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2.3 La synthèse de populations d’étoiles

2.3.2 Le problème inverse

Comme nous l’avons vu ci-dessus, l’étude de la métallicité d’une galaxie est une

bonne méthode pour décrire l’histoire d’une galaxie. Mais les deux fonctions “taux

de formation d’étoiles” ψ(t) et “fonction de masse initiale” φ(m) suffisent à décrire

l’histoire de formation stellaire d’une galaxie. On peut ainsi calculer le nombre N

d’étoiles de masse comprise entrem

1

etm

2

et d’âge compris entret

1

ett

2

, sit

g

est l’âge

de la galaxie, en utilisant la formule suivante :

N =

Z

m2 m1

Z

tg−t1 tg−t2

φ(m)ψ(t)dm dt (2.16)

Il est donc possible, en réalisant des comptages d’étoiles, de retrouver le produit

φ(m)ψ(t) et donc, en supposant connue la fonction de masse initiale, de remonter

au taux de formation d’étoiles. Notons que la fonction de masse initiale peut être

dé-terminée à partir de populations d’étoiles bien particulières dont on connaît le taux de

formation d’étoiles comme, par exemple, les amas globulaires dont toutes les étoiles

se sont formées au même moment.

2.3.2.1 Les méthodes analytiques

La première méthode pour déterminer le taux de formation d’étoiles à partir d’un

nombre d’étoiles d’âge et de masse connues, consiste à calculer analytiquement la

relation entre ces deux grandeurs. En dérivant deux fois la relation 2.16, on obtient

notamment l’équation suivante :

ψ(t) = 1

φ(m) ·d

2

N(m, t)

dm dt (2.17)

Pour compter les étoiles de massem et d’âgetdonnés, il faut pouvoir les observer

individuellement, déterminer leur distance et les placer sur un diagramme HR, ce qui

pose de nombreux problèmes observationnels pour l’étude des galaxies. Notons de

plus que l’âge des étoiles reste une donnée indéterminée sur toute la séquence

prin-cipale, et que les étoiles déjà mortes ne sont plus observées alors qu’elles devraient

en toute rigueur être intégrées dans le comptage. Néanmoins, cette méthode a tout de

même démontré son efficacité sur des amas d’étoiles proches.

Pour palier aux problèmes observationnels, qui empêchent la réalisation du

dia-gramme HR d’une galaxies lointaine, il est possible d’utiliser des relations

intermé-diaires entre le comptage direct des étoiles et l’observation de la luminosité et de

la couleur moyenne de la population dans son ensemble. Il existe notamment des

relations théoriques, moyennant certaines approximations que nous n’allons pas

dé-velopper dans cette thèse, qui relient la couleur d’une galaxie au nombre d’étoiles par

unité de masse et sa luminosité au nombre d’étoiles formées par unité de temps. En

effet la couleur d’une galaxie dépend directement des proportions relatives des étoiles

massives donc bleues par rapport aux étoiles légères donc rouges. Nous pouvons

donc écrire la relation suivante, si on noteL

B

etL

R

les luminosités bleue et rouge de

la galaxie, et F()une fonction à déterminer :

dN(m, t)

dm ∝F(L

B

L

R

) (2.18)

La luminosité totale d’une galaxie est à mettre en relation avec le nombre total

d’étoiles formées au cour de sa vie, sans oublier le fait que la couleur des étoiles les

plus lumineuses est un très bon indicateur de l’âge de la galaxie : une galaxie jeune

sera dominée par la lumières des étoiles bleues, une galaxie plus vieille sera dominée

par la lumière des géantes rouges. Nous pouvons donc écrire la relation suivante, si

on noteL la luminosité totale de la galaxie, etG()une fonction à déterminer :

dN(m, t)

dt ∝G(L,L

B

L

R

) (2.19)

2.3.2.2 Les méthodes numériques

La méthode numérique, utilisée pour retrouver le taux de formation d’étoiles d’une

galaxie à partir de ses propriétés observées, consiste à réaliser un grand nombre de

simulations et à les comparer aux observations. Il s’agit de simuler le diagramme

HR d’une population d’étoiles avec un taux de formation d’étoiles, une fonction de

masse initiale et une fonction de métallicité théoriques, puis d’ajouter numériquement

la luminosité de chacune des étoiles pour obtenir les propriétés lumineuses d’une

galaxie synthétique. Chaque galaxie synthétique avec un taux de formation d’étoiles

différent est appelée un modèle.

Pour comparer les observations aux modèles et trouver le meilleur ajustement,

on utilise des méthodes d’optimisation. Ces méthodes sont nombreuses et certaines

d’entre elles seront développées à divers moments dans cette thèse. Les plus connues

sont la minimisation du χ

2

, les moindes carrés, le maximum de vraissemblance ou

encore l’optimisation “bayésienne”. Dans le cas le plus simple de la minimisation du

χ

2

(“best-fit” en anglais), on calcule leχ

2

de chaque modèle qui est une mesure de la

différence entre les caractéristiques des observations et celles des modèles, puis on

garde le modèle qui a le plus petit χ

2

. Le taux de formation d’étoiles du modèle choisi

sera notre estimation du taux de formation d’étoiles de la galaxie observée. Si on a

une série L

i

de luminosités observées dans différentes couleurs, avec les erreur σ(L

i

)

associées, et qu’on noteL

0

i

la luminosité du modèle dans les même couleurs, leχ

2

se

calcule de la façon suivante (voir la section 6.2.1) :

χ

2

=X

i

(L

i

−L

0i

)

2

σ(L

i

)

2

(2.20)

En pratique il n’est possible de synthétiser qu’un nombre fini de populations

d’étoiles dont les propriétés lumineuses seront toutes sensiblement différentes, et

ce nombre augmente avec la précision des observations. Il est donc nécessaire de

construire une bibliothèque de modèles adaptée à la nature et à la qualité des

obser-vations disponibles (voir la section 6.2.2).

2.3.2.3 La dégénérescence âge-métallicité-poussière

Les méthodes numériques comme les méthodes analytiques sont limitées par le

phénomène de dégénérescence entre certains paramètres ou fonctions physiques des

galaxies. La dégénérescence de deux paramètres signifie que la modification de l’un

d’eux a la même conséquence observationnelle que la modification de l’autre.

Autre-ment dit, plusieurs galaxies avec des caractéristiques physiques différentes peuvent

avoir une seule et même caractéristique lumineuse. Il devient alors impossible, à

partir des observations, de choisir parmi plusieurs solutions possibles au problème

inverse.

Dans le cas de la synthèse de populations stellaires, il existe une dégénérescence

bien connue entre trois paramètres : l’âge des étoiles, leur métallicité et la quantité de

poussières présentes dans le milieu interstellaire. Cette dégénérescence s’applique à

la couleur observée des galaxies. Examinons l’effet de chacun des paramètres :

– Plus l’âge des étoiles est élevé plus la galaxie semble rouge, car seules les étoiles

jeunes sont bleues.

– Plus la métallicité des étoiles augmente moins la galaxie semble bleue, car les

étoiles plus métalliques sont moins lumineuses et que cet effet est plus visible

sur la population d’étoiles bleues que sur la population d’étoiles rouges. En effet

les étoiles bleues sont forcément des étoiles jeunes, donc métalliques, alors que

les étoiles rouges peuvent être aussi bien jeunes que plus vieilles, donc avec une

métallicité plus faible et une luminosité plus forte.

– Plus la quantité de poussières augmente moins la galaxie semble bleue, car les

poussières absorbent plus de lumière dans la partie bleue que dans la partie

rouge du domaine visible.

A la lumière de ces différents phénomènes physiques, il apparaît :

– Que la couleur bleue d’une galaxie peut s’expliquer aussi bien par la jeunesse

de ces étoiles, que par une faible métallicité, ou par une faible quantité de

pous-sière.

– Que la couleur rouge d’une galaxie peut s’expliquer aussi bien par la vieilleisse

des ces étoiles, que par une forte métallicité, ou par une forte quantité de

pous-sière.

– Que la couleur neutre d’une galaxie peut s’expliquer par deux effets

antago-nistes, comme des étoiles jeunes mais avec beaucoup de poussières par exemple.

Notons que la dégénérescence âge-métallicité-poussière diminue avec la qualité et la

diversité des observations, et qu’elle n’interdit pas totalement d’effectuer une

estima-tion de chacun de ces trois paramètres. L’effet de la dégénérescence est en réalité à

prendre en compte dans les barres d’erreur de ces estimations, qui sont beaucoup

plus grandes que si la dégénérescence n’existait pas.

Par conséquent, la dégénérescence âge-métallicité-poussière n’agit pas de la même

façon sur chacun des trois paramètres. L’âge des étoiles peut toujours être estimé avec

une erreur relativement faible car il possède un vaste domaine de valeurs possibles.

Au contraire, la quantité de poussières est plus difficile à déterminer car l’erreur

in-troduite par cette dégénérescence couvre une proportion plus importante des valeurs

possibles. Finalement, la métallicité des étoiles est presque impossible à déterminer

car toutes les valeurs possibles sont compatibles avec un changement antagoniste de

l’âge des étoiles ou de la quantité de poussières. Cet effet explique, comme nous le

verrons tout au long de cette thèse, que la métallicité soit préférentiellement

mesu-rée à partir du gaz interstellaire plutôt que dans les étoiles. La figure 2.5 résume ce

raisonnement.

8 9 10 0 0.01 0.02 0.03 0.04 log(age) (yr)

(a)

0 2 4 6 0 0.01 0.02 0.03 0.04 TauV

(b)

0 0.5 1 1.5 2 0 0.005 0.01 0.015 Z/Z(sun)

(c)

FIG. 2.5 – Dégénérescence âge-métallicité-poussière

Ces trois figures présentent les distributions de probabilité du logarithme de l’âge

moyen en années (a), de l’extinction interstellaire dans la bande V en magnitude (b)

et de la métallicité en unités de métallicité solaire (c) de la galaxie VVDS 020166935.

Ces probabilités ont été obtenues en comparant la répartition spectral d’énergie de

cette galaxie à une bibliothèque de modèles théoriques (voir la section 6.2.2). Les

droites horizontales donnent la valeur moyenne et la dispersion du paramètre estimé

calculées selon divers méthodes. Le résultat est relativement précis pour l’âge moyen,

imprécis pour l’extinction interstellaire et très mauvais pour la métallicité. Dans les

trois cas la dispersion des distributions de probabilités est due, en plus des erreurs

de mesure, à la dégénérescence entre ces trois paramètres.

CHAPITRE

3

Observer les propriétés spectrophotométriques des galaxies

Sommaire

3.1 La photométrie . . . 42

3.1.1 Principe . . . . 42