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Autres propriétés spectrophotométriques

3.3 L’étude spectrophotométrique

3.3.3 Autres propriétés spectrophotométriques

Nous avons vu les exemples de la luminosité et de la masse des galaxies, qui

sont deux propriétés physiques mesurables par la mise en commun des techniques

spectroscopiques et photométriques. Nous allons présenter dans cette section trois

autres exemples de propriétés physiques déterminées par les méthodes

spectropho-tométriques.

3.3.3.1 Calcul du taux de formation d’étoiles

Le taux de formation d’étoiles peut être calculé de plusieurs façons. Encore une

fois, la répartition spectrale d’énergie permet d’en avoir une estimation. Cependant,

du fait de la dégénérescence âge-métallicité-poussière, l’estimation du taux de

forma-tion d’étoiles à partir de la photométrie seule ne pourra être qu’approximative car elle

nécessite une bonne connaissance indépendante des ces trois paramètres. En effet

l’âge moyen des étoiles d’une galaxie nous renseigne sur les variations récentes du

taux de formation d’étoiles, tandis que la métallicité et la poussière sont des

indi-cateurs des générations d’étoiles précédentes. Il existe des méthodes, plus poussées,

qui comparent non pas la répartition spectrale d’énergie seule mais aussi le spectre

complet des galaxies à des spectres théoriques. Ainsi, en comparant en même temps

l’ensemble des signatures spectrales disponibles, ces méthodes permettent de

mi-nimiser les dégénérescences et d’obtenir une estimation de l’histoire de formation

stellaire. Mais ces méthodes nécessitent des spectres de très bonne qualité avec une

haute résolution et un fort rapport signal sur bruit.

Néanmoins, la photométrie seule permet quand même de calculer le taux de

for-mation d’étoiles moyen sur un certain nombre d’années dans le passé, de l’ordre du

temps de vie des étoiles les plus chaudes qui ont une signature caractéristique sur

la répartition spectrale d’énergie, c’est-à-dire une centaine de millions d’années. Si

on note ψ(t) le taux de formation d’étoiles, t0 l’instant présent, et SFR

τ

le taux de

formation d’étoiles moyen intégré pendant le tempsτ, on a la formule suivante :

SFR

τ

= 1

τ

Z

t0 t0−τ

ψ(t)dt (3.47)

Une autre méthode pour obtenir le taux de formation d’étoiles “instantané”,

c’est-à-dire intégré sur les quelques derniers millions d’années, consiste à utiliser les raies

d’émission du gaz. En effet, l’intensité de ces dernières, qui nécessitent un milieu

ionisé (aussi appelé gaz HII) pour apparaître, est directement proportionnelle à

l’in-tensité de la source de lumière ionisante. Or dans les galaxies à formation d’étoiles,

cette source ionisante n’est autre que la présence d’étoiles bleues donc jeunes,

in-diquant un taux de formation d’étoiles instantané élevé. Il est courant d’utiliser la

raie Hα de l’hydrogène pour déterminer le taux de formation d’étoiles car elle possède

deux avantages : elle dépend peu de la métallicité du gaz contrairement aux raies

des métaux, et elle dépend peu de la quantité de poussière car elle est située dans la

partie rouge du spectre. Si on noteL(Hα)la luminosité de cette raie d’émission (après

la correction-k spectroscopique), le taux de formation d’étoiles instantané, noté SFR

s’écrit couramment par une simple loi de puissance où η

Hα

est une constante :

SFR = L(Hα)

η

Hα

(3.48)

Notons qu’outre la correction-k spectroscopique et une éventuelle correction de

l’extinction interstellaire, le flux d’une raie doit subir une dernière correction avant

d’être utilisé pour déterminer sa luminosité absolue. Cette correction, appelée

“cor-rection d’ouverture” permet de tenir compte du fait qu’un spectroscope ne capte pas

toute la lumière de la galaxie observée, car cette dernière est souvent plus étendue

que la largeur de la fente. La correction d’ouverture, notée ape (de l’anglais

“apertu-re”), est calculée en comparant la magnitude photométrique m de la galaxie observée

à travers un certain filtre avec la magnitude spectroscopique obtenue en intégrant le

flux monochromatique observé f

λ1

1

) ou f

ν1

1

) (sans effectuer de correction-k

spec-troscopique) à travers la courbe de réponse T(λ

1

) ou T(ν

1

) du même filtre. Si on note

f

λn

(λ)ouf

νn

(ν)le flux monochromatique de référence du système de magnitude utilisé,

on a la formule suivante :

ape =m+ 2,5·log

µ R

∞ 0

f

λ1

(λ1)·T(λ1)dλ1

R

∞ 0

f

λn

(λ)·T(λ)dλ

=m+ 2,5·log

µ R

∞ 0

f

ν1

(ν1)·T(ν1)dν1

R

∞ 0

f

n ν

(ν)·T(ν)dν

(3.49)

Finalement, la luminositéL(r)d’une raie d’émission quelconque notéer est

calcu-lée en fonction de son flux mesuréef(r)(en tentant compte de la correction-k

spectro-scopique), de la distance de luminositéDL de la galaxie et de la correction d’ouverture

par la formule suivante :

L(r) =f(r)×4πD

L2

×10

0,4·ape

(3.50)

Notons que, pour être exacte, la correction d’ouverture doit être calculée à travers

un filtre dont la longueur d’onde centrale est proche de la longueur d’onde observée

de la raie d’émission.

Notons enfin qu’une dernière méthode pour calculer le taux de formation d’étoiles

instantané fait appel non plus à la luminosité d’une raie d’émission mais

directe-ment à la mesure de la quantité de lumière ionisante, c’est-à-dire à une mesure de la

luminosité en utltraviolet de la galaxie.

3.3.3.2 Propriétés du gaz interstellaire

Les raies d’émission produitent dans les régions HII permettent d’étudier très

pré-cisément les propriétés du gaz interstellaire. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la

luminosité absolue des raies d’émission nous renseigne indirectement sur le taux de

formation d’étoiles via la mesure de la quantité de gaz ionisé. De leur côté, les

rap-ports de flux ou de largeurs équivalentes des raies d’émission permettent de déduire

les autres propriétés des régions HII : métallicité, quantité de poussières,

tempéra-ture, densité, degré d’ionisation ou encore composition chimique. Notons que cette

étude ne nécessite pas de correction-k, de correction de la distance de luminosité, de

correction d’ouverture, ni même de correction du rougissement interstellaire lorsque

les deux raies considérées ont des longueurs d’onde voisine, car toutes ces corrections

s’annulent en faisant des rapports de raies.

– En théorie, la quantité de poussière est le paramètre le plus facile à estimer. En

effet, comme nous l’avons vu précédemment (voir la section 2.2.1), la poussière

produit un rougissement de la lumière des galaxies en absorbant plus fortement

les courtes que les grandes longueurs d’onde. Or le rapport entre les différentes

raies d’émission de l’hydrogène, par exemple Hα/Hβ ou Hβ/Hγ, peuvent être

cal-culés théoriquement. Il suffit donc de comparer les rapports théoriques aux

rap-ports observés pour en déduire l’intensité du rougissement interstellaire, donc

la quantité de poussière.

– Le degré d’ionisation peut être aisément estimé en étudiant le rapport des raies

les plus ionisées sur les raies les moins ionisées d’un même élément chimique,

comme par exemple le rapport [OIII]λ5007/[OII]λ3727.

– La métallicité est le principal phénomène qui contrôle le rapport entre

les raies des métaux et les raies de l’hydrogène, comme par exemple

([OII]λ3727+[OIII]λ5007)/Hβ ou [NII]λ6584/Hα. Mais il existe d’autres

phéno-mènes qui entrent en jeu comme par exemple le refroidissement radiatif qui

in-tervient sur les raies de l’oxygène. Le refroidissement radiatif se produit lorsque

l’abondance en oxygène est si forte que l’essentiel de l’énergie de collisions des

atomes est convertie en rayonnement via les raies collisionelles du domaine

in-frarouge, produisant au final une diminution de l’intensité de ces dernières dans

le domaine visible. Notons que les indicateurs de métallicité souffrent

générale-ment d’une incertitude non négligable, sans être un obstacle majeur à l’étude

des propriétés physiques des galaxies, de l’ordre de 20%. Cette incertitude est

due aux nombreux paramètres qui entrent en jeu dans le calcul des rapports

théoriques en fonction de la métallicité, et notamment la température et la

den-sité du gaz très difficiles à estimer.

– La composition chimique du gaz est un corrolaire de la métallicité : il s’agit de

mesurer la proportion des divers éléments chimiques formant la famille des

mé-taux. Elle peut être estimée en mesurant le rapport de deux raies métalliques,

comme par exemple [NII]λ6584/[OII]λ3727 pour l’abondance relative de l’azote

par rapport à l’oxygène. Notons que cette mesure nécessite de tenir compte de

la température du gaz pour être exacte, à cause des effets de refroidissement

radiatif. L’étude de la composition chimique du gaz est un bon indicateur d’un

sursaut récent de formation stellaire. En effet, certains éléments comme

l’oxy-gène apparaissent très rapidement après la mort des étoiles les plus massives,

alors que d’autres comme l’azote apparaissent avec un retard de l’ordre d’une

centaine de millions d’années.

– La température du gaz peut être mesurée à partir du rapport entre

les raies collisionnelles, proportionnelles à la température, et les raies

de recombinaison d’un même élément chimique, comme par exemple

([OII]λ3727+[OIII]λ5007)/[OIII]λ4363. Cependant cette mesure est très difficile

à cause de la faible intensité des raies de recombinaison des métaux, invisibles

sur la grande majorité des spectres actuellement disponibles de galaxies

loin-taines.

– La densité du gaz peut être mesurée à partir du rapport entre deux raies de

longueur d’ondes voisines d’un même élément chimique (on parle de doublet),

comme par exemple [SII]λ6717/[SII]λ6731. Cette mesure est elle aussi difficile

à réaliser car elle nécessite aussi bien une haute résolution, pour bien séparer

les deux raies du doublet, qu’un haut rapport signal sur bruit à cause de la

précision du calcul.

3.3.3.3 Vitesses de rotation

Comme nous l’avons vu précédemment (voir la section 3.2.2), une partie au moins

de la largeur des raies d’émission ou d’absorption peut s’expliquer par l’effet Doppler.

Ce dernier est induit par la projection sur la ligne de visée du mouvement de rotation

des étoiles ou du gaz autour du centre galactique. En effet, la vitesse radiale des

étoiles par rapport à l’observateur passe successivement par un minimum négatif

(l’étoile se rapproche de nous), une valeur nulle (l’étoile bouge perpendiculairement à

la ligne de visée) et par un maximum positif (l’étoile s’éloigne de nous) tout au long

de leur rotation autour du centre galactique ; or la modification de la longueur d’onde

apparente du rayonnement par effet Doppler est directement proportionnelle à cette

vitesse radiale. Notons que la vitesse de rotation est couramment mesurée sur les

raies d’absorption produites par les étoiles.

Si on note ∆v

r

la différence de vitesse radiale apparente entre le minimum et

le maximum, λ la longueur d’onde d’une raie et ∆λ

dop

l’élargissement de cette raie

mesuré et attribué à l’effet Doppler, nous pouvons appliquer la formule suivante où c

est la vitesse de la lumière :

∆λ

dop

λ =

∆v

r

c (3.51)

Rappelons qu’une partie de l’élargissement des raies d’émission ou d’absorption

est due à la résolution du spectroscope qu’il convient de soustraire. Selon la théorie

statistique, les largeurs associées à un phénomène physique modélisable par une loi

normale (loi de Gauss) s’additionnent quadratiquement. Cela s’applique aux largeurs

de raies comme au bruit de mesure. Ainsi, si l’on note∆λla largeur totale d’une raie et

∆λ

R

l’élargissement attribué à la résolution du spectroscope, nous devons appliquer

la formule suivante :

µ

∆λ

λ

2

=

µ

∆λ

dop

λ

2

+

µ

∆λR

λ

2

(3.52)

Comme l’élargissement des raies est relié à leur longueur d’onde, il est courant

d’exprimer celui-ci par unité de longueurs d’onde logarithmiques. On peut finalement

appliquer la formule qui relie la largeur logarithmique observée ∆(lnλ) des raies à

la différence ∆v

r

de vitesse radiale et à la résolution R

s

du spectroscope, en mettant

ensemble les relations 3.52, 3.51 et 3.11 :

∆(lnλ) = λ

λ =

s

µ

∆v

r

c

2

+ 1

R

2 s

(3.53)

Notons que les étoiles dont l’orbite est perpendiculaire à la ligne de visée ne

su-bissent jamais aucun effet Doppler. Il est donc nécessaire, pour les galaxies spirales

dont toutes les étoiles orbitent dans le même plan, de tenir compte de l’angle

d’incli-naisonide ces galaxies par rapport au plan normal à la ligne de visée (i= 0 pour une

galaxie vue de face). La vitesse de rotation vrot des galaxies spirales est donc reliée à

la différence de vitesse radiale observée par l’équation :

v

rot

= v

r

sini (3.54)

En revanche, pour les galaxies elliptiques dont les orbites des étoiles sont

désor-données, l’effet d’inclinaison s’annule en moyenne. La vitesse de dispersion mesurée

des étoiles ∆v, qui est définie comme la moyenne des différences de vitesse radiales

observées pour des angles d’inclinaison variant de i= 0à i= 2π (tous les angles

d’in-clinaison sont possibles), est donc égale à la vitesse de rotation des étoiles dans une

galaxie elliptique :

∆v=

Z

2π 0

∆v

r

di=v

rot

·

Z

2π 0

sini di=v

rot

(3.55)

CHAPITRE

4

Étudier la formation et l’évolution des galaxies

Sommaire

4.1 Les modèles de formation et d’évolution des galaxies . . . 74

4.1.1 L’assemblage de la masse stellaire . . . . 74