L’application
de
la notion d’évapotranspiration poten- tielleà
des problèmes pratiques concernant la déter- mination de l’économie hydriqued’un
sol pose le problème de savoir avec quelle rapidité la valeur de la transpiration s’écartede
sa valeur potentielleà
mesure que l’humiditédu
sol diminue. Thornthwaite etPenmin
ont tousdeux
recouruà
l’hypothèse la plus simple,qui
revientà
admettre que l’évaporation demeureà
son taux potentiel jusqu’à ce que la tension d’humidité dans le sol, au voisinage des racines, atteigne le point où les plantes commencentà
se flétrir, après quoi la transpiration est très réduite. Faute de données concluantes,il
est difficile de dire dans quelle mesure cette hypothèse correspondà
la réalité et on ne peut que renvoyer le lecteurà
une étude de P e n m a n sur l’évaporation[91],
où cette question est traitée. Nous noterons cependantque
des données récentes prove- nantde
la situation lysimétrique de Wageningen[83]
montrent que lorsque
le
taux potentiel n’est pas très élevé(4
mm par jour), le taux réel est de30 y0
inférieur-
dans le casd’un
gazon croissant sur sol argileux et pour une tension d’humidité de0,7
a t mà 5
c m de profondeur. D a n s les m ê m e s conditions édaphiques, l’évaporation reste exactement à son taux potentielsi celui-ci est égal au plus
à 2
mm par jour.Il
en découleque
la méthode simplistedu
((tout ou rien 1)peut ne
plus être utilisable dans les régions arides, où la trans- piration est intense, cequi
corrobore les résultats obtenus par Slatyer en Australiedu
Nord[98]
en ce qui concerne les profils d’humidité correspondantà
plusieurs typesde
culture.Dans les régions arides où la pluviosité a souvent un caractère nettement saisonnier,
il
est moins néces- saire d’établir un bilan détaillé, c o m m e l’exige la méthode de Thornthwaite[101]
que lorsqu’on a affaireà
des climats humides. Aussi, les travauxde
l’Institut Waite,à
Adélaïde, ont-ils porté davantage sur la longueur de la saison de croissance végétale et sur l’efficacité des pluies; des indices empiriques ont été établis pour faciliter des études de ce genre [93, 951.Un
travail antérieur, fondé sur le rapport entre la hauteur des pluies et la valeur de l’évaporation en réservoir a donné de bons résultats en Australie-Méri- dionale et ces résultats concordent avec la configu- ration réelledes
zones de végétation et la répartition géographique des différents modes d’utilisation des terres; les critères employés se sont cependant révélés inapplicables dans le norddu
continent. Des formules remaniées semblent pouvoir être plus largement utili- sées11951.
L’emploi
de
moyennes de la pluviosité, d’indices et de la durée des saisons de croissance végétale peut évi- demment conduire à de dangereuses erreurs dans des régions semi-arides, etil
faut pleinement tenir comptedu
risque de sécheresse prolongée. Cette question sortdu
cadrede
la présente étude, mais nouspouvons
néanmoins souligner la nécessité d‘unifier les défini- tions de la sécheresse en fonction de l’efficacité des pluies sous différents climats. Par exemple,il
est évi- dent que la définitiondu British
Meteorological Office, selon laquelle toute pluie de0,Ol
pouce(0,25
mm) ou davantage suffit pour pallier la sécheresse, ne convient pas en agronomie, m ê m e sous ce climat; d’ailleurs, aucune valeur choisie en fonction des caractéristiquesd’un
tel climatne
rendraitde
grands services dans des régions plus sèches.Ce
fait est admis par les cher- cheurs opérant en pays arides, lesquels, dans l’ensemble, fixentà
une quantité de l’ordrede 5 mm en
quarante- huit heures la quatité de pluie nécessaire pour pro- duire un effet réel, mais une meilleure connaissancede
l’efficacité des pluies faciliterait l’étudede
la séche- resse.Évaporation et bilan hydrique
L A R O S G E
F O R M A T I O N D E L A ROSEE
L a production de la rosée implique des phénomènes atmosphériques inverses
de
ceux qui interviennent dans l’évaporation, mais qu’on peut étudierà
partir des m ê m e s principes.En
particulier, elle exige une inversiondu
gradient hydrique, (hydrolapse), cequi
fait qu’elle a lieu plus aisément par les nuits claires.Les gradients d’humidité
qui
apparaissent alors sont en général plutôt moindresque
ceux de signe opposé que l’on observe pendant le jour[112]
et les coefficients de transfert vertical sont inférieurs d’au moins un ordre de grandeur. Les quantités d’eau mises en jeu par le phénomène de la rosée sont proportionnelle- ment moindres que dans le cas de l’évaporation.Attendu que le transfert de vapeur d’eau sur la surface
de
condensation dépend en finde
compte de l’activité tourbillonnaire de l’air, m certain vent est plus favo- rableà
la formation de la rosée qu’un air immobile.L a faible importance relative
du
dépôt de rosée fait qu’en général les météorologistes et les climatolo- gistes ne s’y sont guère intéressés(bien
qu’on recon- naisse qu’il s’agit là, dans les régions arides et semi- arides,d’un
phénomène de la plus haute importance);ce sont surtout des biologistes qui sont à l’origine des très nombreuses publications sur ce sujet, si bien que certaines idées assez vagues ont trouvé plus de crédit que si le phénomène avait
été
plus souvent abordé sous l’anglede
la physique. Nous nous proposons d’insister ici sur les aspects physiques les plus négligésde
la question et sur ceux qui présentent un intérêt particulier pour les régions arides, plutôt que d’essayerde
dresser un inventaire complet des travaux consa- crés à ses aspects biologiques, cequi
a d’ailleurs déjà été entrepris[112, 119, 1201.
Si
l’on considère une airede
grande étendue, la quantité nettede
rayonnement émis par unité de suqface de la projection horizontalede
la surface consi- dérée dépendde
la température etde
l’humidité.Il
est fort
peu
vraisemblable que la chaleur latente de la quantité totale de rosée dégagée-
rosée descen- dante plus rosée ascendante-
dépasse cette valeur et, dans la plupart des cas, elle doit s’en écarter forte- ment attendu que la surface considérée reçoit ausside
la chaleur par convection, à la fois d’en haut et d’en bas.Ce
raisonnement nous amène[126],
après avoir fait entrer en lignede
compte le rôle considé- rable que peut jouer la chaleur propagée à travers le sol[122],
à assigner a u dégagement de rosée une valeur limitede 0’5
mmà 1
mm par nuit. H o f m a n n[114]
a procédé
à
des évaluations détaillées, valablespour
l’Europe centrale.M ê m e dans u n air
humide
et calme, cette quantitéde rosée représenterait la quantité totale de vapeur contenue dans une couche d’air
de 50 à 100
m au- dessusdu
sol;il
est donc évident que la rosée descen- dante provient d’une couche d’air beaucoup plus épaisse.Il
s’ensuit également qu’on ne saurait af”mer que la quantité de rosée reçue par le feuillage soit proportionnelleà
la surface de celui-ci, c o m m e on l’a cru parfois; cette hypothèse a d’ailleurs conduit dans certains casà
des évaluationsbien
supérieures aux valeurs limites déduites plus hautde
considérations physiques.Ces principes ne sauraient être appliqués tels quels
à
des plantes isolées, parce que le flux de rayonne- ment et d’humidité peut ne plus être de la forme unidimensionnelle envisagée dans les paragraphespré-
cédents. U n e plante isolée de grande taille, a u milieu d’une étendue de sol nu o u couvert d’une végétation plus petite, aura un rayonnement supérieur a u rayon- nement proportionnelà
la projection de sa surface;les plantes
à
feuillage abondant, ayant une diffusivité thermique moindre, se refroidiront davantage que les autres et par suite attirerontà
elles la rosée.Ce
phénomène d’attraction de la rosée ne modifie cepen- dant en rien la quantité glohale
de
rosée qui peut se déposer sur une étendue horizontale donnée, ce qui est gagné en un point étant perdu enun
autre.Il y
aurait donc un espacement optimum des végétaux
qui
permettraità
ceux-ci d’attirer la plus grande part possible de rosée a u détriment des intervalles dénudés, et le groupement spontané de certaines espèces désertiques en bouquets séparés par des espaces dénudés représenterait jusqu’à un certain point une tendance naturelle vers ces conditions optimums.Lorsqu’on abaisse la diffusivité thermique réelle de la surface, par exemple en la labourant, en la recou- vrant d’humus ou en la cultivant, on abaisse
du
m ê m e coup la température superficielle. Lorsqu’il s’agit d‘une grande surface, l’applicationdu
principe de la conseï- vation de l’énergie montre que le taux de rosée n’en sera vraisemblablement pas modifié. Mais s’il s’agit d’une étendue de terrain dont certaines parcelles seule- ment sont, ainsi travaillées, l’advection sporadique d’air venant de zones plus chaudes et plus humides favorisera la formation de la rosée; ce qui fournit un autre exemple,à
plus grande échelle, de l’importance que présente le phénomène d’attraction de la rosée.L e risque de gelée sur les parcelles travaillées s’en trouvera également accru, encore que le dépôt de la rosée contribue
à
ralentir le refroidissement nocturne.L e rapport
qui
existe entre la rosée et la gelée est fonction à la foisdu
m o d e de culture et de la topogra- phie, c o m m e on l’observe en particulierà
la partie inférieure des vallées de drainage atmosphérique.A
une échelle plus grande, on constate que les flancs
25
Climatologie, compte rendu de recherches
d e montagnes exposés au vent sont favorables
à
la rosée tandis que les pentes abritéeslui
sont contraires.Au
total,il
semble exister de grandes possibilités de provoquer le phénomènede
la rosée, ou tout au moins d’agir par divers moyens sur celui-ci, en tenant soi- gneusement compte deseEeLs de
variations horizon- tales. Dans les limites physiques indiquéesplus
haut, tout artifice agissant dans le plan vertical peut aussi donnerde
bons résultats; un toit serviraà
diriger la rosée vers la partie la plus froidequi
est normalement la partie supérieuredu
tapis végétal et, moyennant certaines dispositions, les parties inférieures de celui-ci pourraient être absolument exemptes de rosée[112].
Ces facteurs dépendent uniquement de la nature de la végétation et
il
n’y a pratiquement aucun intérêt à étudier pour elle-même la variation de la rosée en fonctionde
la hauteur au-dessus du sol.L’exemple des x puits aériens 1) (entassements
de
pierres) de l’antiquité
[IO71
montre commentil
est possible d’agir sur le phénomène de la rosée.Ceux qui
alimentaient la ville de Théodosia fournissaient, dit-on,70 O00
litres d’eau par jour[125].
Leur fonctionne- m e n t s’explique en partie par un phénomène d’attrac- tion de la rosée et en partie par le fait qu’il est plus facile de recueillir la rosée sur des pienesque
sur le sol;il
est démontré que le dépôt de rosée est d’au- tant plus abondantqu’il
fera plus chaud dans la journée (abaissementde
la tension superficielle);
l’essentiel est
qu’il
s’agissed’une
surface lisse de faible dsusivité réelle, et un dispositif simple conforme à ces principes serait susceptible de nombreuses applica- tions, notamment pourdes
usages domestiques.D e s mesures ou des évaluations dignes de foi
[104,115]
ont établi
que
la rosée représentait quelques dixikmes d e millimètres d’eau; si elle se dépose, c o m m e en Israël[103],
pendant un grand nombre de nuits par an, son importance en tant que source d’humidité n’est pas niable. Elle peut alors avoirun
double rôle.Tout d’abord un rôle passif, en restant
à
la surface et en retardant l’élévationde
température et ledébut
d e l’évaporation durant le jour : en Israël, la rosée persiste dans les champs pendant plusieurs heures et, à l’ombre, jusque dans l’après-midi[104],
alors que dans les climats tempérés les fortes rosées d’automne peuvent demeurer jusqu’àmidi,
m ê m e sur des gazons très courts[log, 1161.
D’autre part, la rosée joue un rôle actif lorsque la plante l’absorbe, soit par les feuilles, soit par les racines, et qu’elle entre dans le cycle hydrique végétal. Les différentes espèces sont loin d‘être toutes également capables d‘absorber la roséequi
se dépose sur elles[116]. On
a m ê m e constaté en laboratoire que la rosée peut traverser la plante et passer dans le sol par les racines[121, 1231,
mais le mécanismephy-
siologique exact d’un tel phénomène est encore mal connu et
de
nouvelles recherches sont nécessaires sur ce point.L a rosée joue dans l’ensemble un rôle bienfaisant
qui
est largement attesté,bien
qu’elle puisse présenter26
éventuellement certains inconvénients, notamment celui de favoriser le développement de maladies crypto- gamiques
[Ill].
M E S U R E DE LA ROSOE
Les principes essentiels
qui
doivent régir l’évaluation et la mesurede
la rosée découlent directementde
ce qui précède.Il
faut d’abord se demander ceque
l’on désire connaître : la quantité totale de rosée ou seule- ment l’importancede
la rosée descendante. Dans les régions arides, c’està
cette dernière formede
rosée que l’on s’intéressera surtout.En
principe, elle peut être mesurée par la méthodedu
flux[la21 à
condition que l’on puisse obtenir la précision et le degré de sensi- bilité voulus.Un
autre moyen consiste à peser un collecteur[108, 1151 qui
devra autant que possible faire partie intégrante de la couverturedu
sol et pré- senter les mêmes caractéristiques que celui-ci; pour l’emploi de la plupart des dispositifs courants,il
faut se demander si l’équilibre thermique n’a pas été troublé.Lorsqu’on sait qu’une perturbation d’ordre thermique s’est produite
[114],
la signification qu’on peut recon- naître aux mesures demeure douteuse, quelque
soit le soin avec lequel a été étudié l’équilibre thermiquedu
collecteur. Toute méthode fondée sur un artifice et consistantà
exposer une surface déterminée en des conditions déterminées, c o m m e dans le casdu
drosomètre Duvdevani
[110],
met en jeu le phéno- m è n e de l’attraction de la rosée; elle ne permet donc pas d’étalonner définitivement u n appareil puisque le degré d’attraction dépendrade
la végétation avoi- sinante. Toutefois, bien que ces appareils ne puissent fournirque
des indications d’ordre qualitatif, la sim- plicitéde
telles méthodes en recommande I’usage lorsqu’on a besoin d’observations intéressant de grandes étendues, par exemple dans le cas d’études comparatives ou d’études d’ensemble d’une région concernant les possibilités de condensation. Les métho- des consistantà
peser la rosée recueillie sur des rameaux isoles[Il31
exigent également que l’on prenne certaines précautionspour
éviter les effetsde
distorsion.Pour la mesure
de
la quantité totale de rosée,il
faut nécessairement recourir au procédé qui consiste à éponger le dépôt de loin en loin et à le peser. Cette méthode est laborieuse et la pertede
quelques gouttes risque d’entraîner des erreurs, si l’onn’y
veille, maisil
ne semble pas qu’une autre solution soit possible.L a mesure
de
la rosée offre donc une intéressante matièreà
des recherches nouvelles, maisil
estévident
que son imprécision estbien
souvent inhérenteà
la naturedu
problèmeà
l’endroit considéré, et que des perfectionnements portant uniquement SUT les méthodes instrumentales nepeuvent
avoir qu’un inté- rêtlimité.
*vaporation et bilan hydrique
un
échange d’eau entre le sol et l’atmosphèregui
est comparableà
d’autres facteursdu
bilan hydrique.Il
se poduit des effets d’hystérésis, en ce sens que le degré hygrométrique d’équilibre pour une humidité relative connue de l’air est plus élevé au cours d’une phase de desséchement qu’au cours d’une phase
d’humi-
dification; de là résulte un changement de phase
du
cycle diurne
de
l’humidité édaphiquequi
peut avoir une influence sur les conditionsde
vie des plantes.D a n s les régions arides tout au moins, cet aspect
du
bilan hydrique paraît être d’une importanceSUE-
sante pour justifier