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Revue de littérature

2.6 Caractéristiques des charges

2.6.2 Configurations des pneus

2.6.2.1 Nomenclature des pneus

Une roue désigne l’ensemble pneu/jante. La jante est la section métallique intérieure sur laquelle repose un système multicouche de caoutchouc et d’acier (le pneu). Le pneu assure l’interface entre le véhicule et la route. Son rôle est de transmettre la charge du véhicule tout en offrant une bonne adhérence pour le roulement. Un pneu étant indissociable d’une jante, il n’est pas rare de retrouver le mot pneu pour désigner une roue. En particulier, la nomenclature d’un pneu va désigner à la fois les caractéristiques du pneu et de la jante. Cette désignation se présente sous la forme A#B avec « A » les paramètres du pneu, « # » le type de pneu et « B » les paramètres de la jante. Le symbole « # » est remplacé par la lettre R pour un pneu radial ou par « - » pour les pneus biais. La lettre « A » sera remplacée par la largeur de la section de

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la roue alors que « B » correspond au diamètre nominal de la jante. À titre d’exemple, un pneu traditionnellement utilisé au niveau d’une roue jumelée au Québec s’écrit 11R22.5. Dans ce cas-là, « A » vaut 11 pouces et « B » vaut 22.5 pouces, et une roue jumelée sera composé de deux pneus 11R22.5 espacés d’une distance « d » définie par le constructeur. Une « roue jumelée » est également appelée « pneu jumelé ». Pour les pneus à bande large, la section du pneu est le paramètre important. Pour cette raison, la hauteur et la largeur apparaissent dans la désignation du pneu. Le pneu 455/55R22.5, par exemple, possède une largeur de section de 455 mm et le ratio entre la largeur et la hauteur est de 55 %, soit une hauteur de 250 mm. Ces données ne renseignent pas directement sur l’empreinte au sol puisque la largeur du pneu tient compte du bourrelet de part et d’autre du pneu et l’empreinte au sol d’un pneu dépend à la fois de la charge et de la pression de gonflage.

2.6.2.2 Analyse comparative des pneus à bande large et des pneus jumelés.

 Historique des pneus à bande large :

Depuis leur première apparition dans les années 1980, les pneus à bande large ont été beaucoup étudiés et ont connu des évolutions considérables. Les premiers modèles possédaient une largeur de 295 mm, contre 455 mm actuellement en Amérique et 495 mm en Europe (Al-Qadi et coll., 2004). Les fabricants (Michelin, Goodyear, Bridgestone), en plus de proposer des pneus plus larges, ont aussi apporté des modifications concernant la forme et la composition des pneus. De nombreuses études ont été effectuées pour comprendre et évaluer l’impact qu’aurait l’utilisation des pneus à bande large en remplacement des pneus jumelés traditionnels. Les premières générations de pneus larges (385/65R22.5 et 425/65R22.5) ont été étudiées dans les années 90 aux États-Unis (par Akram au Texas, Bonaquist en Virginie et Sebaaly en Pennsylvanie), en Finlande par Huhtala et au Royaume-Uni par Addis. L’ensemble de ces études s’accorde pour conclure que les dommages engendrés par les pneus larges étaient en tout point supérieurs aux pneus jumelés pour une même charge transportée.

Dépendamment de la pression de gonflage et de la structure de chaussée, le dommage relatif s’établit entre 1,5 et 2,0 en ce qui concerne l’orniérage et entre 2,0 et 4,0 en ce qui concerne la fissuration de fatigue (Al-Qadi et coll., 2004). Les projets ne se sont cependant pas arrêtés là puisque rapidement, l’utilisation des pneus larges a présenté de nombreux avantages économiques, écologiques ainsi qu’une conduite plus sécuritaire et de meilleure qualité.

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 Les avantages et les inconvénients dans l’utilisation des pneus à bande large :

Les premières générations de pneus à bande large présentaient une baisse de la résistance au roulement pouvant atteindre 25 %, ce qui se traduisait par des réductions de consommation de carburant proche de 6 % et conséquemment, une baisse de la pollution (Bauer et coll., 1996). La résistance au roulement représente près de 35 % de l’énergie consommée sur un véhicule et actuellement, avec la nouvelle génération de pneus larges, la baisse de la résistance au roulement est d’au moins 12 % (Al-Qadi et Elseifi, 2007). Cette baisse se répercute, dépendamment de la route et du positionnement des pneus, par des réductions de la consommation d’essence comprises entre 6 % et 11 %. Des pneus larges placés à la fois au niveau du tracteur et de la remorque sont plus efficaces que s’ils sont seulement installés sur la remorque. Une étude effectuée auprès de sept compagnies de transport au Canada (Genivar Consultant Group, 2005) rapporte que six d’entre elles ayant utilisé des pneus à bande large ont obtenu des baisses de consommation allant de 3,5 % à 12 %. Ces données représentent un gain monétaire significatif pour les entreprises de camionnage. D’un point de vue environnemental, cette réduction de la consommation se répercute directement sur la baisse des émissions de gaz (monoxyde de carbone, dioxyde de carbone et oxyde d’azote). Ce sont des avantages écologiques auxquels vient s’ajouter celui de la réduction de caoutchouc consommée. Moins de caoutchouc étant nécessaire pour la production des pneus larges signifie que moins de matières sont à recycler une fois la durée de vie du pneu atteinte. Un gain de poids est aussi à considérer pour la société de camionnage. Un changement de pneu au niveau d’un tridem d’une remorque permet une baisse de la charge à l’essieu car un pneu large est plus léger que deux pneus en configuration jumelée. Freund et Brady (2009) ont collecté des séries de données sur les pressions de gonflage des pneus équipant les camions de plusieurs sociétés de transport. Les conclusions de ces études révèlent que l’entretien des véhicules n’est que très peu respecté. En moyenne, il est apparu que 45 % des camions possèdent des écarts de pressions de ±5 psi (soit 35 kPa ou 0,35 bar) par rapport aux pressions recommandées. Ces écarts atteignent même ±20 psi pour 7 % des camions échantillonnés. Ces écarts s’expliquent principalement par les difficultés rencontrées par les sociétés à assurer un entretien régulier et un contrôle de la pression dans les pneus jumelés. Le manque d’accessibilité aux valves des pneus entraine une vérification succincte. Plus d’un quart des pneus jumelés équipant une remorque présentent une différence de pression supérieure à 5 psi

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entre les deux pneus d’un pneu jumelé, entrainant du même coup une augmentation de la consommation d’essence et de l’entretien du véhicule ainsi qu’une usure prématurée des pneus. Le déséquilibre des pneus entraine également une mauvaise répartition de la charge et une réponse non optimale de la remorque et du tracteur. Le contrôle et l’ajustement des pneus larges sont plus simples, diminuant ainsi le coût d’entretien lié à la prévention et à la réparation.

En contrepartie, les premières générations de pneus à bande large ont montré une augmentation importante des dommages engendrés dans la structure de chaussée. Ces mesures ne permettaient pas une utilisation immédiate de ces types de pneus sur le réseau routier, sans quoi les réparations et les travaux auraient été conséquents quelques années plus tard. Les critères d’évaluation de ces dommages ont évolué simultanément aux méthodes de conception des routes et aux techniques de fabrication des pneus. Vingt ans après, la nouvelle génération de pneus larges (445/50R22.5 et 455/55R22.5) ne possédant plus les mêmes caractéristiques physiques et dimensionnelles, une réévaluation du dommage relatif entre les pneus est en cours depuis plusieurs années. De nouveaux composants et procédés de fabrication permettent maintenant la confection de pneus plus larges tout en maintenant un ratio hauteur/largeur adéquat. Cette nouvelle génération de pneus larges a été évaluée par différents groupes de recherche en suivant les quatre critères de rupture suivants : la fissuration par fatigue, l’orniérage structural, l’orniérage par fluage dans les couches bitumineuses et finalement la fissuration s’amorçant en surface. Deux approches ont été considérées pour les deux premiers modes d’endommagement : une analyse empirique basée sur la pose de capteurs de déformations dans la chaussée et une analyse mécanistique basée sur l’utilisation de logiciels de calcul. Pour le fluage des couches bitumineuses, les études se sont orientées vers des essais de laboratoire et des mesures expérimentales visant à quantifier le dommage relatif de chaque type de pneu. Finalement, pour la fissuration par le haut, l’ensemble des études est basé sur une approche théorique utilisant des logiciels de calcul visant à quantifier la distribution des déformations et des contraintes dans les premiers centimètres de la couche bitumineuse. Les analyses paramétriques, effectuées dans ces études, ont mis en évidence l’influence de la pression de gonflage des pneus, de leur chargement ainsi que de l’épaisseur de revêtement.

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Les principales conclusions des études effectuées sur les pneus 445/50R22.5 et 455/55R22.5 sont les suivantes :

- Priest et coll. (2005), ont instrumenté une structure de chaussée (épaisseur de revêtement de 170 mm, fondation de 150 mm et sous-fondation de 450 mm) à l’aide de capteurs de déformation et de capteurs de pression. En complément, une série de calcul effectuée à l’aide du logiciel WESLEA a permis de comparer ces mesures aux valeurs calculées. Les outils de calcul ont montré que l’utilisation des pneus larges (445/50R22.5) en remplacement des pneus jumelés (275/80R22.5) entraine une augmentation de 50 % des déformations en bas du revêtement et une augmentation de 15 % à 20 % des contraintes au niveau de la sous-fondation et de la fondation.

Expérimentalement, les mesures ne montrent pourtant aucune différence notable entre les deux configurations de pneus. Les auteurs concluent que les durées de vie en orniérage structurale et en fatigue sont égales pour les conditions d’essais évaluées.

La comparaison entre les mesures théoriques et expérimentales a donc montré que le modèle surestimait significativement les déformations et les contraintes engendrées par un pneu large ou alors sous-estimait celles engendrées par un pneu jumelé. Les auteurs préconisent donc d’augmenter la taille de la matrice expérimentale et d’intégrer au modèle théorique une discrétisation plus détaillée des empreintes de pneus.

- Le centre des transports de l’Illinois (Qadi et Wang, 2009, 2012 ; Wang, H. et Al-Qadi, 2011) a effectué une importante campagne de mesures expérimentale sur plusieurs structures de chaussée représentatives d’un réseau routier à l’aide du simulateur de charge linéaire ATLAS (Accelerated Testing Loading ASsembly). En complément, un modèle tenant compte du caractère viscoélastique des matériaux et de la tridimensionnalité de la sollicitation appliquée par la charge (détaillé à la section 2.6.3) a été mis au point sous le logiciel ABAQUS. Ce modèle par éléments finis a servi de point de comparaison pour l’ensemble des cas évalués expérimentalement. Concernant les déformations longitudinales, les mesures expérimentales indiquent que les pneus 455/55R22.5 entrainent une augmentation de l’ordre de 16 % comparativement aux pneus jumelés. Cette augmentation est comprise entre 2 % et 40 % en fonction de la structure étudiée, des charges appliquées et des pressions de gonflage. Les mesures montrent que plus les structures possèdent

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une épaisseur de revêtement importante, moins l’augmentation des déformations est importante. Concernant l’orniérage structural, les simulations numériques montrent que les pneus larges entrainent une augmentation de la compression appliquée sur les sols et que le risque d’endommagement est donc augmenté pour une même charge transportée. Cette augmentation est comprise entre 3 % et 25 %. En contrepartie, les pneus à bande large diminuent la compression maximale appliquée en surface de l’enrobé bitumineux, contrainte considérée comme responsable du fluage. Cette diminution est comprise entre 5 % et 30 %. Les modélisations montrent également que le cisaillement critique dans les premiers centimètres proche de la surface diminue de 7 % à 20 % avec l’utilisation des pneus larges. Le cisaillement mesuré au bord des pneus est responsable de la fissuration s’amorçant en surface. Comme présenté, la réponse de la structure à un nouveau type de pneu dépend de ses caractéristiques et en particulier de son épaisseur de revêtement bitumineux. Sur une chaussée épaisse, les modes de rupture observés sont principalement la fissuration s’amorçant en surface et le fluage des couches bitumineuses. Pour les chaussées intermédiaires et fines, le facteur responsable de la rupture de la structure est la fissuration par fatigue initiée au bas du revêtement bitumineux. L’intégration des pneus à bande large n’a donc pas le même impact sur le réseau principal caractérisé par des structures épaisses et sur le réseau secondaire caractérisé par des structures plus fines.

- Afin de caractériser l’effet des bords des pneus sur l’endommagement s’amorçant proche de la surface, Greene et coll. (2010) ont installé une série de capteurs de déformation dans les premiers centimètres de la couche bitumineuse en surface. Les résultats expérimentaux, accompagnés d’un modèle par éléments finis, confirment que l’utilisation des pneus à bande large (455/55R22.5 et 445/50R22.5) réduit de 20 % le cisaillement et de 10 % à 20 % les déformations en extension en surface. Une augmentation de l’ordre de 10 % de la déformation verticale appliquée en surface est également relevée. Les pneus jumelés sont donc moins dommageables en ce qui concerne le fluage des matériaux bitumineux, mais plus dommageables en ce qui concerne la fissuration par le haut. Expérimentalement, les points de mesure de la déformation proche de la surface se sont limités à un positionnement situé à l’extérieur du pneu. Aucune mesure sous le pneu n’est présentée dans cette étude. Il est à noter que pour les conditions expérimentales simulées, aucune différence notable n’a été

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relevée en ce qui concerne l’extension en bas de la couche de revêtement.

- La mesure de la déformation en cisaillement dans les premiers centimètres de la couche bitumineuse est expérimentalement accessible à travers l’installation d’une rosette de déformation. Cette opération a été effectuée par Xue et Weaver (2011) en installant deux capteurs dans des directions orthogonales et un troisième avec un angle de 45° par rapport aux deux premiers. Le cisaillement a été évalué à deux profondeurs dans la couche bitumineuse pour quatre types de pneus (deux pneus jumelés et deux pneus larges). L’étude propose une méthode d’analyse des mesures expérimentales relevées à faible profondeur. Ces mesures montrent l’importance d’avoir un contrôle précis sur la température du revêtement, sur la vitesse de passage de la charge, mais aussi sur la position relative de la charge par rapport aux capteurs. L’analyse du cisaillement sous le pneu a montré une influence importante de l’empreinte de pneu sur la distribution des déformations.

2.6.2.3 Synthèse

Les pneus à bande large présentent de nombreux avantages écologiques et économiques pour les transporteurs routiers et augmentent également la sécurité des transports. Le passage de deux pneus jumelés à une seule roue plus large entraine une nouvelle distribution de la charge au sein de la structure. Les mesures expérimentales et les simulations numériques ont montré que la mise en service des nouvelles générations des pneus à bande large a pour effet d’augmenter les déformations en bas de la couche de revêtement, mais aussi les déformations verticales appliquées sur les sols. À l’inverse, les pneus larges réduisent le cisaillement ainsi que l’extension dans les premiers centimètres du revêtement bitumineux. Ces conclusions sont fonction de la charge transportée, de la structure de chaussée étudiée, mais aussi des conditions climatiques. L’endommagement des structures épaisses a principalement lieu en surface par le fluage des matériaux et la fissuration par le haut. Pour ces structures, l’utilisation des pneus larges serait bénéfique. À l’inverse pour les structures d’épaisseur intermédiaire et mince, plus fortement affectées par la fissuration par fatigue et à l’orniérage structural, les pneus à bande large diminueraient leur durée de vie. Afin de conclure sur l’effet du type de pneu, il est nécessaire de quantifier l’impact sur l’ensemble d’un réseau et pour diverses conditions de trafic.

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