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Revue de littérature

2.6 Caractéristiques des charges

2.6.3 Interaction entre le pneu et la chaussée

La couche supérieure d’un pneu est constituée de caoutchouc dont les propriétés mécaniques varient avec la charge appliquée ainsi qu’avec les conditions de températures et de vitesse. Le pneu est construit à partir d’une succession de couches et de structures métalliques visant à répartir la charge sur l’ensemble de l’empreinte du pneu. Les conditions d’interface et la distribution des contraintes au contact pneu-chaussée varient en fonction des pressions de gonflage, de la charge, de la vitesse du véhicule et des caractéristiques du pneu.

2.6.3.1 Forme des empreintes de pneu

Un pneu se définit par sa bande de roulement qui correspond à la surface entre les deux arêtes extérieures du pneu. Dans la bande de roulement, les rainures du pneu imposent une sculpture propre à chaque type de pneu. Ces rainures définissent les limites des nervures du pneu. La figure 2.14 montre un exemple d’empreinte de pneu où trois rainures parallèles définissent les quatre nervures du pneu. D’autres rainures moins profondes divisent les nervures du pneu en bloc.

L’approche classique utilisée pour les calculs de distribution de la contrainte dans les couches de la chaussée pose les hypothèses suivantes : l’aire de contact entre le pneu et la chaussée est de forme circulaire, la distribution des contraintes est uniforme et uniquement orientée perpendiculairement à la surface de contact (direction verticale suivant l’axe Z) et la charge est supposée statique. La pression de contact est également supposée égale à la pression de gonflage. Expliquer les phénomènes d’endommagement s’exerçant en surface des couches bitumineuses requiert de reconsidérer ces hypothèses. La répartition des contraintes appliquées au contact pneu-chaussée est influencée par : le type de pneu (large, jumelé, radial, biais), la pression dans le pneu (pression recommandée par le fabricant, un sous-gonflage, un surgonflage), la charge distribuée par le pneu, sa sculpture (nervure et rainure) et ses propriétés mécaniques (type de caoutchouc). La figure 2.14 présente la distribution des pressions de contact pour un même pneu, sous une même charge, mais pour deux pressions de gonflage différentes. La baisse de pression a imposé une augmentation de l’empreinte de pneu dans la direction longitudinale (de roulement), mais également une redistribution des pressions de contact. Lorsque le pneu est gonflé à une pression de 690 kPa, les pressions maximales se

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situent au centre du pneu. Lorsque la pression de gonflage diminue, la charge se répartit à travers la structure latérale du pneu et entraine une augmentation des pressions de contact au bord des pneus. Les hypothèses simplificatrices considérant une charge circulaire ne peuvent donc pas s’appliquer lorsque les analyses portent sur la répartition des déformations et des contraintes dans les premiers centimètres de la structure de chaussée. Afin de caractériser l’endommagement s’amorçant en surface, il est nécessaire de considérer à la fois la forme générale du pneu (forme rectangulaire), mais aussi la distribution des nervures et la répartition des contraintes au contact.

Pression de gonflage de 690 kPa

Pression de gonflage de 345 kPa

Échelle de mesure en psi 1 psi = 6,9 kPa

Figure 2.14 : Distribution de la pression de contact d’un pneu 11R22.5 pour une pression de gonflage de (a) 690 kPa et (b) 345 kPa

Plusieurs hypothèses simplificatrices considèrent que les pressions de contact sont uniquement orientées verticalement à la surface de contact. Les travaux effectués à l’aide du système de mesure VRSPTA (Vehicle-Road Surface Pressure Transducer Array) par De Beer et coll. (1997) ont permis d’obtenir une répartition réelle des pressions de contact des pneumatiques. Un exemple de la distribution des contraintes verticales et horizontales (latérale et longitudinale) est présenté à la figure 2.15 pour un pneu de dimension 11R22.5 (ST 234 BFGoodrich) gonflé à une pression de 420 kPa (60 psi) et de 690 kPa (100 psi).

Plus spécifiquement, lorsqu’un pneu est surchargé ou sous-gonflé, des surpressions verticales sont générées sur les bords des pneus alors qu’un surgonflage tend à répartir plus uniformément la contrainte verticale. Le maximum de contrainte est alors mesuré au centre du pneu. Les mesures montrent qu’il est possible de distinguer l’ensemble des sculptures du pneu. Concernant les efforts horizontaux, c’est-à-dire les efforts latéraux et les efforts longitudinaux, une répartition dite en « dent de scie » est observable. Les pneumatiques qui

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subissent une compression verticale importante tendent à vouloir s’étendre latéralement en raison du coefficient de Poisson élevé du caoutchouc. Longitudinalement, de la traction est mesurée à l’avant du pneu ainsi que de la compression à l’arrière du pneu.

Figure 2.15 : Distribution des contraintes verticales, latérales et longitudinales au contact pneu-chaussée d’un pneu 11R22.5 (De Beer et coll., 2002)

La distribution des contraintes de contact est fonction du type de pneu, du chargement appliqué, et surtout de la pression de gonflage appliquée. L’amplitude des contraintes au

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niveau des bandes de roulement du pneu dépend principalement de la charge appliquée. Des contraintes additionnelles peuvent être liées aux accélérations, aux décélérations du véhicule ou encore à la prise d’un virage. Ces effets ne sont cependant pas considérés dans le cadre du projet et la charge circule à une vitesse uniforme suivant une direction linéaire.

2.6.3.2 Effet du contact 3D entre le pneu et la chaussée

L’intégration d’une distribution tridimensionnelle entre le pneu et la chaussée modifie significativement la réponse de la structure. Luo et Prozzi (2007) ont utilisé une approche linéaire élastique afin d’étudier l’effet de cette distribution sur la déformation longitudinale et transversale en bas de couche. Cette étude paramétrique effectuée avec différents types de pneus et pour douze structures de chaussée conclut que la contrainte verticale est le facteur dominant en ce qui concerne les déformations en bas de couches. Les contraintes de contact transversales influencent l’amplitude des déformations lorsque les structures sont fines. Son influence décroit lorsque l’épaisseur de la couche bitumineuse augmente. Soon et coll. (2004) ont montré que les contraintes horizontales au contact pneu-chaussée engendrent une contrainte en traction à l’extérieur des pneus. L’amplitude de ces contraintes ainsi que leurs localisations (profondeur et distance par rapport au pneu) varient en fonction de l’épaisseur de la structure. Plusieurs relevés expérimentaux montrent une meilleure corrélation avec les durées de vie en fatigue des structures lorsqu’un contact 3D est intégré aux analyses. L’effet du contact 3D a aussi été évalué en considérant un comportement viscoélastique de l’enrobé bitumineux au passage de la charge roulante. Cette approche par éléments finis a été plus spécifiquement développée afin d’analyser l’effet des pneus larges comparativement aux pneus jumelés. Les travaux de modélisations effectués à l’Université de l’Illinois (Al-Qadi et Wang, 2009 ; Wang, H., 2011 ; Yoo, 2007) montrent que les efforts horizontaux appliqués au contact pneu-chaussée ne devraient pas être négligés puisqu’ils modifient significativement les amplitudes des déformations et des contraintes proche de la surface. Les simulations montrent que la déformation par cisaillement proche de la surface est augmentée de 4 % à 10 % lorsqu’un contact 3D est considéré comparativement à une charge uniforme. La contrainte en cisaillement, pour sa part, augmente de 15 % à 25 % en fonction de la structure de chaussée, des températures de revêtement et de la charge appliquée. L’intégration du contact 3D ne modifie pas seulement l’amplitude des mesures, mais aussi les formes générales

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du signal. La figure 2.16 présente la distribution des déformations et du cisaillement, proche de la surface sous un pneu jumelé. Le centre de l’espacement interjumelage, appelé centre du pneu sur la figure, est situé en 0. La distribution est présentée dans la direction transversale à la direction du pneu. La répartition pour le cas 3D est superposée à la répartition pour le cas uniforme. En ce qui concerne les déformations, lorsqu’une pression de contact est uniforme, les mesures sous le pneu sont négatives. Sous une pression de contact 3D, les déformations deviennent positives à l’exception des arêtes des pneus qui restent négatives. L’intégration du contact 3D n’a donc pas d’effet important à l’extérieur du pneu. Le maximum d’extension apparait au niveau de l’espacement entre les deux pneus du jumelage. En ce qui concerne le cisaillement, dans le cas uniforme, le maximum se situe directement au niveau des arêtes extérieures des pneus. Dans le cas 3D, la localisation du maximum se retrouve au niveau des nervures extérieures des pneus. Cette considération modifie donc la localisation des contraintes et des déformations critiques responsables de l’endommagement de surface de la structure.

Figure 2.16 : Effet du contact 3D sur les déformations et le cisaillement proche de la surface pour un pneu jumelé (Wang, H., 2011)

À la base du revêtement, l’intégration du contact 3D n’influence que très peu la déformation longitudinale. En ce qui concerne la déformation transversale, une augmentation de l’ordre de 5 % à 20 % est relevée. En fonction du type d’essieu, plusieurs mesures expérimentales montrent que les déformations transversales peuvent être les déformations critiques responsables de la fatigue. Cette considération 3D de la charge explique en partie les écarts mesurés entre les mesures expérimentales et les calculs numériques. Au niveau des contraintes déviatoriques et de la contraction verticale appliquée sur le sol, l’intégration du modèle 3D

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engendre une baisse des valeurs. Cela signifie que les modèles qui considèrent une contrainte uniforme en surface surestiment les dommages engendrés par le pneu. Cette baisse est de l’ordre de 5 % à 10 % en fonction de la charge et de la température.

2.6.3.3 Synthèse

La distribution de la charge au contact pneu-chaussée est fonction du tonnage imposé au pneu, de la pression de gonflage, des caractéristiques physiques du pneu (sa structure, ses sculptures, le type de caoutchouc, sa forme) et également des conditions d’utilisation (température, usure). Cette distribution se divise suivant trois composantes. La composante la plus importante est la contrainte verticale et elle se répartit sur l’ensemble de l’empreinte de pneu.

La seconde composante, engendrée par les propriétés du caoutchouc, correspond à la contrainte transversale. Cette contrainte se répartit au niveau de chaque nervure du pneu. La troisième composante correspond à la contrainte longitudinale et son signe ainsi que son amplitude varient suivant la position sous le pneu. La prise en compte de cet effet 3D modifie l’amplitude et également la forme des signaux de déformations et les contraintes proche de la surface. En fonction des conditions environnementales et de la structure de chaussée, la modélisation du contact 3D a un impact plus ou moins significatif sur les mesures.

2.6.4 Synthèse

La réponse mécanique d’une structure de chaussée et en particulier des couches bitumineuses dépend de la charge, de l’historique de chargement et des conditions environnementales sous lesquelles elle est appliquée. Les paramètres de charge suivants influencent particulièrement la répartition des déformations dans la structure : le type d’essieu, le type de pneu, le chargement appliqué, la pression de gonflage et la vitesse du véhicule. Historiquement, l’effet du type de pneu et en particulier la comparaison entre les pneus larges et les pneus jumelés a été très étudié. Ces études sont basées sur la modélisation et la mesure des contraintes et des déformations à différents niveaux dans la structure. Dans les premiers centimètres de la couche de revêtement, les analyses portent essentiellement sur des modélisations, car l’installation de capteurs fiables et durables à cette profondeur dans les couches bitumineuses reste problématique. Les modélisations montrent pourtant que les phénomènes de surface sous le pneu sont complexes et fortement influencés par les conditions de charges.

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2.7 Outils de calcul et de modélisation de chaussées