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Chapitre 2: RECENSION DES ÉCRITS

2.2. QUALITÉ DE L’ALIMENTATION

2.2.3. ÉVALUATION DE LA QUALITÉ DE L’ALIMENTATION

2.2.3.1. Méthodes à priori ou à indices alimentaires

Les indices alimentaires sont généralement construits sur la base des recommandations alimentaires, visant à réduire le risque des maladies chroniques (Arvaniti et Panagiotakos, 2008; Hu, 2002). Les indices alimentaires les plus utilisés pour évaluer la qualité de l’alimentation (Arvaniti et Panagiotakos, 2008; Kant, 1996) sont présentés ci-dessous, regroupés selon trois approches, basées respectivement sur les nutriments, les aliments ou groupes d’aliments et la combinaison des deux premières approches (Kant, 1996).

Les approches basées sur les nutriments comprennent plusieurs exemples (Kant, 1996). Citons le ratio d’adéquation nutritionnelle (nutrient adequacy ratio ou NAR) (Madden et Yoder, 1972) qui est le ratio de la consommation d’un nutriment et de son apport recommandé. Le ratio moyen d’adéquation nutritionnelle (mean adequacy ratio ou MAR) se calcule en intégrant la somme de tous les nutriments considérés (Madden et Yoder, 1972). L’indice de qualité nutritionnelle (nutritional quality index) (Sorenson et al., 1976) exprime la capacité d’un aliment ou d’un régime alimentaire à rencontrer les recommandations en nutriments, selon les besoins énergétiques. Le score nutritionnel (nutritional score) (Clarke et Wakefield, 1975) se calcule sur base de la somme des nutriments sélectionnés, consommés à un niveau équivalent à au moins deux tiers des apports recommandés. Le DINE score (diet improvement nutrient evaluation score) (Dennison et al., 1994) combine l’évaluation de la capacité à rencontrer les recommandations pour des nutriments sélectionnés et celle d’adhérer aux recommandations pour la modération de la consommation en gras. Enfin, le score de teneur naturelle en nutriments (naturally nutrient rich score) est un ratio de nutriments sur l’énergie (Drewnowski, 2005), basé sur la teneur moyenne de 14 nutriments clés pour 2000 kcal; les nutriments considérés sont les protéines, le calcium, le fer, la vitamine A, la vitamine C, la thiamine, la riboflavine, la vitamine B12, les folates, la vitamine D, la vitamine E, les gras mono-insaturés, le potassium et le zinc. Enfin, des nutriments individuels permettant des inférences concernant la consommation d’autres nutriments ont également été définis comme indices alimentaires. Par exemple, des apports élevés en

énergie s’accompagneraient d’apports élevés en nutriments comme les glucides, les lipides, les protéines et les micronutriments mais ceci ne garantit pas nécessairement une meilleure qualité du régime si on vise la réduction des maladies chroniques (Kant, 1996). Remarquons que tous les scores cités ci-haut tentent d’évaluer la QA sur la base de nutriments mais ils n’informent pas de la qualité globale de l’alimentation, ce qui constitue une faiblesse importante.

Les approches basées sur les aliments ou groupes d’aliments comprennent également divers exemples. L’indice alimentaire (dietary index) (Tuyns et al., 1987) est basé sur la fréquence de consommation de 14 aliments, groupés en deux catégories: ceux correspondant aux recommandations récentes reçoivent un score entre zéro et cinq tandis que les autres reçoivent un score entre moins cinq et zéro. Le score de variété alimentaire (food variety score) compte le nombre d’aliments consommés régulièrement. Le score de diversité alimentaire (food diversity score) compte le nombre de groupes d’aliments consommés régulièrement (Kant et al., 1991; Ruel, 2003). Remarquons aussi que parallèlement aux approches d’évaluation basées sur les nutriments, celles basées sur les aliments ou les groupes d’aliments n’informent pas non plus de la qualité globale de l’alimentation.

Une nouvelle méthode pour caractériser les aspects alimentaires qui peuvent compromettre la qualité de l’alimentation a été décrite par Receveur et al. (2008). Cette méthode dite des aliments les plus fréquemment consommés, c’est-à-dire ceux mentionnés par au moins 10% de l’échantillon dans les rappels de 24 heures, a été appliquée à nos données alimentaires. L’intérêt de comparer la consommation d’aliments fréquemment consommés est basé sur la présupposition que si l’excès de poids est très prévalent dans une population, il est possible que, dans la mesure où les choix alimentaires seraient impliqués, ce soit des choix très fréquents qui soient en cause (Receveur et al., 2008). Si de tels aliments peuvent être identifiés comme reliés à la

prévalence d’excès de poids, il en découle que leur consommation aux niveaux observés compromet la QA (une alimentation de qualité étant sous-entendue comme protectrice contre l’excès de poids).

Enfin, les approches mixtes sont des indices globaux qui se basent à la fois sur les nutriments et les aliments ou groupes d’aliments. Parmi les plus utilisées on pourrait citer l’indice de qualité de l’alimentation (diet quality index ou DQI), un score global du degré de conformité de l’alimentation de l’individu à des recommandations alimentaires et sanitaires spécifiques (Hu, 2000; Haines et al. 1999). Cependant, en plus des problèmes d’utilisation, cet indice n’inclut pas nombreux micronutriments, il ne reflète donc pas la QA totale. Par exemple, les sujets ayant un meilleur DQI n’ont pas nécessairement des apports adéquats de calcium et de fer (Arvaniti et Panagiotakos, 2008).

La version révisée du DQI est le « Diet Quality Index Revised » ou DQI-R (Clutter Snyder et al., 2007), décrite aux États–Unis dans le but de refléter les changements récents des recommandations alimentaires, et d’intégrer de nouvelles méthodes d’estimation des portions alimentaires. Cette version incorpore, en plus des micronutriments comme le calcium et le fer, les principes de la variété, de la modération et de la proportionnalité alimentaires, qui sous-tendent l’actuel guide alimentaire pour la population des États–Unis (Arvaniti et Panagiotakos, 2008). L’autre version révisée du DQI est le « Diet Quality Index-International » ou DQI-I (Kim et al., 2003), calculé pour évaluer la qualité alimentaire du régime de la population des Îles Baléariques. Cet indice se base sur quatre aspects majeurs d’une bonne qualité de l’alimentation, soit la variété, l’adéquation, la modération et l’équilibre général en macronutriments.

Une autre mesure de la qualité globale de l’alimentation largement utilisée est l’indice d’alimentation saine (Healthy Eating Index ou HEI) (Kennedy et al., 1995). Le HEI original a été développé par le Département de l’Agriculture des États-Unis (United States Department of Agriculture) pour le suivi de la consommation alimentaire et des

activités de promotion nutritionnelle pour la population des États–Unis (Arvaniti et Panagiotakos, 2008). La procédure d’utilisation de cet outil à dix composantes a été décrite ailleurs (Kennedy et al., 1995). Elle inclut le score de variété alimentaire comme partie intégrante de l’indice. En effet, les scores de diversité ou de variété alimentaire seraient fortement liés à la qualité de l’alimentation (Savy et al., 2008; Savy et al., 2007). D’autres indicateurs globaux de la QA ont été également proposés, en relation avec les effets sur la santé. Par exemple, l’indicateur de l’alimentation saine (healthy diet indicator ou HDI) qui comprend neuf groupes d’aliments ou de nutriments (acides gras saturés, acides gras polyinsaturés, protéines, glucides complexes, fibres alimentaires, fruits et légumes, noix/grains/pois, monosaccharides, disaccharides et cholestérol), serait un outil solide pour évaluer la QA ainsi que les effets adverses futurs de l’alimentation sur la santé (Huijbregts et al., 1997). L’indice de qualité alimentaire méditerranéen (mediterranean diet quality index ou MDQI) provient d’une modification du DQI pour l’adapter à la population méditerranéenne (Scali et al., 2001). Les changements au niveau des critères comprennent entre autres l’ajout de l’huile d’olive à cause de ses effets sur les maladies cardiovasculaires et probablement certains cancers; les poissons et les protéines sont remplacés dans le régime par la viande et les glucides complexes par les céréales.

Notons qu’actuellement la plupart de ces indices ne sont plus utilisés, notamment les indices portant sur les nutriments individuels, les aliments ou groupes d’aliments. En effet, l’intérêt en nutrition publique est maintenant centré plus sur les problèmes d’excès et de déséquilibre alimentaires en relation avec le risque des maladies chroniques, et moins sur les carences nutritionnelles (Arvaniti et al., 2008). Le HEI et le DQI sont les mesures les plus largement utilisées pour évaluer la qualité globale du régime alimentaire (Haines et al., 2008). Toutefois, en comparant trois indicateurs globaux de la QA dans le but de contribuer à développer un indicateur standard pour mesurer l’impact des recommandations alimentaires sur la santé des différents groupes sociaux nord-

américains, Dubois et al. (2000) ont plutôt préféré le HEI au DQI pour analyser les données de l’enquête québécoise sur la nutrition 1990.

Le HEI original visait à déterminer le degré auquel la population des États-Unis suivait les recommandations alimentaires (Kennedy et al., 1995). Le score du HEI (de 0 à 100) est la somme des scores individuels ou sous-scores (de 0 à 10) calculés pour chacune de ses dix composantes ou catégories de consommations à savoir, les céréales, les légumes, les fruits, le lait, les viandes, les gras totaux, les gras saturés, le cholestérol, le sodium et la variété alimentaire (Kennedy et al., 1995). Il a été modifié pour l’adapter à différents contextes, ce qui a conduit à plusieurs variantes.

La variante canadienne du HEI est le Canadian Healthy Eating Index ou C-HEI (Shatenstein et al., 2005). Utilisant le GAC contrairement au HEI, il comprend seulement neuf composantes car les fruits et les légumes se retrouvent dans le même groupe, conformément au GAC. En plus, le score de variété alimentaire y est calculé en utilisant une variante du score de diversité alimentaire qui prend en compte les groupes alimentaires et le minimum d’une portion de chaque groupe consommée par jour (Kant et al., 1991; Shatenstein et al., 2005). Rappelons que la variété alimentaire est généralement définie par le nombre d’aliments différents consommés habituellement tandis que la diversité alimentaire est définie par le nombre de groupes d’aliments consommés par chaque personne (Drewnowski et al, 1996). Cependant, les termes variété alimentaire et diversité alimentaire sont parfois considérés comme synonymes (Ruel, 2003).

Aux États-Unis, plusieurs variantes du HEI ont été décrites. Le « Youth HEI » (YHEI), a été conçu pour rendre le HEI plus pertinent aux jeunes, en évaluant à la fois les aliments sains tel que recommandés par les guides alimentaires, les aliments malsains comme les boissons gazeuses ou les collations salées, ainsi que le comportement alimentaire (Feskanich et al., 2004) comme la prise du petit déjeuner et la prise des repas en famille.

Le « HEI–2005 » visait à conformer le HEI aux nouvelles recommandations alimentaires publiées en 2005 pour la population des États-Unis (Guenther et al., 2008). Ses 12 composantes sont le total des fruits (incluant les jus de fruits 100%), les fruits (excluant les jus de fruits), les légumes totaux, les légumes verts et oranges, les céréales, les céréales complètes, le lait, les viandes et les légumineuses, les huiles, les gras saturés, le sodium et l’énergie provenant des gras solides, des boissons alcoolisées et des sucres ajoutés. L’« Alternate HEI » (AHEI) visait une meilleure prédiction du risque des maladies chroniques dans la population des États-Unis par rapport au HEI original; les critères incluent en plus des fruits et des légumes, les protéines provenant des noix et du soya, les fibres provenant des céréales, le ratio viande blanche : viande rouge, le ratio gras polyinsaturés : gras saturés, les gras trans, la durée d’utilisation des multivitamines et l’alcool (McCullough et Willett, 2006). Enfin, tout récemment, Chiuve et al. (2012) ont décrit l’ « Alternative HEI-2010 » (AHEI-2010) à partir de l’AHEI original, en y intégrant d’autres aliments et nutriments qui ont été souvent associés aux maladies chroniques en recherche clinique et épidémiologique comme les boissons et jus sucrés et le sodium, en plus de ceux inclus dans l’AHEI original.

En bref, plusieurs outils à indices ont été proposés pour évaluer la qualité de l’alimentation. Certains se basent seulement sur les nutriments individuels ou les aliments ou groupes d’aliments, mais les plus utilisés intègrent à la fois les deux aspects. Cependant, même ces derniers ne sont pas tous applicables à tous les contextes (ex. enfants et adolescents, population méditerranéenne), ce qui a conduit à la multiplicité de variantes suggérées. Une analyse minutieuse du contexte est donc requise avant le choix de l’indicateur à utiliser dans une recherche visant l’analyse de composantes principales de l’alimentation.