaptés à l’instrumentation des chaussées souples se divisent en trois catégories. Les capteurs de type LVDT (Linear Variable Differential Transformer aussi appelés capteur de déplacement inductif) sont utilisés dans les sols et les matériaux granulaires. Ces capteurs permettent une mesure des déplacements dans les couches de fondation et les sols. Ils peuvent être mis en place directement dans les structures de chaussée ou servir à l’instrumentation des cellules de charge lors d’essais de laboratoire sur des matériaux non liés ou liés (Bilodeau, 2009 et Doucet et Auger, 2010). La seconde catégorie de capteur est associée à la mesure de la contrainte dans les couches et comprend les capteurs de type cellule de charge. En fonction de la taille et de la mesure désirée, les cellules de charge peuvent être de type hydraulique, pneumatique ou équipées de jauges de déplacement. Le capteur convertit un changement de pression, une force ou un déplacement en contrainte. La troisième catégorie de capteur permet la mesure de la déformation dans les couches bitumineuses à l’aide de jauges résistives. Cette catégorie de capteur est plus spécifiquement détaillée dans le paragraphe suivant puisqu’elle correspond en partie à l’instrumentation utilisée dans le cadre de ce projet.