Avant d’étudier quels sont les éléments chimiques de l’atmosphère
qui
proviennentde
la mer,il
importe d’examiner les échanges chimiquesqui
se produisent en une année entre la m e r et les continents.On ne
pos- sède au sujetde
ces échanges que des indices indirects fondés principalement sur la quantité approximative de substances chimiques déversée en une année par les cours d’eau et sur le principede
l’équilibre géochimi- que des océans. Les sels qui se trouvent dans les océans se sont probablement accumulés peuà
peu a u cours des ères géologiques, mais la quantitéde
certains éléments que déversent en une seule année les cours d’eau est si grande qu’elle ne peut représenter le véritable taux d’accumulation.Une
partiede
ces corps doit donc reve-nir vers la terre. Parmi ces corps, appelés sels cycli- ques », on étudiera
CI
etS.
On
a vu que Conway[14]
a le premier entrepris l’étude de l’équilibre salinde
l’eau de mer, en se fondant sur- tout sur les observations de Clarke[13].
Depuis, d’autres évaluations de l’importance totale de l’altération météo- rique[59]
ontété
effectuées, mais les écarts manifeste- ment négligeables entre les différents chiffres n e modi- fient pas nos conclusions. Les calculs donnés ici n e sontque
provisoires, mais ils fourniront une indicationgéné-
rale de la quantité de chlorure et de soufre apportée sur les continents.P R O D U C T I O N V O L C A N I Q U E
L e chlore existant sous forme de composés naturels se trouve dans la mer en majeure partie;
il
ne provient presque jamaisde
roches ignées.Il
en est de m ê m eà
cet égarddu
soufre. L e chlore et le soufre appartiennent apparemment au groupe d’éléments que Rubey[59]
a appelés ((corps volatils en excédent », indiquant ainsique
leur origine, c o m m e celle de l’eau, est essentiellement volcanique. D’après les théories de la chimie physique moderne sur l’évolution de la terre[66],
ces corps volatils se sont répandus peuà
peu dans l’atmosphère, où ils sont restés en majeure partie durant toutes les ères géologi- ques.En
se fondant sur cette conception de l’évolution, on peut évaluer la quantité moyenne annuelle de chlore et de soufreà
l’état naissant dégagée par les volcans.Producfion volcanigue annuelle focale
CI =
1010 kgCI =
3x
IO9 kgS =
7,3x
10’ kgProducfion volcanique annuelle au-dessus des terres
S =
2,2x
10’ kgEn
supposantque
ces dernières quantités sont précipi- tées sur les1’5 x 1010
hectares, on obtient les quantités annuelles suivantes :Production volcanique par hectare et par an
C1
=
0,2S =
0,015Le
chiffre de1010 kg
pour la production totale n e semble pas exagéré.On
a calculé[16]
que la production volcani- que de chlore dans la vallée des Dix-Mille-Fumées repré- sente13 %
de cette quantité.P R O D U I T S D E L ’ A L T É R A T I O N M É T É O R I Q U E D E R O C H E S I G N É E S ET S É D I M E N T A I R E S
L a teneur en soufre et en chlore des roches est indiquée au tableau
II.
Ces chiffres sont empruntésà
Clarke[13]
pour le soufre et
à
Behne[8]
pour le chlore.TABLEAU
II.Roches Chlore Soufre
% %
Ignées
. . .
. .. . .
0,015 0,05 Sédimentaires. . . . .
..
0,015 0,20171
Climatologie. compte rendu de recherches
Ces chiffres représentent des moyennes pondérées en fonction de la quantité totale des deux espèces de roches.
D’après Conway
[l4],
le rapport entre l’altération météorique des roches ignées et celle des roches sédi- mentaires est de25 à 100.
L a quantité moyenne annuelle d e solides entraînés par les eaux de ruissellement étant de273 kg
par hectare et par an, la quantité de roches ignées altérées doit être de55 kg
par hectare et par an, et celle des roches sédimentaires de218 kg
par hectare et par an (compte non tenu des sels cycliques et autres apports extérieurs qu’il faut, évidemment, déduire).L’apport des roches est donc donné par les équations suivantes :
Chlore
Soufre ,
‘yo5 55 + ‘7” 218
=
0,44 kg/hallanl100 100
P R O D U C T I O N D U E A L’ACTIVITÉ H U M A I N E (pollution)
Conway
[14]
estimeà 0,9 x 1010
k g par an la production totale de sels due à l’activité humaine. C e chiffre semble trop faible lorsqu’on l’évalue, en fonction de la produc- tion industrielle totale de NaCl(35 x 10,
tonnes par an),à
environ2 x 106
tonnes par an, cequi
représente2,3 x 1010 kg
de chlore par an environ, c’est-à-dire bien plus que le chiffre de Conway. L a production totale de soufre est actuellement, par an, d’environ10 x 106
ton- nes, soit1010 kg
par an. Naturellement, ces quantités n e se retrouvent pas dans l’atmosphère.L a combustion de carbone fossile produit également chlore et soufre. L a production annuelle de charbon est actuellement de
1,2 x 109
tonnes environ. L a teneur en chloredu
charbon est faible(0,15
environ), comparableà
celle des roches sédimentaires. Sa teneur e n soufre est I~eaticoup plus forte, allant jusqu’à2 % ;
on peu?. la fixeren moyenne
à 1 %,
selon l’estimationdu
Eeaver C o m - mittee for British Coal[4].
En
se fondant sur ces données, on obtient les chiffres suivants : chlore par combustion,0,018 x 101o kg ;
sou- fre par combustion,1,2 x
1010kg.
En
supposant que50 y .
au moinsdu
chlore etdu
sou- fre dégagés par combustion sont précipités sur la mer, et que le reste est précipité sur les régions drainées de la périphhrie des continents (1010 ha) l’apport moyen par hectare et par a n atteint :Chlore par production de sel,
2,3 kg
par h a eL par an.Chlore par combustion,
0,Ol kg
par h a et par an.Soufre par production de sel,
1,0 kg
par h a et par an.Soufre par combustion,
0,6
k g par ha et par an.C H L O R E E T S O U F R E N O N C Y C L I Q U E S D A N S L E S E A U X F L U V I A L E S
L e tableau
III
indique la quantité de chlore et de soufrequi
doit être charriée hors des terres par les eauxflu-
viales.TABLEAU III.
Chlore Soufre kglha kdha Activité humaine
Production
. . . .
2,3 130 Combustion. . . . . . . 0,Ol
0,6 Altération météorique des roches.
..
0,04 0,44 Production volcanique (chlore et soufre àl’état naissant)
. . . .
..
0,2 0,02 Totalestimé.
.. . . .
2,6 291Q U A N T I T É D E C H L O R E ET D E S O U F R E C H A R R I É E P A R L E S C O U R S D’EAU
D’après les observations de Clarke
[13],
la quantité annuelle de chlore et de soufre charriée vers la mer est de15,5 x 1010
et de11,l x 1010 kg
respectivement, soit15,5
et11,l kg
par hectare respectivement.S E L S CYCLIQUES
En
faisant la différence entre les résultats des calculs et ceux des obseiwxtions concernant la teneur en chlore et en soufre des eaux fluviales on peut évaluer la quantité de sels cycliques c o m m e indiqué a u tableauIV.
TABLEAU IV.
Chlore Soufre kg/ha kg/ha Observations
. . . . . 15,5
11,1 -2,l Calculs. . . . .
. ..
-2,6Sels cycliques .
.
. ..
..
12,Y y,o__
-
Cette méthode n’est pas tout à fait celle qu’emploie Conway. L e chiffre auquel
il
évalue la quantité de chlore due à l’altération météorique des roches sédimentaires est plus élevéde 1,5 Bg
parce qu’il compte parmi les sels des roches sédimentaires une quantité de sel g e m m e représentant2 %
de la teneur en sels des océans.En
revanche, son évaluation de la quantité de chlore due
à
la production humaine est sensiblement inférieure. L e chiffre de0,015 %
auquel Behne[8]
(voir Goldschmidt[31])
évalue la teneur e n chlore des roches sédimentaires est calculée en tenant compte du sel g e m m e dont l’im- portance lui paraît négligeable. Conway n’indique pas quel procédéil a
employé pour évaluer la quanlité de,Le climat chimique et les sols salins dans la zone aride surface de la terre subit toujours, au cours de ces inter- valles, de iégers ébranlements qui, probablement, relient par intermittence la région en question avec la mer, de sorte que les sels accumulés seraient balayés. Ainsi, les invasions marines joueraient un rôle entièrement inverse de leur rôle habituel, c’est-à-dire qu’au lieu de déposer des sels, la mer lessiverait les sels marins provenant de l’atmosphère. Cet exemple démontre I’importance géo- chimique des sels marins transportés par l’atmosphère, qu’il ne faut donc pas négliger.
Il
reste un certain nombre d‘autres points intéressantsà
examiner.L’un
d’eux concerne le ((soufre cyclique ))qui, selon certains calculs, représente problabement
10 kg
environ par hectare et par an (voirfig. 3).
Resteà
savoir commentil
est transporté de la m e r dans I’at- mosphère.Le
rapport soufre-chlore dans l’eau de m e r n’étant quede 0,0465
et le chlore provenant sans doute exclusivement de l’écume, on s’attendraità
trouver beaucoup moins de soufre cyclique, peut-être0,0465 x
12,6 = 0’6 kg
seulement par hectare et par an. Conway[14]
a été le premierà
signaler cet écart et à émettre une hypothèse qui mérite de retenir l’attention.Il
fait obser- ver que les seuils continentaux et les vastes étendues de la pente, qu’il évalueà 16 y .
de la superficie totale de l’océan, sont recouverts d’une ((boue bleue », sédi- ment de couleur foncée riche en matières organiques.En
raison de la présence de matières organiques en décomposition ces sédiments manquent d‘oxygène.En
conséquence, l’oxydation des substances organiques s’effectue au prix d‘une réduction des sulfates,
qui
pro- duit de l’hydrogène sulfuré; ce dernier se dégage des sédiments et pourrait, selon Conway, lorsque les eaux n e sont pas trop profondes, atteindre la surface avant de s’oxyder et s’échapper dans l’atmosphère. Mais Conway se demande comment s’opère cette diffusion, car la diffusion moléculaire est assez lente. Si, toutefois, on envisage la diffusion turbulente, celle-ci peut accélé- rer la vitesse de transport vers la surface,qui
dépend dans une large mesure des courants de marée et de la stabilitéde
la masse d’eau.On
peut démontrer que lors- que la diffusivité tourbillonnaire est d’un centimètre carréà
la seconde seulement,il
ne sera pas nécessaire, étant donné un transport constant, que la différence de concentration excède20
pg par litreà
travers une pro- fondeurde 100
m pour produire toute la quantité voulue. Cette évaluation vaut pour la superficiedu
plateau continental
qui
représente8 y .
environ de la superficie totale des océans.Malheureusement on ne connaît pas la teneur en
H,S
des eaux superficielles, probablement parce que les méthodes habituelles d’analyse ne permettent pas de la déterminer.En
supposant m ê m e qu’une grande partie de cet hydrogène sulfuré s’oxyde avant d’atteindre la surface,il
suffit, pour expliquer la présencedu
soufre, qu’il en reste une faible quantité,bien
inférieure à celle qui peut être décelée par l’odorat.On
peut donc consi- dérer que la mer est une des principales sources de gazà
basede
soufre, c o m m e le montrent d’ailleurs les ana- sel gemme. D e u x pour cent de la teneur en sels des océansreprésentent une quantité considérable; pour l’obtenir,
il
faudrait faire évaporer une masse d’eau égaleà
sept fois la Méditerranée et la mer Noire réunies. Ce sel couvrirait la surface de la terre d’une croûte d‘un mètre d’épaisseur; si on l’étendait seulement sur les continents l’épaisseurde
cette croûte seraitde
plus de trois mètres.U n e telle estimation semhle exagérée mais, m ê m e si l’on en tenait compte, elle n e modifierait pas sensiblement le total de sels cycliques
indiqué
plus haut.OBSERVATIONS GÉNÉRALES
L e taux de
12,6
parkg
et par an pour le chlorure cyclique représente la quantité nette transportéeà
partir de la mer, par l’atmosphere et les précipitations, vers les régions continentales qui elles-mêmes sont drainées vers la mer.On
adit
déjà (voir fig.2)
que la quantité annuellede
chlore précipité dans les régions de l’intérieur est d’environ10 kg
par hectare et par an. Cesdeux
évalua- tions concordent très étroitement. Conway[14]
dans une étude analogue de la circulation des chlorures évaluede
faqon ingénieuse la teneur en chlorures de l’atmo- sphère des continents, en se servant d’observations effectuées sur des eaux depluie
non polluées en Nouvelle- Angleterre (voir Jackson[36]). A
partir de la distribution de la teneur en chlore de l’air au-dessus des terres,il
cal- cule la quantitéde
chlore transportée vers les continents par unité de longueur deligne
côtière.En
multipliant ce chiffre par la longueur approximative de l’ensemble des côtes,il
obtient le chiffre de6,9 kg
par hectare et par an.Mais cette évaluation est évidemment trop faible, car elle ne vaut
que
pour une côte orientale situéeà
une latitude où domine le vent d’ouest.On
a déjà v u[22]
que la distributionà
l’intérieur des terres sur la côte occi- dentale de l’Europe laisse penser que la quantité de sels transportée vers l’intérieur est beaucoup plus élevée.C o m m e
il
aété dit
plus haut, les deux tiers seulement des régions continentales sont drainées vers la mer.L e tiers restant se compose de dépressions ((closes ))ou de déserts où
il n’y
a pasde
ruissellement.Il
doity
avoir dans ces régions une accumulation de chlorures, dont la majeure partie provientde
la m e r et est trans- portée par l’atmosphère. Cette accumulation a sans doute une importance géologique si les dépressions n’ont pas subide
changements pendant assez longtemps.En
effet, supposons que la quantité annuellede
chlorure précipité dans ces dépressions soit seulement de1 kg
par bectare et par an, ceSu;
est probablement en dessous de la réalité. C o m m eil
s’agit d’une superficie de0,5 x
1010
hectares, la quantité annuelle de chlorures accu-mulée
seraitde 0,5
par1010 kg. Si
la région en question n’a subi aucun bouleversement géologique pendant200 millions
d’années-
intervallequi
séparedeux
grandes périodes orogéniques-
la quantité totalede
chlorures accumulée serait
de 101* kg,
soit4 y .
environ de tous les chlorures contenus dans la mer.En
fait, la173
Climatologie, compte rendu de recherches
lyses d’eau de pluie
qui
ont été effectuées en Scandinavie.On
a constaté que lepH
de cette eau est très faible[617
cequi
s’expliyuc sans doute par la présence deSO,
ou deSO, i
l’état gazeux.On
a noté également que l’eau de pluie recueillie près des côtes d‘Hawaii, face a u vent, a un p H très faible, cequi
peut s’expliquer par le fait que le rapport soufre-sodiumy
est plus élevé que dans l’eau de mer. Cet excédent de soufre aété
constaté en d’autres points par Gray[32]
d’abord, dans l’eau de pluie recueil- lie sur une péninsule de la Nouvelle-Zélande, puis par Boss[SI.,
dans de l’eau provenantdu
brouillard, recueillie sur la côte qui borde le désertdu
Namib en Afriquedu
Sud-Ouest, où le brouillard n e peut avoir d’autre origine que la mer. D’autres encore (voir Goldschmidt [31]) ont observé qu’à WoIvis Bay, non loin
du
point où Boss a recueilli ses observations, leo sédiments des fonds sous- marins dégagent beaucoup deH,S,
qui remonte périodi- quement vers les eaux superficielles en telle quantité qu’il est très nuisibleà
la flore età
la faune marines.L e processus.imaginé par Conway mérite donc une étude