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Problèmes/défis liés à l'opérationnalisation du processus électoral .1 La dimension politique de la gestion des élections

Dans le document LES COMMISSIONS ELECTORALES (Page 124-129)

Le mode d'association de la classe politique (les représentants des partis politiques et/ou des candidats aux diverses élections) au fonctionnement de la Commission électorale (à la gestion de la part qui revient à la Commission dans le processus électoral) – appelé "degré de politisation de la Commission électorale"

ou "dimension politique" de la gestion des élections – constitue également un problème qu'il faut prendre au sérieux lorsque l'on a décidé de recourir à une Commission pour la gestion des élections dans un pays. Ce facteur – le degré de politisation de la Commission électorale – est important parce qu'il peut avoir un impact sur l'autonomie ou l'indépendance de la Commission, sur le degré de responsabilisation de ses animateurs et sur l'attitude des acteurs politiques vis-à-vis des résultats – c'est-à-dire les risques de contestation ou non des résultats des élections, mais aussi et surtout sur la neutralité de la Commission et de ses membres.

La vraie question que pose la dimension politique de la gestion des élections est la suivante : quelle devrait être la nature de l'association et à quel point (c'est-à-dire à quel degré faut-il) associer les acteurs politiques (ou leurs représentants) au fonctionnement de la Commission pour garantir les trois résultats importants (majeurs) ci-après : (a) avoir la confiance des acteurs partisans (partis et/ou candidats), (b) avoir la confiance des citoyens et (c) garantir un niveau raisonnable de crédibilité des élections. Etant donné que c'est la dimension politique de la gestion des élections qui intéresse ici, seul le premier point, c'est-à-dire celui relatif aux facteurs susceptibles d'influencer le degré de confiance des acteurs politiques en la gestion par la Commission électorale sera traité dans la suite de la présente section.

Etant donnée l'importance des élections pour les acteurs partisans, le minimum exigible d'une structure de gestion des élections, à plus forte raison d'une Commission électorale, est qu'elle rassure lesdits acteurs non seulement par rapport à la qualité du processus (et des résultats qu'il produit) mais également, et peut-être surtout, qu'elle offre des gages de ce que rien n'est fait (ou ne sera fait) contre leurs intérêts respectifs. En d'autres termes, la nature et le degré d'association des acteurs politiques au fonctionnement de la Commission électorale doivent être de telle sorte que ceux-là seront rassurés sans pour autant entacher la qualité de la gestion de celle-ci.

L'appréciation du mode d'association des acteurs politiques à la gestion directe des élections nécessite la prise en compte de plusieurs paramètres (facteurs). Il

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faut, par exemple, décider de qui parmi tous les acteurs partisans doit être autorisé à être associé au fonctionnement de la Commission pour chaque échéance électorale. Il faut également penser aux niveaux de démembrement où l'association des acteurs politiques peut contribuer à apporter les qualités souhaitées, les résultats voulus au processus électoral. L'on se doit aussi de s'assurer que les prérogatives qui leurs sont accordées à chacun des niveaux de la structure de gestion des élections (Ex. voix délibérative ou consultative aux assemblées à chaque niveau, etc.) sont susceptibles de participer à la réalisation des objectifs visés en ce qui concerne l'association des politiciens.

En ce qui concerne la proportion dans laquelle, le degré auquel il faut associer les représentants des groupes politiques qui ont été autorisés à participer au fonctionnement de la Commission électorale, elle doit être plus qualitative que quantitative. Si, en effet, comme il est dit ci-dessus, la dimension politique de la gestion des élections est prise en compte essentiellement pour rassurer les acteurs politiques de ce que le processus électoral ne sera pas biaisé contre leurs intérêts, la question devient alors celle de savoir où il faut les placer pour qu'ils suivent le déroulement du processus, c'est-à-dire plutôt une question de qualité que de quantité. En d'autres termes, les groupes politiques légalement autorisés à être associés à la gestion du processus doivent être moins préoccupés par leur capacité à peser sur les décisions de la structure électorale qu'à se placer et à exiger des prérogatives leur permettant de s'assurer que le jeu ne sera pas biaisé en leur défaveur.

Il faudrait donc créer pour les acteurs politiques des positions de veille beaucoup plus que des positions de faiseur, d'organisateur direct du processus électoral.

C'est par rapport à cela que la suite de la présente section sera traitée.

Un bon exemple : Les Commissions électorales du Ghana et du Cap-Vert

A l'instar de la plupart des autres questions abordées dans le cadre de la présente étude, la prise en compte de la dimension politique de la gestion des élections n'est pas nécessairement simple et n'admet pas une solution meilleure à toutes les autres et applicable partout. Malgré cela, il est possible, comme dans les autres cas, de montrer quelques exemples qui ont produit des résultats recommandables. Deux exemples sont présentés ci-dessous : le Ghana et le Cap-Vert.

Au Ghana, l'une des directions techniques de la Commission électorale, notamment celle des opérations, est chargée de préparer une rencontre nationale mensuelle de concertation entre la Commission et les partis politiques réunis dans le cadre de l'IPAC (Inter-party Advisory Commettee). Ce forum

permet en toute transparence d'établir une plate-forme permanente pour maintenir le dialogue avec les partis politiques actifs. L'objectif de la rencontre est de faire le point de l'état d'avancement des travaux et de lever tous les goulots d'étranglements qui surviennent dans le processus de l'organisation des élections, de l'accréditation et de la gestion des partis politiques. A la suite de la réunion nationale mensuelle, des réunions sont organisées au niveau régional et local de façon décentralisée toujours dans le souci de prendre en compte quasiment au quotidien des préoccupations des partis politiques et de s'assurer qu'elles sont bien traitées.

Il faut souligner pour finir sur le cas du Ghana, que ce forum de collaboration permanente entre la Commission et les acteurs politiques est pour le moment informel (n'est pas prévu par la loi), même s'il a déjà aidé dans la gestion d'élections paisibles et jugées crédibles par la plupart des acteurs du processus.

Au-delà du cadre, les voies légales sont prévues pour que les acteurs politiques fassent recours contre toute décision de la Commission qui n'a pas leur agrément, y compris le choix des citoyens impliqués dans la gestion des élections.

Le Commission électorale du Cap-Vert (CNE) offre une autre alternative, tout aussi valable en termes d'association des acteurs politiques au fonctionnement de la Commission. En effet, la CNE tient une rencontre par semaine à laquelle participent les représentants de tous les partis politiques légalement reconnus.

Jusqu'à l'adoption de la loi électorale actuellement en vigueur et adoptée en juin 2007, les représentants des partis étaient juste autorisés à demander des éclaircissements sur des coins d'ombres, ils n'étaient pas autorisés à participer aux débats lors des réunions de la CNE. Mais avec la nouvelle loi, ils participent aux débats sans la capacité de voter. Ceci constitue un mécanisme important de transparence du fonctionnement et surtout de la prise de décision au niveau de la CNE ; un mécanisme qui concourt nécessairement à rassurer les acteurs par rapport à la gestion des élections par la CNE.

Un exemple à améliorer : La Commission électorale du Bénin

En République du Bénin, sous prétexte de garantir la transparence et l'impartialité de la Commission électorale (CENA), la loi a prévu purement et simplement une forte politisation de celle-ci. Par forte politisation il faut entendre, d'une part, le fait que la quasi-totalité des membres de la Commission sont désignés par les partis politiques et, d'autre part, la nécessité de tenir compte de la configuration politique du Parlement aussi bien dans le choix de ses représentants à la CENA que dans la formation du Bureau de cette dernière. Dans la loi n°2007-25 du 17 novembre 2007 portant règles générales pour les élections en République du Bénin actuellement en vigueur, les acteurs politiques désignent 16 des 17 membres de la Commission électorale nationale.

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La situation est identique en ce qui concerne la composition des démembrements de la CENA qui sont prévus à trois niveaux : départemental, communal et à arrondissement. En effet, au premier niveau de démembrement, celui départemental, la Commission Electorale Départementale (CED) est composée de 11 membres dont 10 sont désignés par les acteurs politiques. La Commission Electorale Communale (CEC) est composée de 7 ou 9 membres (selon la taille de la Commune) dont 6 et 8 respectivement sont désignés par les acteurs politiques.

Et au niveau de l'Arrondissement, la Commission Electorale d'Arrondissement (CEA) est composée de 3, 5 ou 7 membres (selon la taille de l'Arrondissement) dont 2, 4 et 6 respectivement sont désignés par les acteurs politiques.

Au-delà de cette hyper politisation de la CENA et de ses démembrements (unique dans la sous région), le cas béninois présente une autre particularité. Il est devenu la règle depuis quelques temps, que le Bureau de la Commission – qui est élu au sein de celle-ci par ses membres – doit se constituer conformément à la configuration politique de la Commission. Au contraire, dans plusieurs Commissions électorales de l'Afrique de l'Ouest, il est suggéré que des positions, par exemple la présidence et/ou des vice-présidences, reviennent de droit aux représentants de la Société civile au sein de la Commission. Cette question est tellement prise au sérieux que lors des élections locales de 2008, la Cour constitutionnelle a fait reprendre 3 fois la constitution du Bureau de la CENA pour non respect de la configuration politique de la Commission.

La forte politisation de la CENA et de ses démembrements constitue une cause importante de difficultés dans la gestion des élections au Bénin, voire la principale source de problème et celle qui engendre les conséquences les plus désastreuses.

La politisation, d'abord réalisée au niveau de la CENA et de ses démembrements, s'est étendue finalement jusqu'aux agents électoraux (agents recenseurs et membres de bureau de vote) qui eux-aussi, selon la loi n°2007-25 portant règles générales pour les élections en République du Bénin actuellement en vigueur, sont désignés sur la base du respect de la configuration politique. Cette forte politisation, devenue outrancière avec le temps, est supposée permettre la participation de toutes les forces politiques clés à la gestion du processus électoral en vue de garantir la transparence dans la gestion des élections. Mais, c'est une évidence aujourd'hui que ces résultats sont loin d'être atteints, ce qui est encore un doux euphémisme.

Au contraire, les conséquences de cette extrême politisation de la CENA sur le 14

processus électoral dans son ensemble ont été multiples. L'on peut citer, par exemple :

Il faut entendre ici la CENA et ses démembrements (jusqu'au niveau des agents électoraux).14

Ÿ La transformation de la CENA en un instrument de lutte partisane où finalement chaque groupe politique utilise ses représentants pour tenter, parfois avec succès, d'influencer le processus électoral à des fins purement opportunistes et stratégiques ;

Ÿ La perte graduelle mais constante de légitimité de la CENA aux yeux des populations de façon générale et même des acteurs politiques eux mêmes ;

Ÿ Les tensions permanentes au sein de la CENA qui bloquent son fonctionnement normal et, partant, son efficacité ;

Ÿ La transformation de la CENA en un instrument de satisfaction périodique des clientèles politiques (ce qui explique en partie le fort taux de renouvellement observé d'une CENA à une autre) ;

Ÿ La dégradation graduelle et constante de la qualité des élections organisées au Bénin.

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