4.2 Les outils statistiques
4.2.2 Les relations d’échelles
Les densités de paramètres différentielles sont des outils extrêmement puissants
pour étudier les relations entre les différents paramètres des galaxies dans un
échan-tillon bien sélectionné. Elles permettent, en comparant des galaxies à divers stades
d’évolution, d’étudier la façon dont ces dernières évoluent au sein de leur espace de
paramètres. Mais un défaut majeur est que l’information sur l’évolution en décalage
spectral est diluée par la pondération du volume maximal, méthode qui suppose une
“évolution passive” (voir section suivante).
L’étude de l’évolution globale des populations de galaxies en fonction du décalage
spectral passe donc par la définition d’échantillons limités à des intervalles de
dé-calages spectraux. Comme nous allons le voir, ces échantillons sont par définition
limités en volume ce qui permet de s’affranchir de la pondération par le volume dans
l’étude des relations entre les différents paramètres. Il est courant d’étudier les
re-lations entre les valeurs individuelles de deux paramètres observationnels : on parle
de relations d’échelles. Les relations d’échelles les plus connues sont par exemple la
relation de Tully-Fisher qui relie la luminosité et la vitesse de rotation des galaxies
spirales, la relation masse-luminosité ou encore la relation luminosité-métallicité.
4.2.2.1 Échantillons limités en volume
Les densités de paramètres définies par la méthode du volume maximum souffrent
d’un biais d’évolution. Cette méthode suppose en effet par définition que les densités
de paramètres sont constantes en fonction du décalage spectral : on parle “d’évolution
passive”. C’est cette hypothèse qui permet de calculer la densité d’un paramètre en
divisant sa valeur pour une galaxie donnée par le volume maximum dans lequel cette
dernière reste visible en supposant qu’elle n’évolue pas. Notons qu’il est possible de
corriger ce biais en tenant compte de l’évolution théoriquedes galaxies dans le calcul
du volume maximum. Pour autant, cette méthode ne permet pas d’étudier l’évolution
des galaxies car elle la présuppose à priori.
L’étude de l’évolution des galaxies passe donc par la définition d’échantillons
li-mités en volume, c’est-à-dire des échantillons de galaxies situées dans plusieurs
in-tervalles de décalages spectraux différents. L’évolution des paramètres physiques des
populations de galaxies devient ainsi quantifiable en étudiant leur variation en
fonc-tion du décalage spectral, donc en foncfonc-tion du retour en arrière dans le temps.
Du fait de la sélection en décalage spectral, les décalages spectraux minimumz
minet maximumz
maxutilisés pour définir le volume maximumV
maxsont directement
limi-tés aux valeurs extrêmes de l’intervalle choisi. Par conséquent, le volume maximum
ne peut excéder une certaine valeur qui correspond au volume comobile compris dans
cet intervalle, d’où le terme d’échantillon “limité en volume”.
En pratique, on ne garde parfois dans un échantillon limité en volume que les
galaxies qui répondent à la fonction de sélection sur tout l’intervalle de décalages
spectraux, c’est-à-dire qui ont toutes le même volume maximal. Cela permet de
s’af-franchir du calcul de V
maxet d’estimer directement la valeur moyenne de tel ou tel
paramètre. Dans le cas d’un échantillon limité en magnitude, cette étape est réalisée
en ne gardant que les galaxies dont le paramètrezmaxdéfini à l’aide de la relation 4.12
est supérieur au décalage spectral maximum de l’intervalle considéré. Autrement dit,
cela revient à sélectionner les galaxies dont la luminosité absolue ou la masse sont
supérieures à une certaine limite définie par la fonction de sélection.
4.2.2.2 La relation masse-métallicité
La relation entre masse et métallicité est récemment devenue l’un des outils les
plus utilisés et les plus efficaces pour étudier les processus d’évolution chimique des
galaxies. La relation masse-métallicité est définie par deux paramètres : une valeur
moyenne et une pente. Or l’évolution de ces deux paramètres en fonction du
déca-lage spectral est très dépendante du modèle d’évolution considéré. L’observation de
l’évolution de cette relation permet donc de façon efficace de confirmer ou d’infirmer
les différents modèles disponibles : la “boîte fermée”, la “boîte ouverte” et le modèle
hiérarchique. Notons que l’évolution des galaxies se fait en réalité selon une
com-binaison de ces trois modèles mais l’étude de la relation masse-métallicité permet
de déterminer les proportions relatives de chacun. Notons enfin que la réduction de
masse caractéristique, qui est une propriété observée et non théorique, doit être prise
en compte dans les trois cas.
La relation masse-métallicité est le résultat de deux phénomènes correlés :
l’aug-mentation de la masse stellaire et l’augl’aug-mentation de la métallicité des galaxies avec
le temps. Néanmoins ces deux phénomènes ne sont pas toujours directement reliés
au processus de formation stellaire, en fonction du modèle choisi. En effet lorsque
l’augmentation de la masse stellaire s’accompagne d’une perte de gaz dans le milieu
intergalactique, ce qui est le cas du modèle de la “boîte ouverte” ou du modèle
hiérar-chique, l’augmentation de la métallicité est moins forte que celle prévue par le modèle
de la “boîte fermée”. Ainsi le modèle hiérarchique extrême, c’est-à-dire sans formation
stellaire en dehors des collisions, prévoit une augmentation de la masse mais pas ou
peu de la métallicité donc une relation masse-métallicité plutôt plate. Au contraire, le
modèle de la “boîte fermée” correspond à la plus forte pente théorique car
l’enrichis-sement en métaux est directement proportionnel à l’assemblage de la masse stellaire
(via le taux de production total).
La diminution de la métallicité globale d’une population de galaxies en fonction du
décalage spectral est le point commun des trois modèles. En effet celle-ci provient de
l’enrichissement progressif en métaux de l’Univers dans son ensemble.
La principale différence entre les modèles de la “boîte ouverte” ou “fermée” et le
modèle hiérarchique provient de l’assemblage de la masse stellaire. En effet, les
va-riations de masse stellaire observées dans une population de galaxies quelconque
sont trop grandes pour s’expliquer par un simple processus de formation stellaire.
Elles ne peuvent s’expliquer que si les galaxies naissent avec des masses différentes
dans le premier cas, ou si une part importante de l’augmentation de la masse stellaire
provient des fusions de galaxies dans le second cas. En conséquence, l’interprétation
de la réduction de masse caractéristique implique deux hypothèses différentes dans
ces deux cas. De plus, la principale différence entre les modèles “boîte ouverte” ou
hiérarchique et le modèle “boîte fermée” provient du taux de production effectif qui
est beaucoup plus faible dans le premier cas.
Nous allons énumérer ci-dessous les résultats attendus pour la variation de la
pente de la relation masse-métallicité, en fonction des trois modèles.
Le modèle de la “boîte fermée” Ce modèle suppose un taux de production effectif
égal à la valeur réelle et un assemblage de la masse stellaire uniquement due à la
formation d’étoiles. Dans ce cadre, la masse totale des galaxies n’évolue pas et seul
se produit la transformation de la masse de gaz en masse stellaire. L’interprétation
de la réduction de masse caractéristique nécessite donc de faire appel à un modèle
anti-hiérarchique : les galaxies géantes ont formé leurs étoiles plus vite et pendant
moins longtemps que les galaxies naines, d’où une diminution plus tôt dans l’histoire
de l’Univers de leur densité de formation d’étoiles.
L’évolution attendue de la relation masse-métallicité en fonction du décalage
spec-tral est donc la suivante :
– Dans un premier temps la métallicité des galaxies naines diminue alors que celle
des galaxies massives reste stable (elles ne forment plus d’étoiles). On observe
donc une augmentation de la pente.
– Plut tôt dans l’histoire de l’Univers, la métallicité des galaxies géantes diminue
à son tour en fonction du décalage spectral, mais plus rapidement que celle
des galaxies naines qui ont formé moins vite leurs étoiles. On observe donc une
diminution de la pente.
Le modèle de la “boîte ouverte” Ce modèle suppose un taux de production effectif
faible mais un assemblage de la masse selon le même principe que le modèle de la
“boîte fermée”. Notons que le modèle de la “boîte ouverte” parfaite, c’est-à-dire que
la galaxie éjecte tous ses métaux, n’existe pas car il faut tenir compte du potentiel
gravitationnel plus ou moins fort en fonction de la masse totale des galaxies. Ainsi
les galaxies les plus massives ont tendance à retenir leurs métaux par gravité et se
rapprochent toujours plus du modèle de la “boîte fermée” que du modèle de la “boîte
ouverte” même dans le cas d’éjections importantes de matière.
Comme la quantité de métaux éjectés par les étoiles et perdus dans le milieu
intergalactique ne dépend que de la masse totale de la galaxie (mais pas de leur
masse stellaire), on ne s’attend pas à une évolution de la relation masse-métallicité en
fonction du décalage spectral. Par conséquent la pente de la relation masse-métallicité
reste constante et prend une valeur plus faible que celle du modèle de la “boîte fermée”
à tous âges de l’Univers.
Le modèle hiérarchique Comme pour le modèle de la “boîte ouverte”, ce modèle
suppose un taux de production effectif très faible mais un assemblage de la masse
stellaire dominé par les fusions de galaxies. Dans ce cadre, la métallicité de la
po-pulation de galaxies naines reste stable dans la relation masse-métallicité. En effet,
une évolution de la métallicité ne peut avoir lieu qu’après un sursaut de formation
d’étoiles ce qui signifie aussi une augmentation conséquente de la masse. Or le taux
de production effectif est faible, donc la masse augmente beaucoup plus vite que la
métallicité en fonction du temps.
De son côté, la réduction de masse caractéristique nous oblige à faire une
hypo-thèse supplémentaire. Elle signifie en effet que la formation stellaire s’est arrêtée dans
les galaxies les plus massives, après qu’elles aient atteint une certaine limite en masse
stellaire à la suite de nombreuses fusions. En conséquence, le taux de production
ef-fectif des galaxies massives augmente en fonction du temps depuis cette époque et
diminue en fonction du décalage spectral depuis aujourd’hui.
Ainsi, l’évolution attendue de la relation masse-métallicité en fonction du décalage
spectral est la suivante :
– Dans un premier temps la métallicité des galaxies géantes diminue en même
temps que le taux de production effectif. On observe donc une diminution de la
pente. Notons que cette diminution est de faible amplitude étant donné la faible
formation stellaire relative dans les galaxies massives.
– Plut tôt dans l’histoire de l’Univers, les galaxies massives ont un taux de
forma-tion d’étoiles plus important (probablement à cause de collisions plus fréquentes
et/ou violentes) et un taux de production effectif plus faible. On observe donc
une stabilisation de la pente vers une valeur moins grande que dans l’Univers
local (tenant compte du potentiel gravitationnel plus fort des galaxies massives).
Il n’existe pas, au jour de la rédaction de cette thèse, de concensus sur
l’évolu-tion de la relal’évolu-tion masse-métallicité à grand décalage spectral. Cela est dû en grande
partie à la difficulté de mesurer des masses et des métallicités avec une grande
pré-cision. Cette difficulté a été très souvent en partie contournée par l’étude la relation
luminosité-métallicité. Cette dernière est reliée à la relation masse-métallicité par la
relation masse-luminosité qui est assez bien connue.
Une grande partie de ce travail de thèse consistera donc à essayer d’apporter une
vision la plus complète possible de cette thématique. D’abord en étudiant la relation
luminosité-métallicité de l’Univers local, puis son évolution en fonction du décalage
spectral et enfin la relation masse-métallicité de l’Univers distant.
Pour ce faire, nous ferons appel aux phénomènes physiques et aux techniques
décrits dans cette première partie.
Le but de cette partie est de présenter d’une part les données dont nous
dispo-sons, et d’autre part les outils de mesure adaptés ou développés dans le cadre de
cette thèse. Les données qui seront utilisées dans cette thèse sont de deux types :
les données collectées dans le cadre d’un grand relevé spectrophotométrique, et les
données collectées dans le cadre de petits programmes d’observation comme notre
échantillon “LCL05”. L’ensemble est présenté au chapitre 5. Enfin les outils d’analyse
automatique développés au cours de cette thèse sont présentés au chapitre 6.
CHAPITRE
5
Observations
Sommaire
Dans le document
Évolution cosmologique des propriétés physiques des galaxies
(Page 84-94)