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Revue de littérature

2.3 Comportement en petites déformations des enrobés bitumineux bitumineux

2.3.2 Le module complexe

2.3.2.1 Définition

Selon Doucet et Auger (2010), le module complexe (noté E*) est l’expression de la rigidité d’un matériau viscoélastique sous chargement cyclique. La figure 2.3 présente un cycle de sollicitation en traction-compression alternée effectué sur une éprouvette d’enrobé bitumineux. Compte tenu du caractère viscoélastique du matériau, la réponse en déformation d’un enrobé bitumineux sous une contrainte sinusoïdale (équation 2-1) est une sinusoïde (équation 2-2) qui présente un retard de phase (équation 2-3). L’angle de déphasage caractérise le comportement visqueux du matériau. Il est donc nul pour un matériau purement élastique et vaut 90° pour un matériau purement visqueux.

Figure 2.3 : Sollicitation sinusoïdale en traction-compression alternée sur un enrobé Doucet et Auger (2010)

0 0.25 0.5 0.75 1 1.25

Temps, t (sec) -200

-150 -100 -50 0 50 100 150 200

Contrainte, (kPa) Déformation,()

sin (t)

sin (t - )

=2/ttotal

tlag

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𝜎(𝑡) = 𝜎0· 𝑠𝑖𝑛 (𝜔𝑡) Équation 2-1 𝜀(𝑡) = 𝜀0· 𝑠𝑖𝑛 (𝜔𝑡 − 𝛷) Équation 2-2

𝛷 = 𝜔 𝑡𝑙𝑎𝑔 Équation 2-3

Où : 𝑡 temps de chargement (en s), 𝜔période (en rad/s)

= 2.f avec f la fréquence de sollicitation (en Hz),

Φangle de phase (en rad),

𝑡𝑙𝑎𝑔= temps de déphasage entre 𝜎(𝑡) et 𝜀(𝑡) (en s).

Le module complexe est défini comme le rapport entre l’amplitude complexe de la contrainte et l’amplitude complexe de la déformation, tel que présenté à l’équation 2-4. La norme du module complexe |𝐸|, nommé module dynamique en Amérique du Nord et module de rigidité en Europe, est le rapport entre la contrainte maximale et la déformation maximale. Le module complexe comme tout nombre complexe se décompose en une partie réelle (notée E1) et une partie imaginaire (notée E2). Sous sa forme vectorielle, il est composé d’un module (|𝐸|) et d’un argument (Φ), tel que présenté à l’équation 2-4.

𝐸(𝑡) =𝜎(𝑡)

𝜀(𝑡) = 𝜎0. 𝑒𝑖𝜔𝑡

𝜀0. 𝑒𝑖(𝜔𝑡−Φ) = |𝐸|𝑒𝑖Φ Équation 2-4 Où : |E| module dynamique ou module de rigidité (en MPa)

i = unité imaginaire (i2 = 1) 2.3.2.2 Méthodes d’essais

Au cours d’essais de laboratoire, une éprouvette d’enrobé bitumineux est soumise à des chargements répétés sous des conditions croisées de températures et fréquences de sollicitation. Les déformations sont maintenues dans le domaine linéaire. Les amplitudes de la contrainte et de la déformation sont mesurées simultanément ainsi que leur déphasage. À partir de ces données, il est possible de caractériser l’ensemble du comportement viscoélastique linéaire du matériau. Plusieurs méthodes d’essais normalisées de détermination du module sont proposées par l’AASHTO, l’American Society for Testing and Materials (ASTM), le Comité européen de normalisation (CEN) ainsi que par le MTMDET. Le tableau 2.1 fait un bilan des essais recommandés ainsi que des paramètres techniques préconisés.

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Les essais de module dynamique sont principalement des essais de traction-compression directe, de compression directe ou de flexion deux points. La norme européenne NF EN 12697-26 (2012) présente également des essais de flexion trois et quatre points sur éprouvettes prismatiques ainsi que des essais de traction indirecte et de traction directe. Ces essais sont cependant moins couramment utilisés. Pour l’ensemble des essais de laboratoire, l’amplitude de chargement doit être telle qu’aucun dommage ne puisse en résulter pendant le temps nécessaire au relevé des mesures. Il est donc préconisé de maintenir des déformations inférieures à 50.10−6 m/m pour s’assurer d’être dans le domaine linéaire tout en évitant tout endommagement en fatigue. Une attention particulière doit être portée pour les températures extrêmes, c’est-à-dire supérieures à 30 °C et inférieures à 0 °C. L’ensemble des méthodes d’essais préconise d’évaluer le module complexe pour une gamme donnée de températures et de fréquences afin d’obtenir l’ensemble du comportement viscoélastique du matériau.

Tableau 2.1 : Méthodes d’essai normalisées pour la détermination du module complexe

Norme Méthode

2.3.2.3 Présentation des résultats de module complexe

Les résultats expérimentaux des paramètres du module complexe sont généralement illustrés suivant quatre représentations :

 Les courbes isothermes et les courbes isochrones : ces courbes sont obtenues en traçant la norme du module complexe en fonction de la fréquence pour chaque température

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d’essais (courbe isotherme), ou en fonction de la température pour chaque fréquence d’essais (courbe isochrone). Ces courbes permettent une lecture directe du module pour un calcul de dimensionnement pour une fréquence et une température donnée. Un exemple de ces courbes est illustré à la figure 2.4 pour le béton bitumineux semi-grenu (BBSG) 0/10 utilisé lors de la campagne expérimentale.

 Représentation dans le plan de Cole et Cole et dans l’espace de Black : dans le plan de Cole et Cole, la partie réelle E1 est portée en abscisse et la partie imaginaire E2 en ordonnée. Cette représentation est illustrée à la figure 2.5. Dans l’espace de Black, la norme du module dynamique est représentée en abscisse sur une échelle logarithmique et l’angle de phase est en ordonnée (figure 2.5). Les enrobés présentent un comportement thermorhéologique simple lorsque les points représentatifs s’ajustent sous la forme d’une courbe unique dans le plan de Cole et Cole et dans l’espace de Black (Huet, 1963) et dans ce cas, le principe d’équivalence temps-température est applicable.

Les données de module complexe illustrées à la figure 2.4 ainsi qu’à la figure 2.5 ont été obtenues en suivant les recommandations de la norme NF EN 12697-26 (2012) pour les essais de flexion en deux points sur éprouvettes trapézoïdales.

Figure 2.4 : Courbes isothermes et isochrones du module dynamique pour le BBSG 0/10 utilisé lors de la campagne expérimentale

0.1 1 10 100

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Figure 2.5 : Représentation du module complexe dans le plan de Cole et Cole et dans l’espace de Black pour le BBSG 0/10 utilisé lors de la campagne expérimentale 2.3.2.4 Principe d’équivalence temps-température et courbe maîtresse

Le principe d’équivalence temps-température, aussi appelé le principe d’équivalence fréquence-température, s’applique lorsque l’ensemble des résultats expérimentaux de module complexe présente une courbe unique dans le plan de Cole et Cole et l’espace de black. Ce principe stipule qu’une même valeur de module dynamique peut être obtenue avec différents couples (fréquence ou pulsation , température). Comme présenté à l’équation 2-5, il existe une pulsation 2 de sollicitation sous laquelle un module complexe évalué à la température T2

est équivalent aux résultats de module évalué à la pulsation  et à la température T1.

En utilisant cette propriété d’équivalence, il est possible de construire une courbe unique de module dynamique, pour une température de référence (𝑇𝑅) choisie arbitrairement, à partir des courbes isothermes. Cette courbe est appelée courbe maîtresse de l’enrobé à la température 𝑇𝑅. Graphiquement, cette courbe est obtenue par translation de chaque isotherme, parallèlement à l’axe des fréquences, jusqu’à superposition des points de même ordonnée.

L’isotherme de la température de référence reste fixe et sert de repère à la translation. Pour chaque isotherme, un facteur de translation (𝑎𝑇) est déterminé. Chaque point des isothermes

10000 20000 30000

(a) Module complexe dans le plan de Cole et Cole

100 1000 10000 100000

(b) Module complexe dans l'espace de Black

|E*|=(E1 2 + E2

2)

=arctan(EE21)

E1, T1) = E2, T2) avec ω1. f(T1) = ω2. f(T2) Équation 2-5

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vérifie l’équation 2-6. Le coefficient de translation pour la température de référence est donc égal à 1. La fréquence ainsi déterminée est appelée fréquence équivalente (ou fréquence réduite) pour la température de référence. Un exemple de courbe maîtresse de module dynamique, du BBSG 0/10, est présenté à la figure 2.6.

Figure 2.6 : Courbe maîtresse de module dynamique pour l’enrobé BBSG 0/10, à la température de référence de 15 °C

Pour chaque enrobé bitumineux, il est possible de tracer une courbe maîtresse à la fois pour le module dynamique et pour l’angle de phase. Ces courbes permettent d’obtenir des valeurs de module pour des fréquences inaccessibles par l’expérimentation. Williams et coll. (1955) proposent une formule analytique liant les facteurs de translation et les températures. Cette formule dite WLF (William, Landel et Ferry) est présentée à l’équation 2-7. Pour chaque température, le facteur de translation peut aussi être déterminé en utilisant une formule de type Arrhénius (équation 2-8).

20 log (aT) = −𝐶1. (𝑇 − 𝑇𝑅)

(𝑇 − 𝑇𝑅) + 𝐶2 Équation 2-7

Où : 𝐶1 et 𝐶2= constantes fonction du matériau 𝑇 = température

𝑇𝑅= température de référence

log(aT) = 𝛿𝐻 𝑅 . (1

𝑇− 1

𝑇𝑅) Équation 2-8

Où : 𝛿𝐻 = énergie apparente d’activation caractérisant le matériau 𝑅= constante des gaz parfaits (=8.314 J.mol−1.K−1)

𝑇= température exprimée en Kelvin

𝑇𝑅= température de référence exprimée en Kelvin

2.3.3 Modélisation du comportement des enrobés bitumineux dans le