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Instrumentation des structures de chaussée

4.3 Instrumentation des enrobés bitumineux .1 Capteurs résistifs .1 Capteurs résistifs

4.3.3 Instrumentation d’une carotte d’enrobé bitumineux

L’instrumentation par fibre optique d’une carotte d’enrobé bitumineux a été développée à travers une collaboration entre l’Université Laval et la société Opsens. La technologie est brevetée (Doré et coll., 2010) et a rencontré plusieurs évolutions depuis ses premières utilisations (Doré et Duplain, 2002 ; Doré et coll., 2007 ; Doré et coll., 2009). Le principe de fonctionnement ainsi que la mise en application de ces capteurs présentés ici sont les derniers développements de la technologie.

4.3.3.1 Principe de fonctionnement

L’instrumentation d’une structure de chaussée à l’aide d’une carotte instrumentée est un procédé dit après-coup. Ce procédé consiste à extraire une carotte d’enrobé bitumineux de la structure à analyser puis de la replacer une fois instrumentée des jauges de déformations. Cette

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technique permet d’instrumenter des chaussées neuves, mais aussi des chaussées ayant subi plusieurs cycles de sollicitation. La carotte, prélevée dans la structure où les essais ont lieu, possède les mêmes propriétés physiques et mécaniques que les couches bitumineuses étudiées, ce qui permet d’assurer une continuité des matériaux et ainsi de minimiser la présence des capteurs. La figure 4.7 schématise les différents éléments constitutifs d’une carotte à deux niveaux. Une carotte est constituée d’un corps principal en enrobé bitumineux sur lequel sont collées une ou plusieurs rondelles polymères. Les jauges de déformation sont préalablement intégrées à ces rondelles par le fabricant. Chaque rondelle instrumente un niveau de la carotte et leur nombre est fonction des besoins du projet. Deux jauges à fibre optique sont insérées perpendiculairement l’une par rapport à l’autre dans la rondelle polymère. Cette approche permet de mesurer les déformations suivant deux directions orthogonales, usuellement les directions longitudinales et transversales. À l’intérieur de la rondelle, les jauges sont collées afin d’assurer l’adhérence entre la fibre et le plastique. La rondelle est en polyphénylène sulfide (PPS) qui est un matériau homogène, possédant une bonne résistance chimique et pouvant être facilement usiné en laboratoire. Il est chimiquement stable et insensible à la présence d’eau. Son module en traction est de 3 450 MPa (norme ASTM D638) et son coefficient d’expansion thermique linéaire est de 50,4 µm/m / °C (norme ASTM E831). Les travaux d’Artamendi et coll. (2012) et d’Olard (2003) indiquent que dépendamment des granulats et des bitumes constituant l’enrobé bitumineux, celui-ci possède des coefficients thermiques compris entre 15 et 40 µm/m / °C. Le PPS possède des propriétés mécaniques et thermiques comparables à ceux de l’enrobé bitumineux.

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Figure 4.7 : Schéma d’une carotte instrumentée de capteurs à fibre optique suivant deux directions et à deux niveaux (traduit de Grellet et coll., 2012a)

4.3.3.2 Fabrication

La rondelle et la carotte sont usinées en laboratoire afin de s’assurer de la complémentarité de leur géométrie comme présentée à la figure 4.8(a) et (b). Leur géométrie est symétrique par rapport au centre de la carotte. Au niveau de la carotte, la forme géométrique est composée de deux rainures en croix. Les rainures sont d’une largeur constante sur environ 10 mm de part et d’autre du centre puis s’évasent ce qui forme quatre protubérances en forme de goutte en

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surface. Un épaulement est également usiné à l’extrémité de la carotte afin d’y accoter la rondelle de polymère lors des étapes de collage. La géométrie de la rondelle est conçue pour maximiser le volume d’enrobé bitumineux autour des jauges tout en minimisant les concentrations de contraintes. Une fois en position, le bas de la carotte et la rondelle forment une surface plane.

Figure 4.8 : Instrumentation d’une carotte d’enrobé bitumineux : (a) usinage, (b) installation des capteurs à fibre optique intégrés dans la rondelle polymère et

(c) instrumentation complétée à deux niveaux et suivant deux directions

La rondelle est fixée à la carotte avec de la colle époxy. La colle est uniquement appliquée sur l’épaulement et sur la surface extérieure de la carotte en contact avec la rondelle. Les rainures verticales sur l’extérieur de la rondelle, comme illustrées sur la figure 4.8(b) et (c), permettent de dissocier les deux capteurs en évitant un transfert des contraintes via l’extérieur de la rondelle. Afin de permettre le passage des câbles qui contiennent les fibres optiques, des rainures sont aussi creusées en surface de la carotte sur toute sa hauteur. Pour instrumenter deux niveaux sur la carotte, il est nécessaire de scier la carotte à la profondeur où sera fixée la seconde rondelle. Le morceau scié est ensuite usiné afin de permettre le collage de la rondelle polymère. Par la suite, cette section de carotte est collée au premier morceau pour reformer une carotte complète. La taille finale de la carotte est celle de l’épaisseur de la couche bitumineuse. Étant donné que l’enrobé bitumineux n’est pas un matériau homogène, la section sur laquelle la jauge est fixée est constituée de granulats, de bitume et de vides tel qu’illustré à la figure 4.8(a). Un diamètre de 55 mm a été sélectionné pour la carotte afin que la section, suivant laquelle la jauge mesure l’élongation, soit représentative du matériau.

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Une fois les étapes de conditionnement terminées, les carottes sont calibrées. La calibration permet de s’assurer que le transfert des contraintes à travers le polymère, la colle et l’enrobé bitumineux s’effectue correctement. La figure 4.9 schématise une carotte instrumentée montée sur le bâti de calibration. La calibration consiste à comparer l’élongation du diamètre extérieur de la rondelle polymère avec la déformation mesurée par la jauge à fibre optique.

L’élongation du diamètre est mesurée par un capteur de déplacement fixé au bâti et aux tiges de guidage. La déformation réelle est obtenue en divisant l’élongation de la rondelle par son diamètre initial. La carotte est installée sur le bâti de calibration en l’assemblant par frettage puis en la vissant à un anneau métallique. L’anneau est fixé d’un côté au bâti et de l’autre à une pièce mobile qui se translate en tournant la molette. La translation impose une traction à la rondelle métallique qui transmet la contrainte à la carotte. L’anneau métallique transmet la contrainte suivant la direction de translation. Cette procédure permet de définir un facteur de correction pour chaque jauge qui est appliqué lors des essais expérimentaux. Ce facteur de correction est déterminé en traçant la déformation obtenue par la jauge à fibre optique en fonction de la déformation calculée avec le capteur de déplacement. La figure 4.10 présente deux exemples. Le facteur de correction est l’inverse de la pente de la droite d’interpolation linéaire.

Figure 4.9 : Représentation schématique du bâti de calibration des carottes instrumentées (traduit de Grellet et coll., 2012a)

(a): Anneau métallique (b): Carotte instrumentée (c): Rondelle polymère

(d): Capteur de déplacement (e): Molette imposant la translation (f): Tige de guidage

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La figure 4.10 présente deux droites de calibration. La première est un exemple obtenu pour une jauge située sur une rondelle polymère non collée à une carotte d’enrobé bitumineux. La seconde est celle d’une jauge située sur une carotte dont la fabrication est complétée. La droite d’interpolation pour la rondelle seule (figure 4.10(a)) possède une pente de 0,985. Une pente proche de 1 signifie qu’il y a très peu de perte dans la transmission de la contrainte. La principale perte se situe au niveau du collage entre la jauge et le corps polymère. La droite d’interpolation pour la carotte instrumentée (figure 4.10(b)) possède une pente de 0,890, ce qui signifie que la déformation relevée par la jauge à fibre optique est plus faible que celle calculée à partir du capteur de déplacement. Cette lecture plus faible s’explique en partie par l’hétérogénéité de l’enrobé dont le module peut être plus ou moins élevé en fonction de la présence ou non d’un granulat à proximité de la jauge. La principale perte de transmission des contraintes se situe au niveau du collage entre la rondelle et l’enrobé. Le coefficient de correction permet de quantifier cet effet. Il est appliqué à chaque jauge lors des mesures expérimentales afin d’obtenir la déformation réelle s’exerçant suivant le diamètre de la carotte.

Figure 4.10 : Courbe de calibration d’une rondelle polymère seule et d’une carotte d’enrobé bitumineux instrumentée d’une rondelle polymère

4.3.3.3 Mise en place

Après calibration, les carottes sont placées puis scellées dans la chaussée à l’aide de colle époxy. La figure 4.11 présente les deux principales étapes de l’installation. La première étape consiste à forer la zone d’essais où sera installée la carotte. Initialement, la carotte sur laquelle sont installées les rondelles polymères a été prélevée dans la structure de chaussée analysée

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mais à l’extérieur de la zone étudiée. La carotte instrumentée n’est pas replacée à sa position initiale mais dans un nouveau trou de forage. Ce trou est effectué avec un carottier dont le diamètre extérieur est égal au diamètre de la carotte plus 2 mm. Cela permet de limiter à 1 mm l’espacement entre la carotte et les parois extérieures du trou ce qui réduit le volume de colle autour de la carotte.

Figure 4.11 : Étape d’installation d’une carotte instrumentée : (a) mise en place dans le trou de carottage puis (b) collage à l’aide de colle époxy (épaisseur de colle de 1 mm) La seconde étape consiste à sceller la carotte en injectant de la colle époxy sur son pourtour (figure 4.11(b)). La colle époxy utilisée possède une faible viscosité ce qui permet au produit d’adhérer aux parois du trou sur toute la hauteur de la carotte. Avant cette étape, la profondeur d’enfoncement et l’orientation des jauges sont vérifiées afin de s’assurer du positionnement final de chaque jauge dans la structure. Comme illustré à la figure 4.11, une rainure est usinée en surface du revêtement pour passer les câbles et éviter leur écrasement aux passages des charges. La rainure fait la connexion entre le trou de forage et le bord de la chaussée. Après le scellement de la carotte, la rainure est comblée avec du scellant à fissure. Les étapes d’installation des carottes sont détaillées à l’annexe 5.

4.3.3.4 Durée de vie

La fonctionnalité des carottes instrumentées des campagnes de mesure no 1 et 2 au SERUL ont été testées plusieurs fois par année. Ces relevés indiquent que les capteurs sont capables de résister à plusieurs cycles de gel et de dégel. En hiver, la contraction thermique imposée par les températures froides et le soulèvement au gel des couches engendre des déformations

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élevées dans les capteurs. Plusieurs jauges peuvent alors être sollicitées au-delà de leur plage de mesure et ne plus être fonctionnelles. Lorsque les températures augmentent et que ces sollicitations diminuent, les jauges redeviennent opérationnelles.

Les mesures de la campagne expérimentale no 3 ont été arrêtées après 120 000 chargements.

Les essais routiers se sont poursuivis jusqu’à la rupture par fatigue de la structure de la section B. Des mesures ponctuelles ont été effectuées après 650 000 chargements afin de vérifier si les capteurs étaient toujours fonctionnels. Tous les capteurs opérationnels au début de la campagne de mesure sont restés fonctionnels. Alors que la section A ne présentait pas de fissuration, un taux fissuration qualifié de très élevé a été mesuré sur la section B. Sur la figure 4.12(a), les fissures identifiées sont tracées à la peinture blanche afin de permettre leur visualisation. Il est à noter que certaines fissures s’arrêtaient à l’approche du capteur alors que d’autres le contournaient. Les capteurs ont été extraits par carottage afin de vérifier le collage et la qualité de leur mise en place. La figure 4.12(b) présente l’extraction de la carotte qui instrumentait la couche de BBSG de la section A. Les observations montrent un collage de bonne qualité puisque la colle était présente tout autour du capteur et aucune bulle d’air ni de vide n’a été observée. Sur la figure 4.12(c), la colle est observable sur toute la surface de la carotte. Une partie de la colle a été usinée autour de la rondelle afin de permettre la distinction.

Figure 4.12 : Extraction de l’instrumentation : (a) carottage, (b) carotte extraite contenant le capteur et (c) vérification du collage autour de la carotte initiale