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Chapitre 2: RECENSION DES ÉCRITS

2.2. QUALITÉ DE L’ALIMENTATION

2.2.3. ÉVALUATION DE LA QUALITÉ DE L’ALIMENTATION

2.2.3.3. Problèmes liés au recueil des données alimentaires

Les techniques de recueil des données alimentaires telles que le rappel de 24h, le journal alimentaire ou le questionnaire de fréquence alimentaire, fournissent des données autodéclarées, dont la validité de la mesure est souvent remise en question, aussi bien pour l’énergie que pour les autres nutriments (Black, 2000a). En effet, elles véhiculeraient des biais dus à la sous-estimation et, à une moindre ampleur, à la surestimation des apports alimentaires (Black, 2000a).

Poslusna et al. (2009) ont identifié huit facteurs ou groupes de facteurs associés à la sous- déclaration de l’apport énergétique. Il s’agit d’abord de l’IMC, la probabilité de sous- déclaration augmentant avec le niveau d’IMC. Ensuite, l’âge et le sexe, les femmes et les personnes âgées montrant une plus forte proportion de sous-déclaration. Puis, le statut socioéconomique et l’éducation qui seraient des prédicteurs d’une sous-déclaration. Ensuite, divers facteurs liés à la santé, comme le tabagisme et le régime amaigrissant, favoriseraient la sous-déclaration. En plus, des facteurs psychologiques, comme le souci face à l’opinion d’une autre personne, la déviation de son image vis-à-vis de l’idéal, la désirabilité sociale et la dépression, qui seraient associés à un niveau élevé de sous– déclaration. Puis, les habitudes alimentaires, le taux de sous-déclaration croissant avec les quantités d’aliments consommées, en lien avec le pourcentage d’énergie provenant des gras et la variabilité dans le nombre de repas par jour chez les femmes. Ensuite, la baisse de mémoire des répondants, aboutissant à des erreurs d’omission ou de commission, facteurs positivement associés à une mauvaise déclaration. Enfin, la mauvaise estimation des portions d’aliments consommés, pouvant favoriser la sous ou la sur-déclaration. Notons que certains de ces facteurs avaient déjà été évoqués plus tôt par Black (2000a), notamment l’obésité et le régime amaigrissant.

Le problème de sous-déclaration, et à moindre échelle la sur-déclaration en énergie et en nutriments est réel et inévitable (Goldberg et al., 1991). Même des diététistes participant dans de telles études pourraient ne pas fournir des données valides (Black, et al., 1991). Un biais de mesure des apports énergétiques conduirait vraisemblablement à des biais dans la mesure d’autres nutriments (Black et al., 1991). Une faible validité de l’évaluation alimentaire aurait des implications sur l’interprétation des études portant sur l’alimentation et la santé (Livingstone et Black, 2003); elle obscurcirait ou atténuerait les relations entre les apports alimentaires et les maladies liées à l’alimentation (Black, 2000a; Poslusna et al., 2009).

Cependant, la question clé reste celle de l’identification des sujets ayant fourni des données de faible validité (Black, 2000a). Black (2000b) énonce 4 approches ayant servi à les identifier à savoir, la comparaison entre les apports énergétiques (AE) auto- rapportés et ceux nécessaires au maintien du poids corporel, la comparaison entre l’azote rapporté/apport en protéines et l’excrétion d’azote urinaire de 24h, la comparaison entre l’AE rapporté et la dépense énergétique mesurée par la technique de l’eau doublement marquée, et enfin, l’approche de Goldberg et al. (1991) qui compare l’AE moyen rapporté, exprimé en multiple du taux de métabolisme basal par le ratio de l’apport énergétique sur le taux de métabolisme basal (AE/TMB). Ce ratio est alors comparé au coefficient d’activité physique ou niveau d’activité physique (PAL) pour chaque population. Les limites de confiance calculées déterminent si l’apport énergétique moyen rapporté est plausible comme une mesure valide de l’apport alimentaire (Black, 2000).

Face au coût élevé des techniques de laboratoire comme celle de l’eau doublement marquée, et à la difficulté technique de les utiliser dans des validations de routine de l’AE (Bedard et al., 2004; Livingstone et Black, 2003), le seuil de Goldberg a été plus largement utilisé dans les études épidémiologiques pour déterminer la sous-déclaration de l’apport énergétique. Il pose cependant certains problèmes. Le premier problème à

résoudre dans l’approche de Goldberg est celui du calcul du taux de métabolisme basal (TMB). Diverses équations ont été développées pour estimer le métabolisme basal ou de repos, basées sur l’âge, le poids et la taille. Selon Frankenfield et al. (2005), les plus couramment utilisées en clinique seraient l’équation de Harris-Benedict, celle de Mifflin- St Jeor (Mifflin-St Jeor et al.,1991), et celle de la FAO/OMS/UNU (1985). Cette dernière est une adaptation de l’équation de Schofield (Schofield, 1985) pour prendre en compte les sujets dans les tranches d’âge de 60 à 74 ans et de plus de 74 ans. Afin de contourner le problème de sous-estimation du taux de métabolisme de repos (TMR) qui lui est reproché, l’équation de Harris-Benedict a été reformulée en utilisant plutôt un poids ajusté pour les personnes obèses, calculé en soustrayant du poids actuel 25% de la différence entre le poids actuel et le poids que le participant aurait s’il avait un IMC de 25 (Franklin, 2003). De toutes ces formules, celles de Schofield ont été basées sur un corpus de données le plus large et sont les plus utilisées en évaluations alimentaires. Bien plus, elles ont été adoptées par la FAO/OMS/UNU en 1985, ce qui leur conférait un usage universel.

Le deuxième problème est celui du seuil. En effet, la méthode de Goldberg définit les « low energy reporters » (LER) comme des individus rapportant un apport énergétique moyen en dessous du standard de 1,55xTMB défini par le comité joint FAO/OMS/UNU(1985), comme le besoin énergétique minimal pour les personnes ayant un mode de vie sédentaire, avec une activité légère. Toutefois, sa spécificité serait faible, un seuil de 1,55 ne permettant d’identifier qu’environ 50% des cas de sous-déclaration. Ainsi, pour améliorer sa spécificité à l’échelle des groupes, la connaissance de l’activité physique est recommandée afin d’affecter un niveau d’activité physique moyen approprié permettant de déterminer la présence et le degré de biais (Black, 2000a; Livingstone et Black, 2003). Bien plus, Black (2000b) suggère que dans les études épidémiologiques, un questionnaire permettant au moins de classifier les participants selon les niveaux faible, moyen ou élevé d’activité physique soit inclu dans la démarche.

Ainsi, des auteurs ont recommandé que les études incluent dans les protocoles de recherche, une validation interne des données, celle de l’énergie étant appropriée lorsque l’énergie ou les macronutriments constituent le paramètre d’intérêt (pour les micronutriments on conseillerait plutôt la mesure de l’excrétion d’azote). A l’échelle des groupes, le seuil de Goldberg - très limité à l’échelle individuelle, en particulier lorsque le nombre de rappels de 24h est lui-même limité - pourrait être utilisé pour déterminer le niveau global de biais mais en comparant avec un niveau d’activité physique approprié pour la population en étude, basé sur l’activité physique ou le mode de vie (Black, 2000a).

Face à une telle situation, la tendance de certains chercheurs a été d’exclure les données sous-déclarées ou sur-déclarées de la base des données mais, selon Poslusna et al. (2009), l’une ou l’autre des deux approches introduirait des sources de biais; ils proposent deux approches pour contourner ce problème: la première vise à identifier les fausses déclarations et évaluer les apports du groupe avec et sans eux. La différence entre les deux quantités constitue en partie, une « évaluation de l’incertitude ». La deuxième vise à inclure tous les répondants dans le modèle, en contrôlant pour l’apport énergétique avec des méthodes statistiques.

A cette fin, quatre types de modèles sont proposés pour prendre en compte tous les apports énergétiques totaux dans l’examen des relations entre les nutriments et la santé: les modèles multivariés standards, les modèles de partition énergétique, et les deux plus utilisés à savoir, la densité du nutriment-quantité absolue de nutriments divisée par l’apport énergétique totale (AET), et le modèle résiduel utilisant la régression linéaire avec l’AET comme variable indépendante et l’apport en nutriment d’intérêt, supposée distribuée normalement. Pour chaque sujet, l’ajustement de l’apport en nutriment pour l’AE consiste à ajouter le résiduel ou différence entre les valeurs observées du nutriment et celles prédites par l’équation de régression, à l’apport en nutriment correspondant à l’AE moyen de la population en étude (Poslusna et al., 2009).