F A I T S I M P O R T A N T S
Il
semble indiscutable que la chimie des eaux douces (eaux souterraines, fluviales et lacustres) soit influencée par les précipitations de sels marins. Cependant, cette influence est généralement négligée dans les recherches sur la composition des eaux douces. L a présence d’éléments solubles a été rattachée le plus souventà
l’altération chimique des sols et des roches par desTABLEAU VIII.
facteurs atmosphériques.
Il
apparaît maintenant que cette altération aété
fortement surestimée,du
fait qu’on anégligé
les éléments transportés par I’atmo- sphère. Eriksson[23]
a souligné récemment, dans une étude des relationsqui
existent entre la composition des eaux fluviales de Suède et les sels transportés par l’air, que la comparaison entre le rapport Cl/Na des eaux lacustres des régions sèches et le rapportC1
/ N a des précipitations permet de conclure que la plupart des sels contenus dans les cours d’eauy
ont été apportés par l’atmosphère.Il
a également indiqué que les varia- tions de la teneur en chlorures des eaux lacustres reflè- tent, dans une large mesure, cellesdu
rapport préci- pitation-ruissellement.Anderson
[3]
a procédé dans l’Étatde
Victoria (Aus- tralie)à
une étude intéressante sur le rapport entre les sels marins atmosphériques et la composition des eaux fluviales et lacustres des deux côtés de la ligne de séparation des eaux côtières. Prenant les chlorures c o m m e indicateurde
la présence de sels marins,il
apu
calculer la teneur en chlorure des eaux fluviales à partir de la teneur en chlorures des précipitations ainsi quedu
rapport entre le ruissellement et les précipita- tions. Les résultats qu’il a obtenus, etqui
présentent un grand intérêt pour la présente étude, sont indiqués dans le tableauVIII.
L a concordance entre les résultats des calculs et ceux des observations en ce
qui
concerne la teneur en chlo- rures est remarquable et n e laisse guère de doute quant à la valeur des hypothèses. Mais peut-être indique-t-elie aussi qu’iln’y
a paslà
d’interception de noyaux salins semblableà
celle qu’Ericksson a observée dans les fleuves suédois.Il
faudrait rechercher les causes de cette différence.Anderson a également étudié la composition chimique
de
certaines eaux lacustres et fluviales, et a fait une observation intéressante. D a n s les régionsoù
le rapportde
ruissellement est relativementélevé,
la composition des eaux fluviales est davantage influencée par la dénu- dation des sols sous l’effet d’agents chimiques que dans les régionsà faible
pourcentage de ruissellement, où les eaux fluviales ont une composition assez analogueà
celle des précipitations.Il
prendpour
exemple la retenue de Mundaring, citée plus haut, dont l’eau a une salinité correspondantà
celle d‘me solution d’eauAire d’alimentation
Tenour moyenne en chlorures Rapport entre le
ies précipiraiions Préci-
Précipitations ruissellement et Eaux jZuviales Superficie
de t’aire
Calculs Observations pifations
km’ cm
. . . . . . .
Upper Murray 259605 84,30 0,283
$8
3,5 374O’Shamassy
R.. . . . . . .
120 160,75 0,520 297 5 2 4,75Yarra
R. . . . . . . . .
2 517 112,16 0,311 4,4 14*,2 15,3Barwan
R..
3691 64,33 0,075 874Helena
R.
(Australie-Occidentale). . .
1474 71,13 0,034 6 7 197 203. . . . . . .
112 134L e climat c h i m i q u e et les sols salins dans la zone uride solubilité
du
carbonatede
magnésium. Pour le carbo- nate hydratéMgCO, x 3H,O,
le produit de solubilité a été fixéà 10-5,
tandis que les chiffresdu
Bureau of Standards concernant l’énergie libre donnent8 x
10-9.Si
l’onprend
la première valeur, étant donné une pression partielle de3 x
10-4 atmospheres deCO,
dans l’air, aucun carbonate
de
magnésium ne serait jamais précipité dans la nature, car l’hydroxyde est précipité d’abord.Si
l’on prend l’autre valeur, moins forte, la situationdu
carbonate de magnésium està
ce point semblable à celledu
carbonate de calcium qu’il faut supposer m e sursaturation de l’eau de m e r en carbonate de magnésium,qui
ne correspond pasà
la réalité.Les chiffres
du
tableau indiquent qu’ily
adéjà
une certaine déperdition de sulfates dans le sel, avant
qu’il
ne pénètre dans un cours d’eau. Cette déperdi- tion se poursuit dans le lac, lequel, d’après Anderson, sentait l’hydrogène sulfuré.Dans les cours d’eau,
il
doity
avoir, dans une cer- taine mesure, sursaturation, notamment de calcium.On
observe, en général, une sursaturation de carbo- nate de calcium dans les océans chauds où la précipi- tationdu
carbonate est facilitée par les foraminifères pélagiques.de mer
à 1 y .
en volume. Les chiffres sont indiqués au tableauIX.
TABLEAU IX.
E a u de la retenue de Mundaring
Corps chimique Solution d’eau de mer
Moyenne de 6 Autre à 1 % en volume
L a seule différence entre les deux échantillons d’eau consiste en ce que l’eau de la retenue contient moins
de
sulfate, mais plus de carbonate-
cequi
estdû
probablement
à
la réduction des sulfates par les bac- téries ouà
leur absorption par les plantes-
et surtout, plus de calcium. L a pertede
sulfates ne conduit pas nécessairement en ce cas à la précipitationdu
calcium etdu
magnésium, car l’eau est relativement diluée, de sorte que sonpH
n’augmente pas.Si
la teneur en selsd’un
lac s’élève, par suite d‘une forte évaporation, une réduction des sulfates amènera une diminutiondu
calcium et du magnésium, c o m m e l’a indiqué Anderson. Celui-ci prend pour exemple le lac Corangarnite et deux de ses affluents.Ce
lac est @tué au sud de la ligne de partage des eaux côtièresde
1’Etat de Victoria et contient évidemment beaucoup de sels marins. Les chiffresdu
tableauX
sont exprimés en pour- centages par rapport a u radical halogénure(Ci +
Br.).On
a évalué les valeursdu p H
en fonctiondu
rap- portHCO,/CO,
et de la seconde constante de dissocia- tionde
l’acide carbonique, qui est4’84 x 10-11 à 250 C.
L a très faible teneur en calcium s’explique facilement
TABLEAU X.
E X P L I C A T I O N S T H É O R I Q U E S
Si
l’on admet que les chlorures des eaux naturelles proviennent de sel marin en suspension dans l’atmo- sphère,il
devient évident que pour un u état station- naire ))de la circulation del’humidité
et des sels, la teneur en chlorures des eaux souterraines(Cg)
doitCorps chimique Luc Corangarnite Fleuve Criqu. E a u Je mer
Climatologie, compte rendu de recherclres
être fonction : 10 de
la
teneur en chlorures des précipi- dans le cas extrême l’accumulation sera indépendante9 sauf modifications des variations
du
rapportN - E -
tions
(N); 30
de l’évaporation(E) (y
compris l’évapo-transpiration), soit : passagères. L’autre extrême est représenté par une
N
aire où les eaux souterraines s’accumulent dans un bassin et sont drainées au-dessusd‘un
seuil; en cec, = c, x -
cas, le raisonnement ci-dessus est entièrement appli- relation déduite de simples considérations de Conti-
cable ; il
est intéressantde relever
nuité. Cette relation vaut pour autant que
N > E.
quela
constantede
tempscun tel bassin
Avant d’en étudier les conséquences,
il
faut expli- avecquer ce qu’on entend par ((état stationnaire ».
11
n’yLes
effets d’unemodification plus durable du
rap- a évidemment pas d‘états stationnaires dans la nature, portprécipitation-ruissellement
êtreillustrés
la périodicité et les fluctuations aléatoires étant dessuit Supposons
courssoit
alimenté caractères essentielsde
tous les systèmes. Maisil
est pardeux ahes de même
étendue,E étant égal 5 400
possible de réaliser des états quasi stationnaires, endans
Ilune, età 500 dans
parpeffet
choisissant les échelles de temps et d’espace de manière couverture
végétale
asse2L~
précipitation,que
les périodiciths importantes et les faibles fluctua- estla
même pourles deux
aires, estégale à 510 mm.
tions d’amplitude soient presque insensibles. D a n s
L~
quantitédYeau correspond à 1000
m m l’étude ci-après,il
est entendu que le temps est exprimé etla
teneur endes précipitations
estde 1 mg
en années et que le système dit stationnaire n’est quepar litre. A
l’étatle de l”ire
plus sèche est égal à
10 1
par mètre carré et par an, et celui de l’autreà 110 1
par mètre carré et par an.L a quantité de chlorures drainée sur ces deux aires est la m ê m e : c’est celle
qui
est contenue dans510
mmde précipitation. L~
teneur enchlonires du
cours,yeau
Seradonc
:tations
(C,); 20 de
la quantité annuelle de précipita-N
N - E
,
aussi bien que la valeur deC , ,
est constant Pour une aire de drainage donnée,
cg
sera également constant dans les eaux souterraines
du
bassin de drainage. Comiaissant la profondeurde
la sappe souterraine et la porosité
P
de la couche aqui- fère, on peut calculer la quantité de chlorures atmo- sphériques accumulée dans les eaux souterraines par unité de surface. Supposons par exemple que la nappe souterraine ait10
mde
profondeur et que la porosité soit égaleà
0’3 : la quantité de chlorures par mètre carré(M,)
sera :510
-
8,5 m g par litre 1 m T - G-
Si, toutefois, en enlevant de la végétation on réduit l’évaporation dans l’aire
PIUS
sèche de façon qu’elle ait la m ê m e valem que dans l’autre, savoir400
mm par an, le ruissellement de l’aire plus sèche sera de110 1
par mètre cube et par an, mais la teneur en chlo- rures ne sera pas sensiblement modifiée,de
sorte que la quantité de chlorures drainée en un an sur cette aire représentera onze fois cellequi
lui est apportée par les précipitations. L a teneur en chloruresdu
cours d’eau s’élèveradonc à
N N - E
M, =
10x
0,3x C, =
3C , x -
Si C,
est exprimé enm g
par litre, on obtientMg
eng
par mètre carré.En
maintenant l’évaporationE
constanteà 500 mm /l
et
C,
constant à1
mg par litre et en faisant varier laN
en mm 1000 750 600 550 525 510 505C,,
en mg/l 2 3 6 11 21 51 101 c’est-à-dire qu’elle passeradu
simple au triple. Cette l8 33 63 153 303 situation durera assez longtemps, jusqu’à ceque
touteM,
en g/m26o 180 330 630 1530 3030 la nappe souterraine ait été renouvelée. Ce phéno-
M,
en kg/haConstante de
temps en années 12 3o 6o 120 3oo 6oo mène est intéressant
du
point de vuede
la théorie énoncée par W o o d concernant l’augmentation de la L a constante de temps est simplement le quotient teneur en sels des cours d’eau de l’Australie-Occiden- des quantités accumulées par la quantité annuelle de taleà
la suitede
la destruction de la végétation autoch- précipitation.Elle
donne une idée de la durée néccs- tone.saire pour atteindre un ((état stationnaire ». L’exemple ci-dessus est évidemment très simplifié, Ces Calculs ne peuvent
évidemment
s’appliquer car les échanges qui se produisent dans les eaux SOU- terraines sontloin
d’être aussi simples. L a pente de la immédiatementà
une aire de drainage où ___-
variecouche aquifère déterminera la direction
de
l’écoule-$un point
à
l’autre.Si
le drainage se produit le long ment des filets d’eau et, par conséquent, la vitesse de d’une pente, la profondeur de la nappe souterraine cet écoulement en divers pointsdu
bassin.En
raisonN
des fortes variations de la vitessede
1’6coulement variera approximativement en fonctionde
____N - E
et’ laminaire dansun
corps poreux,il
doit se produire précipitation, on obtient les résultats suivants:
510__
+‘’ =
27,8 m g par litre110
+
110N
Le climat chimique et les sols salins dans la zone aride des mélanges entre les filets d’eau, de sorte que les
deux masses d’eau se rencontrent en de multiples points. D a n s l’exemple ci-dessus,
il
semble qu’après avoir enIevé de la végétation, on devrait enregistrer d’abord une élévation soudaine, mais inférieure peut- êtreà
celle qu’on a calculée, de la teneur en chloruresdu
cours d’eau,puis
une diminution continue d’année en année jusqu’à I’établissement d’un nouvel état stationnaire, après une période considérable, bien plus longue que la constante de temps de la nouvelle nappesouterraine.
peut également se modifier L e rapport ___
sous l’effet de tendances annuelles
ou
de variations de longue période dans l’intensité des pluies. Ces modi- fications présentent peut-être une importance encore plus grande dans la planification à long terme.On
a récemment démontré l’existence a u Mexique[68]
de tendances de la pluviosité annuelle,
qui
doivent exercer une forte influence sur les variations de la salinité dans les eaux souterraines et fluviales des régions arides de ce pays. Les précipitations subissent des fluctuations de longue période. Les effets des variations de la précipitation sur la salinité des eaux fluviales et souterraines atteindront leur m a x i m u m s’il arrive que cette période coïncide avec la ((constante de temps ))d‘une nappe d’eau souterraine (voir plus haut).Lorsque l’aridité est telle que les sels se précipitent, on trouvera des couches de sels. Si l’évaporation compense la précipitation, les sels s’accumulent, et cette accumulation peut se poursuivre pendant des périodes géologiques. Lorsque le régime des précipi- tations subit des variations de très longue période, les sels sont alternativement déposés et lessivés; les eaux souterraines et fluviales et les eaux de source seront très salines pendant les périodes de pluie;
il
faut donc se montrer très prudent en évaluant, d’après les résultats de l’analyse des eaux fluviales, la quantité de sels marins précipités par an dans des régions arides.U n e série d’observations portant sur une seule année risque d’indu&e gravement en erreur. Néanmoins, les données concernant la quantité annuelle de sels marins précipités peuvent être très utiles pour évaluer le volume des eaux souterraines,